Peut-on structurer le Hirak dans les conditions actuelles ?

Hirak détenus
Marche des étudiants à Alger. D. R.

Par Aziz Ghedia – Partons d’une question très simple : peut-on, dans les conditions actuelles, structurer le Hirak algérien ? En effet, beaucoup d’intervenants sur les réseaux sociaux et même certains intellectuels avisés pensent que le moment est venu de penser à cette éventualité. Mais, beaucoup de gens s’accordent aussi à dire que la «chose» ne sera pas aussi aisée que cela.

Souvenons-nous que ce Mouvement citoyen est à son dixième mois. Il est né – les naïfs pourraient croire à sa spontanéité – le 22 février de l’année en cours, et cela à la suite de l’entêtement des tenants du pouvoir qui voulaient un 5e mandat au profit de l’ex-Président, malade et impotent, Abdelaziz Bouteflika. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis.

Revenir sur toute cette période cruciale traversée par l’Algérie et la décrire dans le menu détail, jour par jour, peut prendre énormément de temps. Toujours est-il que ce Mouvement citoyen, le Hirak, a permis au peuple algérien d’engranger plusieurs acquis dont l’annulation du 5e mandat et le départ dans des conditions très humiliantes de celui qui a présidé aux destinées de l’Algérie pendant deux décennies. Quel destin tragique !

Et, malgré l’élection, dans des conditions surréalistes, d’un nouveau Président, Abdelmadjid Tebboune en l’occurrence, le Hirak n’a pas l’intention de désarmer. Il reste droit dans ses bottes même si on essaie de l’interdire, on essaie d’empêcher, par tous les moyens de coercition et de répression, les citoyens de manifester. Toutes les tentatives d’intimidation et de menace n’ont pas réussi à inciter les Algériennes et les Algériens à rentrer chez eux. Toutes et tous sont persuadés que le combat pour une Algérie nouvelle, une Algérie réellement démocratique, une Algérie où il fait bon vivre pour tout un chacun, ne fait, en réalité, que commencer. Toutes et tous continuent donc à participer aux marches massives et ne considèrent pas, du moins pour l’instant, la structuration de ce Mouvement citoyen pacifique comme une priorité.

La raison en est très simple : le peuple des vendredis est divers et diversifié de par son éducation, sa culture, son niveau d’instruction, son appartenance politique ou idéologique. En un mot, il est «cosmopolite» même si ce terme a, de notre point de vue, un sens beaucoup plus large et plus général.

«Le Hirak est une aubaine pour l’Algérie». Nous reprenons, ici, à notre compte, cette pertinente déclaration du nouveau Président de l’Algérie. Celui-ci a fait cette remarque en toute connaissance de cause. Mais pourquoi, sous prétexte de restructuration, certaines personnes, peut-être malintentionnées, veulent-elles précipiter les choses ? Pourquoi voudrait-on que ce Mouvement, porteur d’espoir et qui est encore jeune, soit structuré et donc géré par une poignée de personnes fussent-elles des sommités en science politique ? Le Hirak appartient à tout le monde et en particulier aux «laissés pour compte», ceux qui n’ont peut-être jamais profité du «système» et de la rente que ce système distribuait. Ces «laissés pour compte» tiennent ici, par ce Hirak, leur revanche. Ils tiennent à démanteler le système quel que soit le temps que cela prendra.

De toutes les façons, le Hirak doit continuer sur cette voie. Il doit maintenir la pression sur les tenants du pouvoir. Ce qui, le moment venu, lorsque les politiques seront amenés par la force des choses à dialoguer avec ceux-ci, cette pression «hirakiste» leur permettra de le faire en position de force.

A. G.

 

Comment (8)

    DZA
    24 décembre 2019 - 15 h 16 min

    En ce qui me concerne, la question, n’est même pas à poser. Le Hirak est composé du peuple spolié et frustré de sa citoyenneté et de ses droits les plus élémentaires. On y trouve des jeunes et des vieux de toutes les couches sociales, de toutes les sensibilités politiques. Ces différences pour ne citer que les plus saillantes, n’ont pas empêché le peuple des vendredis et des mardis de continuer à se regrouper et de battre le pavé et réclamer le départ du système pourri et inique qui commande le pays selon son bon vouloir au détriment de tout un peuple.
    Le peuple, sorti le 22/02/2019, pour crier son rejet du 5éme mandat, que cela fut de façon spontanée ou calculée, on s’en moque. Ce qui compte, ce sont les conséquences et les résultats de ce mouvement sur la politique et sur la société elle-même, après 10 mois de pressions sur le pouvoir.
    Je ne vois pas comment on pourrait structurer un peuple, qui ne partage dans ses manifestations qu’un nombre limité de fondements, tels que le rejet du système actuel, démocratie, Etat de droit, Etat civil et non-militaire, pour tout le reste, tels que la langue officielle, la religion, etc. Chacun a son propre manifeste.
    Le hirak, est le peuple. De par ses revendications, son nombre et sa détermination, il est une force politique concrète, il a réussi, là, où les partis ont échoué, alors pourquoi chercher à en faire un parti politique alors que c’est impossible ??
    À moins que, ce ne soit, pour bâillonner le peuple.
    Tebboune, n’a qu’à répondre par des actes et non des promesses, aux clameurs du peuple, s’il veut que la sérénité revienne.

      Sed
      28 décembre 2019 - 21 h 56 min

      Quel chance d’avoir un pays libre et exempter de dettes et pliens de richesses.
      Hamdouliah vive les anciens moudjahidins

    Abou Stroff
    24 décembre 2019 - 10 h 36 min

    « Peut-on structurer le Hirak dans les conditions actuelles ? » s’interroge A. G..
    je pense que le hirak est « instructurable » pour la simple raison qu’il n’est, dans son essence, que l’expression d’un ras le bol de diverses couches sociales (des tubes digestifs ambulants?) dont le dénominateur commun est une perception négative du fonctionnement du système basé sur la distribution de la rente et sur la prédation.
    en d’autres termes, le hirak est une révolte contre une situation qui est perçue comme « injuste » par tout ceux qui ne reçoivent pas la quote-part de la rente qu’ils considèrent comme étant leur dû .
    si je veux être moins pédant, je dirais, tout simplement que le hirak permet aux algériens lambda de se défouler (au regard du vide sidéral qui enveloppe leur vécu quotidien) une ou deux fois par semaine pour exiger une nouvelle distribution, en leur faveur, de la rente.
    en d’autres termes, le hirak ne porte guère les germes d’une quelconque révolution et certainement pas une remise en cause radicale du système basé sur la distribution de la rente et sur la prédation qui nous avilit et nous réduit à des moins que rien.
    d’ailleurs, un peuple, dans sa grande majorité, biberonné au robinet de la rente et shooté à la religion (la drogue la plus dure parmi les drogues dures) est objectivement (il ne produit pas son propre vécu et n’inter-réagit pas avec son environnement mais le subit) et subjectivement (il est irresponsable puisqu’il ne participe pas activement à sa propre reproduction) incapable de penser la révolution et certainement de la pratiquer.
    PS: chacun aura remarqué la liesse qui s’empare des hirakistes à chaque fois qu’il se mette en mouvement. en effet, le hirak permet à tous et à toutes de noyer la misère sociale ambiante et le vide sidéral du vécu quotidien dans une catharsis qui ne dit pas son nom. cette catharsis, elle même, me semble être une drogue nouvelle qui permet au hirakiste d’oublier qu’ils sont impuissants et qu’ils ne peuvent que constater l’existence d’un problème (leur marginalisation dans la distribution de la rente) dont la solution est hors de leur portée.

    Cher compatriotes Aziz Ghedia
    23 décembre 2019 - 18 h 40 min

    Cher Aziz Ghedia auteur de l’article , il est vrai que le hirak est diversifié (islamistes, laics, kabyles, arabes, chaouis, targuis, mozabites, croyants, non croyants ) mais ils demandent tous et d’une même voie, d’un même cœur : un Etat de droit, un Etat civil, un Etat démocratique, un changement se système politique, une séparation des pouvoirs, le respect des minorités, l’Algérianité de notre pays basée sur l’amazighité et l’arabité sans hiérarchisation, la garantie des libertés individuelles et collectives … ! Le hirak est UNI et INDIVISIBLE à jamais et a le même objectif ! Il n’y a que les sourds qui ne veulent pas l’entendre, et les aveugles qui ne peuvent pas le voir !

    Karamazov
    23 décembre 2019 - 11 h 23 min

    Ou on ne fait pas de poutre avec des brindilles ( assales oumagramène)

    Vous n’êtes pas le seul, AG? à postuler que le mouvement citoyen n’est pas spontané. Je ne crois pas non plus à la génération spontanée mais cependant je ne crois pas non plus qu’il a été orchestré par une baguette invisible car son surgissement été selon toute raison sinon inéluctable du moins prévisible. Mais j’attends d’être convaincu du contraire.

    Quant à la structuration de mouvement ,si cela lui était possible , il n’aurait pas attendu aujourd’hui. Et d’autre part s’il s’engageait dans cette direction nous assisterons à sa fragmentation comme l’est le champ politique d’une façon général. A cela qui est tangible il faut ajouter des données sociologiques et historiques.

    Il y a d’abord une loi anthropo-sociologique ; les peuples qui se shootent à la rente et à la religion sont plutôt portés vers le messianisme et attendent d’une intervention divine un changement qu’ils sont incapables d’entreprendre eux-mêmes. Ce qui ne leur interdit pas, portés par leur instinct grégaire , la propension aux regroupements et aux processions incantatoires ne serait-ce que par rituel : la salate eldjoumou3a parmi d’autres. Quasiment pour le fun seulement.

    En plus de tout ce qui en lui est rédhibitoire à toute révolution , qu’il charrie et qui le conforte au lieu de s’en débarrasser automatiquement , il manquait à ce mouvement la mécanique qui aurait fait de lui une révolution et notamment une direction hégémonique, c’est d’ailleurs une des raisons qui me fait douter de son orchestration.

    Le fait que le cinquième mandat, qui est la cause principale de ce mouvement, le facteur déclenchant, ou du moins qu’il coïncidât avec , soit élaboré dans un cerveau supérieur me paraît inimaginable , au regard des atermoiements et de l’improvisation qui règne.

    Einstein disait à propos de ceux qui défilent dans les parades militaires : qu’il n’ont pas besoin d’un cerveau pour cela, une simple moelle épinière leur suffit. Cela est valable pour le Hirak qui n’a pas besoin d’un cerveau pour processionner chaque vendredi ba3d t’hour .

    Karamazov
    23 décembre 2019 - 11 h 21 min

    Ou on ne fait pas de poutre avec des brindilles ( assales ou magramène)

    Vous n’êtes pas le seul, AG? à postuler que le mouvement citoyen n’est pas spontané. Je ne crois pas non plus à la génération spontanée mais cependant je ne crois pas non plus qu’il a été orchestré par une baguette invisible car son surgissement été selon toute raison sinon inéluctable du moins prévisible. Mais j’attends d’être convaincu du contraire.

    Quant à la structuration de mouvement ,si cela lui était possible , il n’aurait pas attendu aujourd’hui. Et d’autre part s’il s’engageait dans cette direction nous assisterons à sa fragmentation comme l’est le champ politique d’une façon général. A cela qui est tangible il faut ajouter des données sociologiques et historiques.

    Il y a d’abord une loi anthropo-sociologique ; les peuples qui se shootent à la rente et à la religion sont plutôt portés vers le messianisme et attendent d’une intervention divine un changement qu’ils sont incapables d’entreprendre eux-mêmes. Ce qui ne leur interdit pas, portés par leur instinct grégaire , la propension aux regroupements et aux processions incantatoires ne serait-ce que par rituel : la salate eldjoumou3a parmi d’autres. Quasiment pour le fun seulement.

    En plus de tout ce qui en lui est rédhibitoire à toute révolution , qu’il charrie et qui le conforte au lieu de s’en débarrasser automatiquement , il manquait à ce mouvement la mécanique qui aurait fait de lui une révolution et notamment une direction hégémonique, c’est d’ailleurs une des raisons qui me fait douter de son orchestration.

    Le fait que le cinquième mandat, qui est la cause principale de ce mouvement, le facteur déclenchant, ou du moins qu’il coïncidât avec , soit élaboré dans un cerveau supérieur me paraît inimaginable , au regard des atermoiements et de l’improvisation qui règne.

    Einstein disait à propos de ceux qui défilent dans les parades militaires : qu’il n’ont pas besoin d’un cerveau pour cela, une simple moelle épinière leur suffit. Cela est valable pour le Hirak qui n’a pas besoin d’un cerveau pour processionner chaque vendredi ba3d t’hour .

    lhadi
    23 décembre 2019 - 10 h 40 min

    L’éthique aristotélicienne est très marquée par les notions de mesure et de sagesse. Son éthique, tout comme sa politique et son économie, est tournée vers la recherche du bien. Dans ce domaine, il a influencé les penseurs des générations suivantes.

    Selon Aristote, des régimes se distinguent entre les formes pures et formes altérés. Dans les formes pures, les gouvernants régissent dans l’intérêts commun. Dans les formes altérés les gouvernants régissent pour leur propre intérêt.

    L’exercice du pouvoir est très important car tout en ayant la même forme institutionnelle, des régimes peuvent se distinguer en fonction de la pratique, de l’exercice du pouvoir.

    L’Algérie, prytanée de talents, a été sous la tutelle d’un césarisme qui considéra l’intelligence comme une menace et la compétence comme un danger.

    Face aux graves problèmes qui sont ceux de la jeune nation algérienne, il importe, donc, de faire appel à tous les intellectuels emblématiques des lumières : ces élites modernisatrices qui s’identifient au progrès, à la science, aux forces productives et à la rationalité,.

    Pourquoi ?

    Parce que des transformations décisives, irréversibles – politiques, économiques, sociales, culturelles – qui doivent répondre non seulement aux besoins des citoyennes et des citoyens mais aussi aux intérêts les plus élevés de la nation, sont nécessaires afin que le pays d »un million et demi de martyrs ne soit plus source de critique.

    En politique, le courage est une vertu.

    Fraternellement lhadi
    ([email protected])

    Zaatar
    23 décembre 2019 - 8 h 13 min

    Peut on structurer le hirak? Se demande … A. ghedia. … il y a un dicton bien de chez nous qui dit : « guemi ith3arane igtsazel », traduit au mot a mot, on a: c’est après avoir été dévalisé (dévêtu dans le texte) qu’il a commencé à réagir. Cela résume tout … L’organisation et la structuration du hirak aurait du se faire au mois de mars ou au mois d’avril, bref au début du mouvement pendant que le pouvoir n’avait encore rien compris ce qui se passait réellement. Et ce n’est pas tout. Car même après s’être structuré, ce n’est pas pour autant que le bataille est gagné, car le pouvoir réagira forcément et la, il aura fallu politiser le mouvement, et le fait d’être déjà structuré aurait facilité énormément les choses. Ensuite ça sera une bataille de longue qui aura eu toutes ses chances d’aboutir. Il n’aurait pas exclu que j’aurais adhéré aux premières à ce parti politique du hirak. Maintenant en revenant à la réalité, le mouvement peut jouer de la ghaita, les carottes sont cuites et la messe est dite.

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