Le judoka algérien Fethi Nourine est le seul héros olympique
Contribution de Mourad Benachenhou – «Deux organisations israéliennes de défense des droits de l’Homme, Yesh Din (juillet 2020) et B’tselem (janvier 2021), ont publié deux rapports séparés qui concluaient, suivant les mots de celui de B’tselem, que «la barre pour qualifier le régime israélien d’apartheid a été atteinte». En avril 2021, Human Rights Watch, appuyée par deux anciens ambassadeurs israéliens en Afrique du Sud, Ilan Baruch et Alon Liel, et après des décennies d’avertissements, a été la première organisation importante de défense des droits de l’Homme qui a affirmé qu’Israël avait franchi le seuil et à accuser les autorités israéliennes de crimes d’apartheid et de persécution, selon les lois internationales, et ont appelé à une enquête de la Cour criminelle internationale (https://Israel_and_the_apartheid).
«L’armée israélienne doit cesser d’arrêter les Palestiniens, mais elle doit les exécuter et n’en laisser aucun vivant.» (Rabbin et membre du Conseil supérieur du Rabbinat d’Israël Shmuel Iliyahou, dans sa page facebook du 29 Juin 2021.) Il n’y a rien de plus mensonger que l’affirmation de la neutralité politique et idéologique des Jeux olympiques.
Les Jeux olympiques : une manifestation politique internationale
Une propagande bien huilée, constituée de slogans qui apparaissent tellement évidents que peu pensent à les déconstruire, laisse croire que ces Jeux se déroulent hors de cette planète, dans un monde éthéré, totalement détaché du monde réel, du moins le temps du déroulement des compétitions, et que seule compte alors la compétition, au vu et au su de tout un chacun, entre des hommes et des femmes mus par une volonté de vaincre leurs adversaires dans ces compétitions, où seuls comptent dans le résultat final les qualités physiques et morales acquises à force d’efforts individuels. Selon cette image «sainte» des Jeux olympiques, les athlètes n’auraient pas de patrie et n’auraient pour autre objectif que de montrer leurs valeurs personnelles, en dehors de toutes autres considérations n’ayant rien à voir avec la pratique du sport.
Rien de plus faux dans cette présentation idyllique des Jeux olympiques, faisant croire que la politique en serait non seulement totalement absente, mais également bannie. L’histoire même de ces Jeux, dans les temps modernes, dément ce refus absolu de les voir ternis dans leur organisation, comme dans leur déroulement, par des considérations extra-sportives qui font croire qu’à l’imitation des Grecs les sportifs entreraient en compétition, totalement nus, couverts seulement d’une couche d’huile d’olive, et sans aucune indication de leur origine géographique ou de leur appartenance à un Etat, que leurs noms, s’ils ont l’honneur d’accéder au podium de la victoire, ne seraient pas accompagnés de leur pays d’origine, et que seul l’hymne olympique serait joué lors de leur couronnement.
Faut-il vraiment être un spécialiste de ces jeux pour savoir que ces jeux sont politiques avant tout, car ceux qui y participent le font, non à titre individuel, mais dans un apparat et sous un drapeau symbolisant leur appartenance à un Etat déterminé, et même les cérémonies de remise des médailles s’effectuent sous le son des hymnes nationaux des vainqueurs.
Le CIO : une pseudo-ONG totalement inféodée aux Etats nationaux
De plus, les comités olympiques, qui font actuellement partie de l’organisation sportive usuelle de chaque pays, sont financés et placés sous la tutelle directe des Etats concernés. Si seul l’esprit sportif prévalait dans ces Jeux et tournait exclusivement autour de la célébration de l’effort physique et de l’esprit de compétition entre athlètes de différentes spécialités, pourquoi les Etats auraient-ils à s’assurer que ces athlètes les symbolisent dans leur prestige et leur puissance politique ? Pourquoi des comités olympiques nationaux ? Pourquoi pas une vraie ONG olympique, organisant des compétitions entre athlètes, sans autres considérations que la discipline sportive qu’ils pratiquent et leurs dons physiques exceptionnels, au lieu de la fausse «personnalité morale indépendante» derrière laquelle se cache le Comité olympique international et qui, en fait, reflète les décisions et les positions des différents Etats qui constituent la communauté internationale au plus large sens du terme ?
L’athlète est membre d’une communauté dont il ne peut se détacher
Il ne s’agit nullement ici d’esquisser une alternative aux Jeux olympiques actuels, ni même de s’insurger contre leur politisation, et de demander que soient bannies toutes formes d’intervention politique dans leurs organisation, comme dans leur déroulement, mais seulement de prendre acte et de reconnaître leur caractère profondément politique, quelles que soient les déclarations hypocrites des uns et des autres s’insurgeant contre la politisation de ces Jeux !
D’ailleurs peuvent-ils être autres que politiques ? Les exploits de l’individu n’ont de sens tant pour lui que pour les autres que dans un contexte social déterminé. L’athlète, qu’il le veuille ou non, est à la fois et simultanément le représentant du groupe humain dont il fait partie par sa naissance ou par sa libre adhésion, et le symbole de la volonté individuelle de triompher de ses adversaires. Tenter de faire ressortir exclusivement ses prouesses sportives est à la fois vain et stérile car, sans sa reconnaissance par son propre groupe d’origine, le sportif n’a aucune existence qui vaille la peine d’être célébrée.
La Charte olympique : un document politique
D’ailleurs la Charte olympique, établie par accord entre les Etats ayant la reconnaissance des institutions internationales, souligne le caractère politique des Jeux olympiques, dont un des objectifs est de faire prévaloir la paix entre les peuples, par l’organisation de compétitions qui mettent en valeur ce que chacun d’eux peut présenter de mieux comme athlètes, dans un esprit de respect mutuel et réciproque. En application de cette charte, et respectueux de son esprit, de grands pays ont, dans le passé, décidé de boycotter des Jeux olympiques sur la base de considération exclusivement politiques, qu’il s’agit ici ni d’en décrire les détails, ni de justifier, ni même de condamner.
L’organisation olympique a été encore plus loin
Le CIO a rappelé, dans une résolution datant du 10 Juin 2020, le principe sacro-saint du rejet de toute discrimination dans la pratique sportive : voici en résumé ce que cette résolution proclame : le CIO affirme que la non-discrimination est un des piliers fondateurs du mouvement olympique, qui est reflété par le principe fondamental 6 de la Charte Olympique : «La jouissance des droits et des libertés affirmés dans cette Charte seront assurées sans discrimination de quelque type que ce soit, comme la race, la couleur, le sexe, l’orientation sexuelle, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la propriété, la naissance ou quelque autre statut que ce soit.» ( https://olympics.com/ioc/news/resolution-of-the-ioc-executive-board-with-regard-to-racism-and-inclusion)
En application de cette clause fondamentale de la Charte olympique, la République d’Afrique du Sud a été exclue des Jeux olympiques entre 1964 et 1988, comme le rappelle le document suivant : «Le 18 août 1964, le COI a révoqué l’invitation adressée à l’Association sud-africaine des Jeux olympiques et nationaux pour participer aux Jeux olympiques de 1964, parce que cette association a refusé de déclarer qu’elle était opposée à la politique d’apartheid du gouvernement sud-africain… Cette exclusion a duré jusqu’aux Jeux olympiques d’été de Séoul, Corée du Sud, en 1988.» (https://www.sportsengine.com/article/none/south-africa-banned-olympic-games)
Un secret dont même Polichinelle ne voudrait pas
On ne va pas revenir sur les théories sionistes et le projet de génocide du peuple palestinien, qui est l’objectif final et franchement avoué d’Israël. Il s’agit seulement ici de rappeler une vérité que toute «la communauté internationale», dont la composition ne dépasse pas les cinq Etats, fait semblant d’ignorer ou justifie, par une argumentation pseudo-moraliste, la souffrance présente et absolue des Palestiniens par les torts passés causés aux juifs sur le continent européen.
Voici une analyse qui, de manière claire, établit qu’Israël est un Etat qui pratique l’apartheid contre la population indigène de la Palestine historique, que cette population soit musulmane ou chrétienne, et que la comparaison avec le régime d’apartheid anti- noir dans l’Afrique du Sud avant Mandela n’a rien de forcé, ce qui dicte le même type de sanctions internationales contre Tel-Aviv que celles appliquées dans le temps à cet Etat africain, y compris l’expulsion du système du CIO, à l’exemple de la mesure prise entre 1964 et 1988 contre Pretoria.
Une étude légale a été lancée et coordonnée par le Conseil sur «La recherche en sciences humaines de l’Afrique du Sud», étude portant sur les pratiques d’Israël dans les Territoires palestiniens occupés au sens du droit international. Le rapport a noté que l’un des aspects les plus patents de la politique d’apartheid était «la politique de l’enclave raciale» concrétisée par les territoires nationaux noirs, connus sous le nom de «Bantoustans». Ce rapport a ajouté : «De même que le régime d’apartheid en Afrique du Sud, Israël justifie ces mesures sous le prétexte de la sécurité.» «Contrairement à ces justifications, ces mesures sont, en fait, partie d’un régime complet ayant pour objectif de préserver la supériorité démographique d’un groupe racial sur l’autre dans certaines régions.»
Selon ce rapport, les pratiques d’Israël dans les territoires occupés sont en corrélation quasi totale avec la définition de l’apartheid telle qu’établie dans l’article 2 de la Convention internationale sur l’élimination et les sanctions contre le crime d’apartheid. La comparaison entre les lois sud-africaines et les pratiques du régime d’apartheid a établi de fortes corrélations avec les pratiques d’Israël, y compris les violations des critères internationaux de jugement équitables (comme les détentions illégales), les privilèges discriminatifs basés sur l’ethnicité établie (légalement comme juive ou non-juive), une ségrégation ethnique maintenue de façon draconienne dans tous les aspects de la vie, y compris par le confinement de groupes dans des «réserves et des ghettos ethniques», restrictions complètes dans les libertés individuelles, comme la liberté de mouvement et d’expression, un système légal double fondé sur l’identité nationale et ethnique (juive ou palestinienne), dénationalisation (déni de citoyenneté) et un système spécial de lois spécifiquement établies pour punir toute résistance palestinienne au système.
L’étude a trouvé que «l’Etat d’Israël exerce un contrôle sur les territoires palestiniens occupés avec pour objectif de maintenir un système de domination par les juifs sur les Palestiniens, et que ce système constitue une violation de l’interdiction de l’apartheid. Ce rapport a été publié en 2012 sous le titre «Au-delà de l’occupation : l’apartheid, colonisation et lois internationales dans les Territoires palestiniens occupés». (https://Israel_and_the_apartheid)
En conclusion
Il n’y a rien que ne soit pas politique tant dans les Jeux olympiques que dans le Comité olympique international ou la Charte olympique.
C’est le comble de l’hypocrisie que de déclarer et de faire croire que les Jeux olympiques ont pour but exclusif de célébrer l’esprit sportif en dehors de toutes considérations politiques, quelle que soit leur nature.
Le Comité olympique international, se fondant sur les valeurs de respect de la personne humaine, a, et en dehors des décisions prises par certains pays de boycotter ces Jeux pour des considérations politiques spécifiques et circonstancielles, à plusieurs reprises au cours de son existence, pris des positions politiques, en excluant, entre autres, l’Afrique du Sud pendant quelque 28 années, justifiant cette exclusion par la politique d’apartheid imposée par cet Etat raciste à la majorité de couleur noire.
Israël, du point de vue partagé tant par une majorité de l’opinion internationale, et selon les rapports tant d’ONG internationales qu’israéliennes, applique délibérément, inspirée par l’idéologie religieuse raciste, une politique d’apartheid systématique contre le peuple palestinien sur le territoire historique de la Palestine.
Cette politique empêche, entre autres, les Palestiniennes tout comme les Palestiniens, de pratiquer les sports et de participer de manière égale avec les autres nations, aux Jeux olympiques.
Israël aurait dû, depuis longtemps, être expulsé du Comité olympique international, à l’exemple de l’Afrique du Sud raciste, entre 1964 et 1988.
C’est l’incapacité du CIO à appliquer ses propres principes qui a permis à Israël de participer aux Jeux olympiques, tout en violant de manière flagrante la Charte olympique.
En refusant d’affronter un adversaire israélien, le judoka algérien Fethi Nourine n’a pas violé la Charte olympique, mais a, au contraire, tenu à la respecter et remédier au refus du CIO de prendre ses responsabilités politiques et d’expulser Israël.
Fethi Nourine a été injustement frappé de sanctions pour avoir tenu haut les principes de la Charte olympique, en refusant d’affronter un adversaire dont le pays ne respecte pas la lettre comme l’esprit de cette Charte.
Nourine a également étalé au grand jour la faillite des représentants au Comité olympique international qui n’ont pas poussé à l’expulsion d’Israël et n’ont pas menacé de boycotter les Jeux olympiques de Tokyo si cet Etat-apartheid y participait.
Nourine, par son geste courageux, et au détriment de ses intérêts et de son prestige, qui a préféré déclarer forfait que forfaire les principes de la Charte olympique, est à féliciter et à traiter comme un vrai héros olympique qui mérite non seulement d’être félicité pour son geste de grande bravoure, mais aussi d’être cité comme un exemple de l’esprit olympique dans sa forme la plus élevée, d’être glorifié et traité comme un héros par le peuple algérien dont il a rehaussé le prestige, en montrant qu’il y a encore dans le monde et en Algérie des hommes à principe.
M. B.
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