La guerre d’Ukraine révèle un Occident affaibli

oNU l'invasion russe
Lors de l’Assemblée générale de l’ONU pour sanctionner la Russie. D. R.

Une analyse de Michel Rogalski(*) – Annoncée depuis plusieurs mois par les services américains, l’invasion russe de l’Ukraine a néanmoins surpris l’opinion internationale qui considérait que le déploiement de troupes et d’arsenaux militaires ne relevait que d’une démonstration de forces visant à impressionner le proche voisin et, au-delà, le monde occidental.

Très vite, l’affaire fut portée devant les Nations unies pour faire condamner l’agresseur par le Conseil de sécurité et engager, par le biais de l’Assemblée générale, à son encontre un train de sanctions économiques et financières dans le but de le faire cesser son intervention. L’objectif étant parallèlement d’isoler diplomatiquement Moscou, d’en faire un Etat paria et de l’écarter de tous les mécanismes qui organisent le processus d’interdépendance et de mondialisation. De leur côté, l’Union européenne et l’OTAN s’organisèrent pour réagir de façon concertée et coordonnée. Le bilan de ces réactions apparaît comme plus mitigé qu’on aurait pu l’imaginer.

Un vote massif en apparence

Bien sûr, le Conseil de sécurité vota très largement la condamnation, amputée de toute efficience en raison du droit de veto utilisé par la Russie, puis obtint la convocation d’urgence de l’Assemblée générale. Celle-ci, invitée à condamner et à appliquer un train de sanctions se révéla moins enthousiaste et plus divisée qu’attendu. Comment en était-on arrivé là alors que l’invasion de l’Ukraine était patente, revendiquée et même justifiée à coup d’arguments historiques fumeux, bref indéfendable ?

Certes le bloc «occidental» a fait preuve de cohésion, mais le reste du monde s’est montré plus rétif et a révélé son hésitation à s’engager frontalement dans ce conflit. Le vote signifia que la Russie n’était pas devenue en l’espace de quelques jours un Etat paria isolé du monde comme beaucoup l’avaient espéré. Rappelons les grandes données de ce vote. 141 pays (sur 193) ont condamné la guerre, 5 ont refusé de condamner (la Biélorussie, la Syrie, la Corée du Nord et l’Erythrée ont voté avec Moscou) et 35 pays se sont abstenus parmi lesquels de grands pays très peuplés ou influents comme la Chine, l’Inde, le Pakistan, l’Iran, l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Sénégal. Et les propos ultérieurs tenus par des responsables du Brésil, du Mexique ou de l’Argentine tempérèrent largement leur vote. Le prochain G20 qui doit se tenir en octobre en Indonésie fait déjà l’objet d’âpres négociations. Le pays hôte refuse d’en exclure la Russie alors que les Etats-Unis proposent d’inviter Zelensky.

Un tiers-monde réticent

Il est clair que les pays du tiers-monde ne veulent pas être happés dans ce qui leur est présenté comme une nouvelle guerre froide et entendent lire ce conflit à l’abri des clivages idéologiques et en mettant en avant leurs intérêts nationaux. Comment comprendre autrement la posture adoptée par le continent africain ? Seuls 28 pays africains sur 55 ont condamné l’agression. Cela illustre la volonté de ne pas s’engager et de se tenir à distance d’un conflit dont ils redoutent les conséquences sur les prix de l’énergie et des produits alimentaires et qui reste géographiquement très lointain. De surcroît, les principes au nom desquels on souhaite les faire s’engager ont perdu beaucoup de crédit. Qui a envahi le Vietnam, l’Irak et s’est enlisé vingt ans en Afghanistan ? Qui a bombardé la Serbie – dépecée de son Kosovo – et la Libye ? Ces souvenirs démonétisent les pressions d’un Occident associé à ces guerres lointaines. Alors que dans le même temps, l’influence russe – et chinoise – progresse en Afrique.

Dans le continent, on hésite à s’opposer à la Russie, et si on le fait on ne se jette pas pour autant dans les bras de l’Occident qui reste associé de façon indélébile à la mémoire de l’esclavage et de la colonisation. On peut donner tort à la Russie dans son conflit avec l’Ukraine et hésiter à enfourcher une autre guerre qui serait celle de l’Occident contre la Russie car, d’expérience, on sait que celle-ci peut faire contrepoids dans la géopolitique mondiale et que son principal mérite et d’exister. Comment souscrire alors à la volonté de l’affaiblir, sachant que ce sera long et que les désordres internationaux collatéraux seront coûteux ? Même les Emirats arabes unis et l’Arabie Saoudite, qui ont voté les résolutions de l’ONU condamnant la guerre, refusent d’appliquer les sanctions qui ne sont qu’occidentales.

L’Amérique latine montre aussi son embarras à coller à l’Occident. Ici plus qu’ailleurs, les intérêts nationaux ont été déterminants. Il convient surtout de distinguer les votes des déclarations ultérieures. Sur 19 pays, 14 ont condamné l’intervention russe au nom du droit international dont certains n’ont pas manqué de rappeler qu’en cette matière beaucoup de griefs pouvaient être adressés à l’Occident. La guerre des Malouines était évoquée par l’Argentine, mais surtout il était rappelé que les vaccins russes anti-Covid avaient généreusement été distribués par la Russie au continent. Le Brésil – les voix de Bolsonaro et de Lula unies pour la circonstance – dit combien il se tenait à égale distance des belligérants. Même son de cloche au Mexique qui, comme d’autres pays latino-américains, a besoin de fertilisants russes pour son agriculture. Bref, l’impression d’un continent gêné et désireux de maintenir ses relations économiques croissantes avec la Chine et la Russie.

Inquiet des pénuries de céréales prévisibles risquant d’affecter le Maghreb, le Proche-Orient voire une partie de l’Afrique, le Sénégalais Macky Sall, président en exercice de l’Union africaine, se déplace à Moscou. Poutine arrive à convaincre l’opinion publique que c’est à cause des mines posées par l’Ukraine devant Odessa pour empêcher une agression par voie maritime que les exportations de céréales sont bloquées, renvoyant ainsi la responsabilité sur le camp adverse.

Vers un monde plus multipolaire

Tout ceci traduit un phénomène de longue durée que l’on pourrait qualifier de désoccidentalisation du tiers-monde. Processus qui accompagne une tendance à la démondialisation qui démarre après la crise des subprimes et le recul du poids économique des pays du G-7 dans l’ensemble mondial. Quelques chiffres en attestent. Le poids économique du G-7 est ainsi passé des années 1980 à aujourd’hui de 50% à 31% du PIB mondial. Bien sûr à l’avantage du monde non occidental et surtout de celui des BRICs. C’est la marque du basculement d’un monde unipolaire à un monde multipolaire qui permet à bon nombre de pays de s’exprimer sans devoir s’aligner et surtout de faire valoir leurs intérêts propres. On est loin d’une analyse qui voudrait inscrire le conflit entre la Russie et l’Ukraine comme un affrontement idéologique entre démocraties et régimes autoritaires. Dans tous les classements internationaux en termes de démocratie, de corruption et de gouvernance, l’Ukraine figurait mal placée depuis de longues années.

D’où la réticence de l’Union européenne à ouvrir des processus d’adhésion. Le poids et le rôle des oligarques à Kiev n’ont rien à envier à ce qui se passe à Moscou. Les Panamas Papers n’avaient-ils pas épinglé dès le mois d’octobre Zelensky pour ses trois résidences possédées à Londres sous couvert de sociétés-écrans domiciliées off-shore et créées par sa société de production Kvartal 95 ? Les régimes politiques de la grande Russie et de la petite Ukraine partagent beaucoup en commun. Ce qui les oppose en deux camps adversaires tient aux alliés de cette dernière, à des revendications territoriales associées à des préoccupations sécuritaires, mais en aucun cas au modèle politique que chacun incarnerait.

La guerre d’Ukraine et les divisions qu’elle a révélées a certainement remisé pour longtemps une vieille idée caressée de longue date par l’administration américaine. Il s’agit du projet, évoqué de façon récurrente depuis la présidence Clinton, de construire une ONU bis rassemblant les démocraties et d’en écarter les Etats totalitaires ou voyous. Cette idée pourrait ne pas survivre à la crise actuelle. Ainsi, le projet de donner une forme diplomatique et institutionnelle au clivage entre démocraties et régimes autoritaires infréquentables devrait être renvoyée à plus tard tellement la crise actuelle a montré que l’Occident et ses normes étaient loin de faire consensus dans le monde. La confection d’une liste d’invités à ce genre de «Sommet des démocraties» constituerait une tâche délicate.

M. R.

(*) Directeur de la revue Recherches internationales

Comment (12)

    Anonyme
    6 juin 2022 - 13 h 45 min

    l’Organisation Terroriste de l’Atlantique Nord , ne gagnera pas cette guerre, le tigre de papier ch…dans sa culotte ils n’ont meme pas le courage d’envoyer leur soldats contre de vrais hommes , ils ont peur des Russes c’est pour cela qu’ils se battrons jusqu’au dernier ukrainien!! contre les faibles ils se sentent très forts mais contre un pays qui va leur rendre la monnaie c’est une autre histoire, cet hivert ils vont se rendre compte de leur erreurs d’avoir attaque le Grizzily qui n’est ni l’Irak, ni la Syrie, ni la Libye ou autre pays faible, ils vont y laisser leur dents car la Russie si jamais elle se sent en danger de perdre se servira de l’arme nucléaire d’après beaucoup de leurs dirigeants, donc cette guerre n’est pas encore fini, les Russes n’ont pas dit leur dernier mot.

    Anonym3
    6 juin 2022 - 12 h 18 min

    La mauvaise nouvelle comme le cas de l’Ukraine c’est toujours lès peuples qui payent et la bonne nouvelle ils ont cessé temporairement leur bruit sur l’islam et lès musulmans, ils tendent même leurs mains aux musulmans pour se mettre de leur côté.

    emigre de France
    6 juin 2022 - 9 h 03 min

    L’Occident n »a rien de faible, ne faiblira jamais et sera toujours UNI … tant qu’il s’agit de coloniser, voler, piller les peuples moins bien armés. Disons que les peuples européens commencent à se demander pourquoi ce sont les Etats-Unis qui les dirigent via l’Union européenne. Bien que ces peuples restent foncièrement d’accord avec leurs dirigeants dans toute affaire étrangère qui inclut le méchant anti-démocrate russe ou le méchant nouveau riche chinois !

      Anonyme
      6 juin 2022 - 12 h 01 min

      Si il est faible et lâche ctre la Russie et la Chine mais pas contre plus faibles ctre eux , c est lâche de frapper un homme à 10 on l entend souvent de leur part et les désigné du doigt qd il s agit de jeunes de quartiers mais ils sont pires que ces jeunes ils font une coalition à 36 pays pour frapper un seul pays et faible en plus comme avec l Irak la Lybie ect . La ils font la même mais à distance mais n ose pas y pénétrer, juste ils achemine des armes et Poutine leur dit attention ne dépasser pas la ligne rouge que je vs impose sinon mes soldats les Arles seront aussi chez vous à Paris Berlin Londres mais avt j éclaté ka Pologne la Roumanie et Moldavie . Tu vois il les a divisé ces faibles qui était arrogants et sur d eux en suivant les USA qui les ont réduit eux ces européens d abord , même aux USA la crise ukrainienne de ressent , il y a une semaine l américain mettait le plein pour 40 dollars aujiurd hui pour 70 dollars . Pkoi ils y vont pas avec Poutine ou la Chine demain et tous comme ils ont tjrs avec plus faibles, parce que c’est des lâches et savent qu ils n existeront plus aussi . C est pas les mêmes rapports de forces qu un pays arabe ou africain. Ben oui la deuxième puissance militaire mondiale la Russie qui fait face à ttes ces sanctions de 40 pays occidentaux OTAN UE USA plus armes acheminés et ils y arrivent pas ces faibles , oui c est des faibles par rapport à la Chine ou la Russie et c est de ça qu on parle.

        Elephant Man
        6 juin 2022 - 14 h 28 min

        @Anonyme
        Excellent commentaire !

        emigre de France
        7 juin 2022 - 7 h 33 min

        Les atlanto-sionistes ne s’attaquent pas à la Russie et à la Chine frontalement, parce que ces deux pays sont des puissances nucléaires. C’est aussi simple que cela. Mais ils dirigent le monde grâce au dollar QUAND MEME. Car les peuples et les dirigeants de tous les pays, y compris le nôtre continue de croire en leur (fausse) monnaie. … Tant que les faux patriotes de tous le pays continueront à espérer la faiblesse des atlanto-sionistes sans rien faire … Et puis, ces atlanto-sionistes, ils sont les amis de nos amis (monarchies du Golfe par exemple !). On fait quoi, alors ?!! Ils sont forts parce que nous voulons rester faibles. Et notre faiblesse se situe au niveau du cerveau et de la compréhension de la géo-politique !!!

          Anonyme
          8 juin 2022 - 0 h 17 min

          Ils sont plus dans la géo politique ces occidentaux car ils pensaient que tt leur appartenaient et que la dominance et la suprématie blanche entreguillemets avaient encor de belles années devant elle, Poutine les a tous mis à poil et le NOM qui voulaient nous imposer se casse les dents en direct, en fait c est plutôt de la géo tragédie pour eux bref concernant les arabes du golf ben tu vois pas qu ils changent de fusils d épaules et cherche plutôt la neutralité mais surtt la sécurité qu ils ont perdus ces derniers temps et cherchent avt tout leurs intérêts mais ça je l avais écris sur AP il y a bien lgtps. Même les européens sont divisés pour leurs propres intérêts. Les USA les ont piéger des le départ tt en voulant réduire la Russie et titiller la Chine mais c est bien eux l UE qui sont entre l enclume et le marteau . Ils ne peuvent mtn reculer. Le G7 ils sont tous d accord tt en tirant pour eux leurs nations mais pas le G20 ils sont divisés à ce sujet. Le dollars justement les USA sacrifie l euro pour sauver le dollars mais le monde change et tourne et cet empire US touche à sa fin tt en restant une grde puissance mondiale mais trop trop endettés comme tout ces européens et c est pas le cas ni de la Russie ni de la Chine les deux autres grdes puissances mondiales. Le monde a part leur camp et presque de force si il pouvait s en séparer ils le feraient et se seront approcher de la Chine et de la Russie qui ces deux dernières leurs imposerait lpad eurs dictat économiques et les sanctions us envers les banques européennes par exemple et j en passe , ils aimeraient bien s en détacher en vérité mais appartiennent à ce camp et srtt aux USA . Mais ça il le paie aujourd’hui, la preuve et nous les premiers ds le porte monnaie ça se voit en courses et pour l essence ect ect . Ça c’est la vérité du terrain et du monde réel , Poutine joue aux échecs et fait ce qu il dit, les autres menteurs ne peuvent jouer qu au Poker et ça se voit , mêmes leurs peuples restent dubitatif, non ?

    Anonyme
    6 juin 2022 - 6 h 53 min

    La lachete de l occident a engendre sa propre decadence,car la politique occidentale a ete et est toujours une politique egoiste ,agressive qui ne cherche que la domination des peuples et leur soumission pour exploiter gratuitement leurs richesses et asservir leurs peuples.Leurs agressions guerrieres destructrices sous des motifs fallacieux soit directement soit par procuration….Le club des dirigents occidentaux se sont eriges en donneurs de lecons imposant des sanctions inhumaines et des menaces a tous ceux qui refusent leurs dictats.Leur systeme de production economique ravageur et empoisonneur des normes ecologiques les plus elementaires fait souffrir l equilibre naturel et ecologique/biologique de toute la planete Terre,leur folie n a pas l air de s arreter malgre tous les signes precurseurs d un desastre irremediable si le bon sens et la conscience humaine ne se ressaisit pas pour mettre fin a ces puissants lobbys …ces lobbys qui dirigent le monde vers le desastre planetaire….parmi ces lobbys on retrouve les victimes d hier qui sont devenues les principaux bourreaux d aujourd hui…

      Belveder
      6 juin 2022 - 9 h 36 min

      c est l occident pour toi??
      parce que la chine la russie ne pille pas les richesses des autres??
      ne font des vicitmes civils parmis les minorités??
      les conseil d administration des multinationales regroupent des chinois des americains des européens des sud africains et sont plus plus puissants que les états eux memes

        Anonyme
        6 juin 2022 - 12 h 08 min

        Non c est les français avec les européens et américains qui ont piller en Afrique et empêcher son développement La Chine à peine dix ans en Afrique et la Russie et l Algerie vient de dégager ta France du Mali et du Sahel . Qui est rester en Afrique des siècles , les chinois les russes ou tes maîtres occidentaux que tu défends ?

        Anonyme
        6 juin 2022 - 13 h 04 min

        @ Belveder
        6 juin 2022 – 9 h 36 min
        Il n y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir…Citez moi un seul exemple dans le modele de l invasion de l Irak ou de la Lybie produit par les Russes ou les Chinois…je parle d Etat ou coalition d Etats…..

        bds
        7 juin 2022 - 13 h 07 min

        @belveder
        citez moi svp juste une richesse pillé par les russes
        matieres première? ils en sont tres tres largement doté
        technologie de pointe ? ils en sont doté
        ils sont autonome en alimentation et ils exportent
        je comprend pas votre commentaire

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