Que ressentez-vous ?
Par Karim B. – Que ressentez-vous, M. Ouyahia, maintenant que vous vous êtes assis là où vous aviez envoyé ceux que vous aviez accusés de s’être servis dans ce que vous aviez appelé «opération mains propres» ? Des cadres gestionnaires que vous aviez jetés en prison à la pelle pour vous donner l’image du purificateur qui allait nettoyer le pays de la vermine et des ripoux.
Combien sont-ils ces directeurs d’entreprises publiques à avoir subi votre injustice malgré les cris des avocats et des experts qui vous mettaient en garde contre l’abus dont vous vous rendiez coupable, vouant aux gémonies des boucs émissaires à qui vous faisiez porter la responsabilité de vos propres échecs ?
Le témoignage de l’ancien PDG de la CNAN est poignant. Ecroué, humilié, privé de ses droits, il n’a eu de cesse de crier son innocence et d’alerter sur la mauvaise gouvernance de ceux-là mêmes qui l’accusaient d’avoir gravement fauté. Mais, à l’époque, la loi était au-dessous des décideurs, des détenteurs du pouvoir, des pouvoirs. Vos instructions étaient des verdicts sans appel, M. Ouyahia.
A sa sortie de prison, ce PDG broyé continue pourtant de défendre son entreprise qu’il voit chavirer sans pouvoir la sauver car les vieux réflexes sont demeurés intacts. «Depuis que j’ai été mis en prison, aucun de mes successeurs n’a signé quoi que ce soit de peur de me rejoindre dans ma cellule», a-t-il ironisé, le cœur néanmoins serré, dans une série d’interviews à une chaîne de télévision privée. Il en est ainsi de cet autre directeur général d’une grande biscuiterie publique, aujourd’hui entre les mains des Turcs, lourdement sanctionné pour avoir osé s’attaquer à la mafia de la gaufrette. Condamné à cinq ans de prison pour avoir réclamé les lourdes créances de la société laissées par son prédécesseur impuissant, complaisant ou complice, il en passera quatre en prison avant d’être libéré, détruit, abattu, anéanti. Libéré, certes, mais pas des mains de la mafia qui le privera de travail, y compris dans le privé.
Vous voici donc assis à leur place aujourd’hui, face au juge qui vous accuse de faits autrement plus graves. Les visages de toutes vos victimes défileront sous vos yeux gonflés des larmes non pas des déchirants remords mais de votre terrible déchéance.
K. B.
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