Discours du ministre des Affaires étrangères à la 73e session de l’Assemblée générale de l’ONU

Messahel ONU
Le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, à l’ONU. D. R.

Nous publions le texte du discours prononcé par le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, à l’ONU.

«Madame la Présidente de l’Assemblée générale,

Monsieur le Secrétaire général,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

(…) Ce n’est pas sans regret que nous constatons que le monde dans son ensemble continue de vivre au rythme d’une crise multiforme d’une rare intensité. Une crise à propos de laquelle M. António Guterres était parfaitement fondé de s’alarmer.

Il faisait très justement remarquer que les conflits se sont aggravés et de nouveaux dangers ont émergé ; que les inquiétudes mondiales au sujet des armes nucléaires n’ont jamais été plus fortes depuis la Guerre froide ; que les changements climatiques évoluent plus vite que nos réponses ; que les inégalités s’accroissent ; que nous observons des violations inacceptables des droits de l’Homme et que le nationalisme et la xénophobie s’exacerbent.

Dans un environnement de mondialisation avancée, voire irréversible, la gravité de ces défis colossaux, anciens et nouveaux, se voit accentuée par les effets pervers d’une crise économique et financière qui tend à s’installer dans la durée malgré la timide hausse de la croissance économique mondiale.

Face à ce constat, rendu plus alarmant encore par l’apparition récente de velléités unilatéralistes et protectionnistes, il nous faut avoir le courage de reconnaître l’inadéquation, pour ne pas dire l’inanité, de nombre de politiques conjoncturelles suivies jusqu’ici du fait, essentiellement, des déficiences structurelles d’une architecture de gouvernance mondiale de plus en plus dangereusement anachronique.

Déjà, alors qu’il accédait à la présidence de la 29e Session de l’Assemblée générale, le Président Abdelaziz Bouteflika avait prévenu qu’«il ne suffit pas de conquérir une place au sein de l’ONU pour être assuré contre la faim et l’insécurité».

Pour nous, aujourd’hui, il n’est plus possible de nous accommoder de la perpétuation d’un ordre international qui ne favorise plus la promotion et la concrétisation des valeurs universelles de la paix, de la justice, de l’égalité et du développement et où les progrès de la science et des technologies au lieu de contribuer à l’élévation et à l’amélioration des conditions de vie favorisent la concentration massive des ressources économiques et financières entre les mains d’une minorité et élargit ainsi dangereusement le fossé déjà abyssal qui sépare les pays et les peuples les plus riches des plus pauvres. Le triste constat que nous devons nous résoudre à faire est que nous sommes face à une véritable crise morale.

C’est dire, Madame la Présidente, combien motivé et judicieux est le choix du thème de notre présente session. En effet, aujourd’hui, plus que jamais depuis sa création, l’ONU se doit de trouver les voies et moyens à même de lui permettre de jouer pleinement le rôle que ses pères fondateurs lui ont assigné au sortir d’une conflagration planétaire dévastatrice.

La concrétisation d’un tel dessein vital pour la communauté internationale tout entière ne saurait toutefois se concevoir sans un engagement collectif renouvelé en faveur d’un multilatéralisme efficace, effectif et en harmonie avec les principes édictés par la Charte des Nations unies ; engagement auquel le défunt Kofi Annan, en digne fils de l’Afrique et en citoyen engagé du monde, a associé son nom et consacré sa vie.

Si l’Organisation des Nations unies demeure l’enceinte par excellence du dialogue et de la coopération entre toutes les nations du monde, elle se doit également d’être porteuse des changements nécessaires à cet effet.

A nos yeux, le changement majeur prioritaire auquel nous devons aspirer en y consacrant tous les efforts et les moyens voulus concerne la réforme de l’ONU elle-même. Impérative, cette réforme doit porter tant sur les structures que sur les modes de fonctionnement de l’Organisation et plus particulièrement du Conseil de sécurité en veillant surtout à réparer l’injustice historique faite au continent africain en termes de sous-représentation dans les deux catégories de membres de cet organe. La réforme doit également porter sur la revitalisation de l’Assemblée Générale, aussi bien que le renforcement de son autorité ; une nécessité autour de laquelle il existe fort heureusement un consensus de plus en plus large.

Madame la Présidente,

Consciente des responsabilités et de la contribution qui sont les siennes en matière de préservation de la paix et de la sécurité internationales, et dans le plein respect des principes cardinaux bien connus de sa politique extérieure, l’Algérie suit avec un intérêt particulier les conflits et les crises qui secouent les pays de l’aire géographique à laquelle elle appartient.

Tout en continuant à assumer pleinement son rôle dans toute la mesure de ses moyens, elle n’aura de cesse de réitérer sa conviction, tirée des enseignements de son expérience propre, que dans la quête de règlement durable des conflits, il n’y a pas meilleure approche que celle favorisant les solutions politiques à travers l’appropriation par les parties concernées et le dialogue inclusif qui place les intérêts nationaux suprêmes au-dessus de toute autre considération et préserve ainsi la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale des Etats.

Qu’il s’agisse des situations au Mali et en Libye ou encore en Syrie et au Yémen, seule une telle approche pourrait permettre à ces pays frères de renouer avec la paix et la stabilité pour qu’ensuite puisse s’engager l’œuvre de la reconstruction.

Concernant la question du Sahara Occidental qui, en tant que problème de décolonisation, relève de la responsabilité première des Nations unies, l’Algérie considère que son règlement ne peut être trouvé qu’à travers l’exercice par le peuple du Sahara Occidental de son droit inaliénable et imprescriptible à l’autodétermination.

Mon pays, qui réitère son ferme soutien aux efforts du Secrétaire Général des Nations unies et de son Envoyé personnel pour le Sahara Occidental, forme, à cet égard, le vœu que leur action puisse contribuer, avec l’apport de l’Union africaine, à la reprise des négociations sans préconditions et de bonne foi entre les deux parties, le royaume du Maroc et le Front Polisario pour parvenir à une solution politique mutuellement acceptable assurant l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental.

De la même manière, l’Algérie est convaincue que seule une solution fondée sur la légalité internationale et la reconnaissance des droits nationaux imprescriptibles du peuple palestinien y compris son droit à l’établissement d’un Etat indépendant avec El-Qods e’charîf comme capitale pourra mettre un terme définitif au conflit qui déchire, depuis sept décennies, le Moyen-Orient.

Madame la Présidente,

Le terrorisme dont l’Algérie a été la toute première cible au tournant du siècle passé est devenu aujourd’hui l’un des fléaux planétaires les plus destructeurs. Au prix de lourds sacrifices, mon pays a pu y faire face, seul, en adoptant une approche et des moyens qui ont prouvé leur efficacité. Cette expérience, que nous sommes disposés à partager, s’est fondée sur la conviction que toute stratégie de lutte doit impérativement s’attaquer aux causes profondes de cette plaie des temps modernes et qu’elle doit s’accompagner d’une politique de lutte résolue contre la radicalisation et l’extrémisme violent.

La communauté internationale est singulièrement interpellée pour faire en sorte que le combat qui est livré à ce fléau s’accompagne tout à la fois de mesures de déradicalisation et d’une véritable promotion de politiques prônant le «vivre-ensemble».

Il me plaît de rappeler, dans ce contexte, que la résolution des Nations unies déclarant le 16 mai «Journée internationale du vivre-ensemble en paix», initiée par l’Algérie, s’inscrit dans le cadre des efforts destinés à promouvoir les principes du dialogue inclusif devant présider à la recherche de solutions aux défis de la stabilité tant au plan national qu’international.

Nous en tirons une légitime fierté tant les valeurs et principes du vivre-ensemble en paix ont constitué le socle de la politique de concorde civile et de réconciliation nationale, mise en œuvre avec détermination par le président de la République Abdelaziz Bouteflika pour mettre fin définitivement à la tragédie nationale et réconcilier les Algériens entre eux. Ces idéaux rassembleurs constituent, au demeurant, le substrat commun aux stratégies, politiques et programmes mis en œuvre dans les différents domaines d’activité économique, sociale, éducative, culturelle et cultuelle.

Ces mêmes principes guident avec constance l’action de la politique extérieure de mon pays dans son voisinage immédiat comme dans son interaction avec le reste du monde.

Madame la Présidente,

L’Agenda 2030 pour le développement durable ainsi que le programme d’Addis-Abeba pour le financement du développement sont des acquis remarquables qui nécessitent une mobilisation conséquente tant des moyens que des  énergies pour leur mise en œuvre.

Nous émettons le vœu que la réunion de Haut niveau sur le financement du programme de développement durable à l’horizon 2030, organisée par le Secrétaire général de l’ONU, le 24 de ce mois, puisse jeter les fondements solides d’une action concertée entre le système des Nations unies et les Etats membres, en faveur du développement conformément aux aspirations des pays en développement telles que plaidées par le G77.

L’Algérie, qui a participé activement à l’élaboration de l’Agenda 2030, est sur le point de finaliser un rapport national d’étape (2016-2018) sur la réalisation des ODD, pour sa présentation volontaire à l’ECOSOC en juillet 2019.

Cet exercice s’inscrit dans le nouveau modèle de croissance adopté par l’Algérie en 2016 ; une politique qui ambitionne de l’ancrer structurellement, à l’horizon 2035, sur la voie de l’émergence, de la diversification et de la transformation de l’économie à travers la relance et la consolidation d’une croissance économique profitable à tous ses enfants mais également à l’ensemble des pays de la région.

Je ne terminerai pas sans souligner l’important effort consenti par les autorités nationales, à la faveur de la dernière révision constitutionnelle, en faveur de toutes les franges de la population comme c’est le cas notamment pour les droits de la femme et son autonomisation et la jeunesse en vue de leur intégration effective dans le processus de développement économique et social du pays.

Ces efforts ont valu à notre pays la reconnaissance de la communauté internationale tant en matière de promotion des droits de l’Homme qu’en matière de stabilité et de sécurité, qui nous honore et nous conforte dans notre démarche globale.

Madame la Présidente,

Le rejet des politiques de puissance et de leur logique dangereuse exige la recherche permanente, par le dialogue et le consensus, du renforcement de l’action multilatérale. C’est à nos yeux la meilleure voie pour répondre aux défis globaux de sécurité et de développement qui se posent à l’ensemble des nations et des citoyens du monde.

L’ONU a bien sûr un rôle central dans cette entreprise de conquête du respect que tous lui doivent, et par la démonstration de l’efficacité et de l’effectivité que tous attendent d’elle.

Son succès sera le succès de tous, et elle ne peut être le lieu où s’expriment seulement nos divergences, mais le lieu où ces divergences doivent être réglées et où se construisent des partenariats. Nous avons été particulièrement encouragés par l’acceptation unanime par cette Assemblée du concept du vivre-ensemble en paix.

L’Algérie est convaincue qu’il n’y a pas de fatalité à l’échec comme il ne peut y avoir de place à une quelconque accoutumance aux malheurs, aux conflits, aux drames humains, au terrorisme et aux dégâts environnementaux précisément parce qu’il n’y a pas de «destin isolé» pour reprendre une expression chère au Président Bouteflika.

Il nous appartient grâce à une volonté politique sincère de faire de l’ONU l’instrument irremplaçable qu’elle est au service de sociétés réellement pacifiques et durables.

L’Algérie sera en tous cas, par la force de ses convictions et la démarche empreinte de clarté, un partenaire fidèle et engagé pour la paix et le développement.»

Comment (14)

    ZORO
    1 octobre 2018 - 21 h 10 min

    Il aurait du appeler la ministre de l autriche pour traduire son discours en arabe et eviter le ridicule a notre peuple algerien L autrichienne etait polyglotte elle a fait son discours en arabe.bravo madame.
    SIGNEZORO. …Z …

    awrassi
    1 octobre 2018 - 10 h 52 min

    Je suis Trump, je suis Netanyahu, je suis Macron, je suis Merkel, je suis May et je vous dis, cher petit ministre d’un tout petit pays : « Cause toujours, tu l’intéresses ! » … L’ONU a été créée pour que les pays capitalistes, USA en tête, soumettent et dominent le monde. Leur paix est celle du plus fort. Les mots et les discours peuvent faire rêver, mais la réalité est malheureusement plus sombre.

      lyes2993
      1 octobre 2018 - 20 h 00 min

      C’est bien la raison pour laquelle l’Algérie a raison de garder un discours de paix tout en développant une armée puissante et une économie de plus en plus forte (et sécurisée par notre armée) avec un peuple de plus en plus instruit ( en espèrant aussi avec le temps aussi éduqué qu’instruit !). et comme le dit la devise des écoles de guerre : « Si vis pacem, para bellum » ! Notre MAE à sa tête M. Messahel n’est évidemment ni naif ni dupe avec la géopolitique de ce monde !

    Ch'ha
    30 septembre 2018 - 19 h 53 min

    Excellent discours de notre MAE Messahel Abdelkader.
    Discours clair, très pertinent, tout y est.

    Tredouane
    30 septembre 2018 - 19 h 33 min

    C’est les axes de notre démarche,fidélité et constance ,équilibre et objectivité ,ouverture dans le respect des spécificités de chacun,nous sommes humains parmi les humains,une Nations parmi les Nations ,en quête du progré de paix .bon discours.

    Moh
    30 septembre 2018 - 18 h 21 min

    La représente de l’Autriche a fait sont discours en arabe, Massahel ne maitrise pas cette langue ni l’anglais qu’il pouvait choisir.
    Il a fait sont discours en Français pour ne pas déplaire aux Français et donc garder son poste.
    N’est pas Lamamra qui veut.

      Anonyme
      30 septembre 2018 - 19 h 50 min

      @Moh
      Sortez de cette psychose obsessionnelle de comparaison avec Lamara sans denigrement aucun de part à l’encontre de Lamamra.

      Anonyme
      30 septembre 2018 - 21 h 54 min

      Le complexe du colonisé dans toute sa splendeur !
      L’Algérie est indépendante depuis 1962 et les grands et vrais combattants qui ont fait face au colonialisme ont considéré que la langue française était un butin de guerre. Alors arrêtez de grâce ces « chikayates » de langues française. La langue arabe n’est pas non plus la langue du « cru ». C’est une langue qui vient d’arabie.
      Si un constat devait être fait et ne vous en déplaise, l’honnêteté devrait vous conduire à prendre acte de ce que la langue arabe en Algérie n’a semé que médiocrité, désolation, ignorance, analphabétisme, sous développement…..rien de plus, rien de moins.
      Je vous conseille de lire Voltaire, Hugo, Mairiac, Zola, Flaubert, Montesquieu, Rousseau……ça vous changera des des « el kardawi » et compagnie. Les premiers font rayonner l’esprit, les seconds le renferme dans les méandres du néant.

        Msahel CFA
        30 septembre 2018 - 23 h 00 min

        Tout ça pour hisser Masahel le parachuté au sommet.
        C’est impossible.
        Je l’aurais applaudit s’il avait fait son discours en anglais.

        awrassi
        1 octobre 2018 - 10 h 55 min

        Les « Lumières » assombrissent tout ! Hormis Hugo, vous ne citez que de pervers hypocrites imbus de leur civilisation civilisatrice.

    Anonyme
    30 septembre 2018 - 15 h 23 min

    Excellent discours de notre ministre a l ONU ,notre diplomatie reste tres performante et directe.

      Rachid
      30 septembre 2018 - 18 h 25 min

      Ce n’est pas lui qui a rédigé le discours car le seul diplôme qu’il possède et celui du Centre de Formation Administratif des années 70.
      Un diplôme qu’on préparait aux cours du soirs qui ne demandait même pas le BEM.

        anonyme
        30 septembre 2018 - 21 h 18 min

        partant du fait qu’un certificat d’études du temps jadis me semble largement au dessus du bac actuel , je dirais que cette formation des années 1970 est largement l’équivalent supérieure à l’ena!

          CFA=ENA
          1 octobre 2018 - 0 h 18 min

          N’importe quoi !

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