L’Europe éclatée ?
Par Mrizek Sahraoui – Vendredi 31 janvier à minuit, le Royaume-Uni a donc quitté définitivement l’Union européenne, actant un Brexit voté voilà trois ans, mais qui avait donné naissance à une saga marquée tout au long du processus de mise en application des termes de l’accord par des rebondissements et des reports à répétition, laissant suspecter une combine visant à revenir à la case d’avant-référendum.
Le Royaume-Uni s’en va vers un autre destin, tournant le dos à l’Europe qui vit au rythme d’un long hiver glacial et faisant mine qu’il ne se passe rien, en dehors d’un timide appel lancé, le 1er février, depuis Beja, au Portugal, où se sont réunis seize pays membres, appelant à la «cohésion de l’Union», tout en «soulignant l’urgence d’un accord sur le budget post-divorce».
Fini les supputations, terminé les tergiversations et autres calculs politiciens destinés à la consommation intérieure de chaque côté de la Manche, place désormais au chacun pour soi et l’Union appartient au passé. Le divorce d’avec un partenaire est toujours douloureux, surtout lorsque celui-ci intervient à l’occasion de la célébration des noces de cachemire. Quarante-sept années d’un mariage tumultueux vont laisser des traces. Un kaléidoscope d’enthousiasmes, d’espoirs et de rêves qui se brise, mais ce n’est pas non plus l’apocalypse : le Royaume-Uni n’est pas le Bangladesh, l’Union européenne même affaiblie, l’africaine. Avec l’aide de leurs cousins américains qui se frottent déjà les mains au regard des dividendes que ces derniers pourraient tirer d’une position de l’Europe amoindrie et un redéploiement de l’activité économique et la multiplication des échanges commerciaux avec la Chine, les Britanniques vont s’en sortir.
Et si le Royaume-Uni sortait indemne de cette séparation au forceps, voyait son économie reprendre des couleurs et ses citoyens croire en un avenir meilleur et prospère, en un mot, un divorce réussi, une perspective que personne n’évoque pour l’instant, alors, cela pourrait avoir des répercussions sur l’Europe et poser un sérieux problème à l’Union, car pouvant motiver d’autres pays – ils sont nombreux – candidats au départ à quitter à leur tour une UE dont il ne resterait alors que le nom. Ainsi, ce serait comme si à quelque chose bonheur est mauvais.
Le Brexit confirmé, il n’en demeure pas moins qu’entre les pays membres restants ce n’est plus vraiment les jours heureux. Le temps a fait son œuvre, mettant aux prises un mariage, conclu sous les meilleurs auspices et pour une ambition et un idéal communs, avec un repli identitaire et des particularismes dont les Européens n’arrivent pas à faire abstraction et à se défaire. Ceux-ci s’exacerbent au grand bonheur des nationalistes qui attendent avec impatience de voir leur heure arriver, notamment en France où le Rassemblement national ne fait plus mystère de son objectif de déloger Emmanuel Macron dont le mandat, censé être un long fleuve tranquille, s’est transformé au fil des mois en un cauchemar interminable.
M. S.
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