Les répercussions médicales et psychiatriques du confinement

Alger confinement
Le confinement ne passera pas sans conséquences. PPAgency

Par Mesloub Khider – Au-delà du préjudice socio-économique occasionné par le confinement, possiblement corrigible, se pose la question des conséquences sanitaires et des lésions psychologiques, définitivement irréversibles. Dans l’absolu, l’instauration improvisée du confinement avait comme objectif de réduire la mortalité des malades du coronavirus, et non d’éviter totalement les décès. Avec une épidémie, par essence, impossible d’obtenir zéro mort. Le confinement permet juste de soulager les services d’urgence, d’étaler la mortalité. Il ne fait pas du tout disparaître l’épidémie. Confinement ou pas, le Covid-19 est voué à s’installer durablement dans le paysage sanitaire, politique, économique, social, culturel et mental. Sans mise sur le marché d’un vaccin, en l’état actuel des capacités déficientes sanitaires et médicales, la pandémie pourrait se prolonger jusqu’en 2022, selon les spécialistes.

Aujourd’hui, après plusieurs semaines, non seulement le confinement, appliqué dans de nombreux pays par défaut d’équipements sanitaires et de matériels médicaux, n’a pas eu les effets escomptés, le nombre de décès ne cesse d’augmenter (il suffit de citer l’exemple de l’Italie, de l’Espagne et de la France), mais il pourrait avoir des conséquences délétères sur la santé publique. En effet, la crise sanitaire du Covid-19 a fait passer au second plan les diverses pathologies chroniques invalidantes et létales. En raison du confinement et du climat de psychose généralisé, mais aussi de l’engorgement des établissements de soins, de nombreux malades chroniques négligent leurs suivis médicaux, évitent de se rendre à l’hôpital pour ne pas contracter le virus ou encombrer les services hospitaliers. «Nous constatons une diminution de l’accès aux soins liée aux consignes de confinement, et cela nous inquiète énormément», a déclaré Olivier Saint-Lary, médecin et chercheur en sciences de la santé à l’université de Versailles-Saint-Quentin en Yvelines.

Ne pas recevoir les soins médicaux et les prescriptions habituelles est source d’angoisse, de symptômes de stress aigu, un terreau fertile d’aggravation des pathologies chroniques, avec comme effet inéluctable le décès prématuré du malade.

Autres répercussions médicales : la chute des dépistages des cancers et des vaccinations des nourrissons. Ces négligences médicales peuvent gravement impacter la santé : une augmentation de la mortalité des cancéreux et une exposition à des conséquences sur la santé des bébés.

Plus gravement, à court et à long terme, le confinement massif aura des effets délétères sur la santé psychique. Du fait de l’isolement social anormal (inhumain ?), de la rupture des liens sociaux, de l’inactivité professionnelle, de la frustration et de l’ennui, aggravés par l’insécurité financière due à la perte de l’emploi, des millions de personnes, fragilisées par la crise du Covid-19, risquent de développer des pathologies psychiatriques, dont les premiers symptômes commencent déjà à se manifester, notamment par l’anxiété généralisée. Selon les informations communiquées par les médecins référents, de nombreuses personnes sont en situation de détresse psychologique, due notamment à la modification radicale de leurs activités quotidiennes. Réduites à une vie végétative, elles vivent très mal le confinement.

A cet égard, la durée du confinement est un facteur aggravant : une durée supérieure à dix jours est prédictive de symptômes post-traumatiques, de troubles psychiatriques.

En tout état de cause, tout isolement social, autrement dit confinement, a des effets à long terme. Une étude scientifique chinoise, portant sur des employés confinés à la suite du Sras, a mis en lumière la présence d’affections post-traumatiques et des symptômes de dépression trois ans après le «déconfinement». L’étude a relevé également l’augmentation exponentielle de la consommation d’alcool et l’explosion des addictions. Le personnel mis en quarantaine a développé de multiples pathologies : épuisement professionnel et émotionnel, sentiment de culpabilité, anxiété, irritabilité, impulsivité, nervosité, colère, insomnie, tristesse, difficultés de concentration, tendance à la procrastination, baisse d’efficacité et de motivation au travail. Dans les formes graves : déconnexion mentale d’avec la réalité (dépersonnalisation, déréalisation). Certains comportements adoptés pendant l’épidémie perdurent des mois, voire des années, tels lavage compulsif des mains, l’évitement des personnes, «confinement autistique».

D’autres études canadiennes ont montré que la mise en isolement prolongé provoque par la suite des conduites d’évitement, de l’agoraphobie. Les enfants confinés présentent également des symptômes post-traumatiques. La situation de confinement crée également ses propres troubles, matérialisée par le dérèglement alimentaire. En effet, l’anxiété provoque des effets secondaires, caractérisés par la boulimie, la consommation excessive de sucreries, de tabac, d’alcool, induisant la prise de poids, avec comme corollaires ultérieurs des problèmes de diabète, des maladies cardiovasculaires, etc. Le confinement devient a posteriori, lui-même, vecteur de pathologies.

A l’évidence, traverser à la fois une pandémie et un confinement est une expérience particulièrement traumatisante. Néanmoins, face à certaines imprévisibles perturbations, les personnes réagissent différemment. Certaines populations sont plus vulnérables que d’autres. Notamment du fait de leurs conditions sociales et économiques, leurs antécédents médicaux, leur situation financière, mais aussi leurs capacités de résilience. De surcroît, le confinement réveille d’autres traumas. Les personnes fragiles sont parfois celles qui ont vécu d’autres traumatismes. En outre, être confiné en famille dans un logement exigu représente un facteur aggravant. De même, avoir des enfants est un facteur aggravant de stress.

Sans conteste, le confinement prolongé de quatre milliards de personnes aura un impact dramatique sur la santé mentale. Accablées par un sentiment d’incertitude, d’angoisse et d’impuissance, des milliards de personnes sombreront progressivement dans la dépression et développeront de multiples pathologies invalidantes. A plus forte raison si le confinement tendait à se prolonger. Selon les spécialistes, plus la date de «déconfinement» est reculée, plus l’impact psychologique est sévère, particulièrement vrai quand il est accentué par l’impécuniosité et les pénuries alimentaires, notamment dans les pays sous-développés. Avec comme risque l’allongement de la vulnérabilité psychiatrique durant plusieurs années. Des travaux tirés de précédentes épidémies ont montré que l’émergence des troubles psychiatriques nécessitent une prise en charge chez 5% de la population au bout de trois semaines de confinement. Le coronavirus provoque moins de 2% de morts, majoritairement parmi les populations âgées et vulnérables. Le confinement va envoyer dans les hôpitaux psychiatriques 5% de la population, auparavant en bonne santé. Définitivement exclues de la vie sociale et professionnelle. Autrement dit, elles seront psychologiquement et socialement mortes.

Ainsi, l’impact du confinement sur la santé mentale est incontestablement important. De la détresse émotionnelle aux troubles mentaux graves, plusieurs symptômes se manifestent chez les personnes confinées. Avec des effets durables. Parmi les symptômes les plus invalidants, nous avons cité les conduites d’évitement. En effet, de nombreuses personnes continuent de développer des comportements d’évitement longtemps après la période de confinement. Elles évitent les endroits clos ou bondés. La rupture de la routine habituelle et la réduction des relations sociales et physiques, corrélées au sentiment d’isolement du monde, voire de fin du monde, induisent un dérèglement psychique, favorisant les conduites d’évitement. L’ennui et la frustration contribuent également à la fragilisation psychologique. La frustration est d’autant plus grande avec la perte d’activité professionnelle, l’insécurité financière, la pénurie des produits de première nécessité.

Comme dans l’après-guerre perdue, le déconfinement se vivra avec le sentiment d’une défaite personnelle, d’une débâcle nationale, d’une calamité économique, d’un échec social, d’une faillite médicale, d’une déroute psychologique, d’un désenchantement existentiel, d’un naufrage humain.

A l’anémie alimentaire viendra se greffer l’anomie sociale, la vilenie politique, l’inertie économique, l’infamie morale, l’ignominie culturelle. L’au-delà du confinement aura un goût funèbre d’outre-tombe. Si le confinement était un remède pire que le mal, le déconfinement se révélera un mal pire que le confinement. La sortie du confinement sera brutale, fatale, létale.

Mais l’espoir est permis. Certes, ce sera la chute finale du vieux monde, mais aussi l’émergence de la lutte finale pour un nouveau Monde.

M. K.

 

Comment (8)

    Ziri Warsenis
    11 avril 2020 - 11 h 38 min

    Ya khouya moyna ! Hier je disais sur un autre fil, attendons, nous allons voir la réplique du duo de contributeurs Dr Ghedia et de l’éminent Mesloub Khider. Et comme dit Rolland Bacri fi klamou: ‘’ Et alors ? Et oilà !
    Ça n’a pas pris une lunaison que les cors de la contribution sonnent de nouveau.
    Pour le docteur, c’est le son de l’hallali du non confinement qui a résonné finalement, alors qu’il prônait le contraire auparavant, pour admettre sans le confesser en toute franchise, mais en enveloppant son discours de détours et de contorsions, pour aboutir, sans le dire implicitement, au confinement. Si la mesure de confinement avait été adoptée rapidement à Blida par les autorités, la situation aurait été moins dramatique semble confesser le bon docteur. Ainsi soit-il ya Oustad, ma3lich, rak msamah !

    L’éminent Mesloub Khider, lui au contraire, après s’être balancé entre un non au confinement du début sur lequel il est revenu pour affirmer qu’il n’a jamais prétendu être contre le confinement, et ça dans un mouvement de pendule bien souligné, le v’là de son côté, contrairement au docteur, sonnant le tocsin du non confinement une autre fois, avec les mêmes hypothèses et arguments débattus ou énoncés dans les joutes oratoires ennuyeuses des panels de Ti-Vi, dont l’objectif est plutôt de capter un audimat, pour les fins commerciales habituelles, en jouant avec toutes sortes d’alibis.
    Alors, attention les séquelles du confinement vont être terribles. Préparez-vous a soigner toutes les pathologies relevées par MK avec une précision de comptable. Ce ne sera même pas la fin des haricots, car de haricots il n’y en aura plus et tant pis pour tous les sceptiques.
    Au marché, la tomate ne voudra plus côtoyer l’oignon, la batata ne blairera plus la courgette et la salade flétrira aussitôt disposée sur l’étalage, tous ces comportements seront dus à des dépressions profondes.

    Répétons encore une fois, mirrarène wa tikrarène, comme nous disait notre bon prof de la tarbia madania wa soulouk el ijtima3ia, le but du confinement n’est pas une panacée en soi, son application n’a pas pour vocation de voir finir les confinés avec toutes sortes de problèmes post pandémie. C’est le seul moyen actuellement qui permet de casser ou du moins ralentir la chaîne de transmission du virus et une contamination à grande échelle, avec tous les aléas catastrophiques que cela engendrera.

    Le système de santé sinistré du pays ne possède pas les ressources requises pour juguler une grave situation.
    On le voit clairement avec des pays développés, de moyens que nous n’avons pas, comme l’Espagne, l’Italie et la France surtout où l’ex-Dey fakhamatouhoum se plaisait à se faire recharger les batteries, en signe de grande confiance en nos structures hospitalières nationales.
    Encore, faudrait-il que tout le monde soit discipliné et que l’Etat assume son rôle pour assurer et sécuriser les approvisionnements, les mesures d’assistance etc. Et ça ce n’est pas évident dans l’état actuel de la situation.

    Karamazov
    10 avril 2020 - 13 h 36 min

    Les psychiatres contre le confinement , c’est le comble! Eux qui n’ont de traitement pour soigner leurs malades que de les interner.

    Krimo
    10 avril 2020 - 12 h 27 min

    Zaatar,

    Bonjour,

    Apres lecture je n’ai retenu que ceci :  » l’ignominie culturelle  »

    Zaatar mon bon ami a croire que les prisons sont une nouveaute, voire une decouverte et les taulards elargis …… A notre age on se doit de relire Robinson Crusoe et ce ne serait pas suffisant puisqu’il a eu son Vendredi.

    Une geniale carricature de Dilem sur le confinement ou il fait dire a son personnage  » c’est les maternites qui vont etre depassees dans 9 mois  »

    Bien des choses

      Zaatar
      10 avril 2020 - 17 h 43 min

      Bonjour Krimo,
      Dilem? Génial le mec. J’ai ri aux éclats devant cette caricature justement.
      Dommage qu’il ne contribue pas sur AP, on aurait eu au moins une concordance dans les idées soumises à débat.

    Zaatar
    10 avril 2020 - 11 h 16 min

    Faites le parallèle, tous les sujets traités par MK sont ceux qui ont été soulevés au fur et à mesure par les médias Francais pour la plupart. L’impact psychologique et psychiatrique du confinement sur les personnes est actuellement débattu en France. Alors qu’auparavant c’était plus la question économique qui prévalait, et avant la question de l’implication de la chine dans cette épidémie…c’est juste une remarque.

      Karamazov
      10 avril 2020 - 13 h 22 min

      Comme le désastre économique n’eut pas payé il multiplie les sujets. Bientôt il nous fera un sujet sur l’impact du confinement sur la migration des cigognes , un autre sur le confinement et la sexualité des fourmis rouges de Nouvelle- Zélande , et un autre sur l’impacte du confinement sur le trou d’ozone , auquel le patho-climatologue répondra parce que nous autres on sera largué.

      Anonyme
      10 avril 2020 - 14 h 03 min

      Comment pouvez-vous dire que le confinement n’a pas eu les effets escomptés et que le nombre de décès ne cesse d’augmenter ?? Vous le faites exprès ou quoi?? Vous connaissez la période d’incubation du virus, et le délai d’aggravation après le début des symptômes (au moins une semaine après le début des symptômes) dans TOUS les pays le nombre de morts commence à diminuer 2 à 3 semaines après le début du confinement en particulier quand un confinement TOTAL est instauré. Vous essayez de manipuler les faits pour vous donner raison

        Anonyme
        10 avril 2020 - 16 h 50 min

        Erreur d’aiguillage. Cette réponse s’adressait à Mesloub Khider

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