Ces trois points sensibles que Giuseppe Conte et Abdelaziz Djerad vont aborder
De Rome, Mourad R. – La visite officielle de Giuseppe Conte ce jeudi à Alger intervient dans un contexte international des plus complexes, mais a cela de particulier qu’elle est la première d’un leader d’un grand pays européen, quelques semaines après l’investiture du nouveau président algérien, Abdelmadjid Tebboune.
Elle marque clairement un choix politique et témoigne également de l’attachement de Rome à ses relations avec un partenaire qu’elle considère hautement stratégique, comme Alger, offrant la possibilité aux deux diplomaties d’aborder des sujets sensibles qui, d’ailleurs, ne manquent pas.
«C’est le paradoxe, nous dit un expert italien, de cette relation qui affiche d’excellents résultats et qui, de temps à autre, se voit obligée de concourir à désamorcer des crises internationales, dont elles feraient volontiers l’économie, tant l’impact est immédiat sur les deux pays.»
Au programme de cette visite officielle d’un jour, des entretiens au palais du Gouvernement avec le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, avec, en prime, un point de presse conjoint. En début d’après-midi, à El-Mouradia, rencontre avec le président de la République, Abdelmadjid Tebboune. Enfin, Giuseppe Conte fera une visite à l’ambassade d’Italie pour y rencontrer la communauté italienne résidant en Algérie.
Quant au menu politique de cette importante mission, il tournera autour de trois principaux chapitres : le partenariat économique, avec son lot de constats et de perspectives, la poudrière libyenne et les récentes turbulences internationales et le rôle éventuel de médiateur qui échoira bientôt aux deux pays.
Sur le premier point, bien que le volet bilatéral, basé essentiellement sur les hydrocarbures, affiche de bons résultats, Alger souhaiterait un engagement plus convaincu des entreprises italiennes dans l’économie nationale, notamment à travers le dynamisme de ses PME-PMI et une promotion ciblée et conjointe de secteurs tels que l’agriculture, la pêche, la culture et le tourisme archéologique, outre une coopération dans le domaine universitaire moins entravée par des contraintes bureaucratiques. Conte qui sait écouter devrait acquiescer.
Pour ce qui est du dossier libyen, Rome et Alger sont d’avis qu’il est urgent d’aboutir à un cessez-le-feu respecté par tous et que la voie politique est la seule à parcourir mais que, pour ce faire, il est crucial de déjouer les manœuvres de nuisance d’acteurs prônant ouvertement ou dans les coulisses la solution militaire. Les bonnes relations qu’entretiennent les deux capitales avec Ankara et Moscou pourraient y contribuer de manière rapide et efficace, à quelques jours du sommet de Berlin, de même que la récente visite du ministre des Affaires étrangères Luigi di Maio à Alger a permis de réorienter l’échelle des priorités.
Enfin, l’assassinat du général iranien Ghassem Soleimani et l’intention de Téhéran et de ses alliés de botter les troupes de l’Otan hors du Proche-Orient inquiètent l’armée italienne qui dispose de contingents en Irak, au Liban dans le cadre de la Finul, et en Syrie d’où, vu de Rome, le besoin du concours d’un médiateur fiable comme l’Algérie qui, fidèle aux constantes de sa diplomatie, entretient de bonnes relations avec tout le monde, pour l’aider à épargner à ses troupes la vindicte des alliés de l’Iran.
Sur ce point précis, Giuseppe Conte sait que son gouvernement joue très gros. Il sera, en effet, auditionné dans les prochains jours par le Comité parlementaire de contrôle des services secrets, Copasir, sur, précisément, les questions qu’il vient discuter à Alger et notamment la Libye, l’Irak, la défense des intérêts italiens, sur fond d’analyse à 360° du système de sécurité de son pays.
On le voit, le timing de cette visite et le contexte l’accompagnant suffisent amplement pour en décrire l’importance.
M. R.
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