Quand un média officiel français veut dédouaner le Makhzen et le MAK
Par Mohamed K. – TV5 Monde s’inquiète de ce que l’Algérie en veuille au régime monarchique belliqueux de Rabat de chercher à lui nuire. «Algérie : pourquoi Alger accuse le Maroc et des indépendantistes kabyles d’être derrière les incendies ?» interroge-t-il, avant de donner la parole à un politologue et professeur algérien en sciences politiques à l’université de Marburg, en Allemagne. «L’Algérie a affronté de gigantesques feux de forêts dans le nord du pays. La présidence algérienne accuse le Maroc d’avoir financé le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, lui-même accusé d’être à l’origine de la catastrophe, selon Alger. Pourquoi ces accusations ?» introduit le média officiel français qui s’en est allé chercher un analyste dans la plus ancienne des universités protestantes d’Allemagne pour essayer de percer le mystère.
TV5 Monde frappe d’estoc dès l’entame de l’entretien : «Comment analyser les accusations d’Alger à l’encontre du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) ?» Rachid Ouaissa affiche tout de go son orientation pro-MAK : «Ce procédé est la signature même des Etats autoritaires. Le principe est systématiquement de chercher à accuser une personne ou une organisation pour détourner le regard de l’ingérence catastrophique de l’Etat. Aujourd’hui, le MAK est accusé d’être derrière ces incendies. Or, des feux de forêts, il y en a partout en Méditerranée et au-delà, comme en Californie.» Le verdict est prononcé et le MAK et, par ricochet, le Maroc innocentés. Le coupable est désigné : l’Etat algérien qui «utilise cette catastrophe à des fins politiques» car «le pouvoir a peur de la reprise du Hirak» dont le «cœur battant est la Kabylie».
«Dans ce contexte, explique le politologue, le MAK permet au régime de développer tout un discours autour d’un ennemi de l’intérieur.» «Depuis 1962, renchérit-il, la même stratégie est à l’œuvre : un jour les séparatistes sont mis en cause, l’autre un ennemi de l’extérieur agit contre l’intérêt national. Systématiquement, le schéma utilisé par le pouvoir autoritaire consiste à tenter de détourner l’attention sur les vraies questions en rejetant la faute sur des tiers.» Rachid Ouaissa reprend ainsi, au mot près, le discours de Nasser Bourita.
Et de plaider la cause du MAK, qui «a aidé à un autre débat qui est celui du fédéralisme ou de la régionalisation de l’Algérie». «Pourquoi ne pas mettre sur la table la question d’un fédéralisme à l’allemande ou à l’espagnole où il pourrait y avoir une concurrence positive entre les régions ? Il y aurait l’élection de responsables de la gestion des territoires, le budget de l’Etat serait partagé entre les régions. En d’autres termes, c’est une manière d’instaurer la démocratie. Il y a de nombreuses sortes de fédéralisme, suisse, américain, allemand, etc.», argumente l’universitaire qui tente de faire accroire que le MAK milite pour un système à l’américaine alors qu’il revendique clairement un éclatement de l’Algérie.
S’ensuit quasi automatiquement une question sur le voisin de l’Ouest. TV5 Monde veut savoir ce qu’«il faut comprendre» par le fait que «la présidence algérienne [ait] indiqué souhaiter revoir ses relations avec le Maroc». «Pour eux (sic !), s’il y a une organisation comme le Rachad ou le MAK, il y a forcément un financement extérieur derrière. En l’occurrence, le Maroc est l’ennemi juré, le pays qui peut également prétendre jouer un rôle dominant sur le continent africain et comme relais de l’Europe et l’OTAN. Il y a une concurrence géopolitique entre les deux pays. La situation actuelle peut mener à un conflit plus important», prédit Rachid Ouaissa qui renvoie dos à dos les deux Etats voisins «autoritaires» et «aux positions archaïques».
Le professeur de sciences politiques ne voit pas l’évidence. «Il est difficile de se prononcer sur une possible accointance du royaume marocain avec le milieu indépendantiste kabyle. Pour le MAK, ça ne serait pas judicieux de faire appel à un ennemi du pays», tranche-t-il, innocentant et le Makhzen et le MAK, même s’il admet que le Maroc «n’a pas les meilleures cartes par rapport à l’Allemagne […] contrairement à l’Algérie qui a su avancer ses pions en Europe grâce à ses relations avec Berlin».
La France jalouserait-elle le rapprochement entre la première puissance nord-africaine et la locomotive de l’Europe occidentale ?
M. K.
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