Pourquoi l’envoyé de Trump à Rome se fait rabrouer par le pape François 1er
De Rome, Mourad R. – Le multilatéralisme diplomatique a été de tout temps une sorte de dogme pour le cardinal Jorge Mario Bergoglio. Il l’est davantage depuis son accession, en mars 2013, au trône pontifical, faisant, dès le début de son mandat, le choix du dialogue des cœurs et s’attelant avec conviction à jeter des ponts avec des interlocuteurs historiques du Saint-Siège, l’Empire du Milieu et le monde musulman, sans pour autant oublier les deux Amériques, l’Afrique et l’Asie.
Pour toutes ces raisons, le pape François 1er a décidé, la semaine dernière, qu’il n’accordera aucune audience au secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, qui sera ce mercredi à Rome. C’est que «le bulldozer du Kansas» a commis une grave bourde en invitant le souverain pontife à mettre fin aux accords avec la Chine, s’il avait à cœur de préserver l’autorité morale du successeur de Pierre et du Vatican. Une ingérence flagrante dans les affaires d’un Etat souverain et une fanfaronnade inacceptable aux yeux de la diplomatie vaticane.
Résultat donc, le pape François qui devait recevoir Mike Pompeo a annulé l’entrevue, en arguant de manière subtile qu’il n’a pas l’habitude de s’exposer à proximité des élections, recevant des personnalités d’un certain calibre, surtout, comme nous le confie un expert en protocole, si celui-ci manque d’égard envers un chef d’Etat spécial, comme l’est le pape.
La nouvelle de l’annulation de l’audience a, comme il fallait s’y attendre, fait la Une des journaux qui ont relayé diverses interprétations sur la base des positions géopolitiques opposées des deux camps. Les divergences substantielles entre les visions du pape argentin et de Donald Trump faisant le reste. Celle du Président américain, reflétant l’approche «musclée» de Mike Pompeo, est centrée sur la notion de bilatéralisme géopolitique qui ne sied guère à la vision multipolaire prônée par le Vatican sous Jorge Mario Bergoglio.
A cela s’ajoutent les divergences profondes au sujet de la crise des migrants et les dérives sémantiques du locataire de la Maison-Blanche, la Syrie, le Liban et la condamnation ferme et sans ambages de la part du Vatican de l’annexion de Jérusalem-Est et une bonne partie de la Cisjordanie par l’occupant sioniste.
Et, pour mieux signifier ce froid entre les deux hommes, seule une réunion de courtoisie protocolaire est au programme entre le secrétaire d’Etat américain et le «ministre des Affaires étrangères» du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, bras droit du pape et véritable théoricien du multilatéralisme diplomatique, qui aura l’occasion de rappeler les règles de bienséance à son hôte et illustrer les acquis de l’accord stipulé par le Vatican avec la République populaire de Chine, tout en rappelant, avec les formules d’une vieille diplomatie, les principes de la souveraineté absolue du pape dans ses choix.
Enfin, connaissant le poids politique de l’électorat catholique aux Etats-Unis, Mike Pompeo serait bien avisé de s’abstenir de toute nouvelle pique en direction du pape, ce qui ne ferait qu’irriter davantage un bon tiers des Américains et profiter au candidat adversaire et catholique Joe Biden.
M. R.
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