Le moral de Gaïd
Par Abdelkader S. – Accusation bateau, passe-partout, l’atteinte au moral de l’armée est à la mode au sein de l’appareil judiciaire que Gaïd-Salah a mis sous sa casquette. C’est encore une fois le grief qui a été retenu contre le militant politique Karim Tabbou, arrêté ce mercredi chez lui par deux agents des services secrets et jeté en prison en deux temps trois mouvements.
Karim Tabbou rejoint donc dans les geôles de Gaïd-Salah d’autres opposants incarcérés pour crime de lèse-majesté. C’est que le mégalomane chef d’état-major répugne à entendre son nom crié par la plèbe, par la populace, vous savez, ce peuple d’en bas qui lui provoque un torticolis à chaque fois qu’il baisse la tête pour le toiser.
Le chef d’état-major n’aime pas qu’on attente à son moral. Car l’armée c’est lui. Il la résume à sa petite personne en laquelle il voit le demiurge auquel le soldat comme le civil doivent loyauté jusqu’à l’asservissement, allégeance jusqu’à l’idolâtrie, obéissance jusqu’à la dévotion.
Dire la vérité sur l’omnipotent octogénaire équivaut à un blasphème. Gaïd-Salah est un saint patron, un prophète, un émissaire envoyé par le Ciel pour protéger le peuple contre… lui-même. Ce peuple qui sort par millions chaque vendredi depuis plus de six mois et répète à tue-tête à quel point il «aime» le «père du peuple» comme il s’est lui-même autoproclamé dans un de ses palabres servis à toutes les sauces jusqu’à l’indigestion par la presse et les chaînes de télévision forcées à l’exercice, comme un écolier doit recopier cent fois la même leçon pour l’avoir mal apprise.
Les généraux gênants, le moudjahid Lakhdar Bouregaâ, Issad Rebrab, Louisa Hanoune, Karim Tabbou… seront suivis dans les jours à venir par de nombreux autres qui seront séquestrés dans les mêmes circonstances et pour les mêmes motifs à chaque fois qu’ils diront au parrain du système Bouteflika «dégage !». Après les manœuvres dilatoires et les actions biaisées, le chef de l’armée affiche ouvertement son objectif : instaurer une dictature militaire et s’introniser roi.
Mais le moral du candidat à la monarchie est au plus bas. Le peuple lui dit chaque vendredi ce qu’il pense de lui, et son trône qu’il essaye de bâtir sur le sable s’écroule chaque jour un peu plus et avec lui son rêve démesuré d’entrer dans l’histoire par le pœcile d’une garnison.
A. S.
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