Macron en Algérie : le ton de Paris baisse d’un cran après la riposte d’Alger
Par Abdelkader S. – Selon l’Elysée, le président français se rendra «bientôt» en Algérie. L’annonce a été faite lors d’un nouvel entretien téléphonique que Macron a eu avec son homologue algérien qu’il a appelé pour le féliciter à l’occasion de la fête de l’Indépendance. Le contexte délicat dans lequel intervient cet échange téléphonique indique clairement que Paris a compris que les nouvelles autorités algériennes ne s’embarrassent pas de pincettes pour prendre les mesures qui s’imposent à chaque fois que les intérêts de l’Algérie sont menacés ou que des écarts sont commis par un personnel politique européen qui manque parfois de sagacité et de tact. L’Espagne, jusque-là pays ami, l’a appris à ses dépens. Et avant elle le Maroc.
Le message sous-tendu par l’imposant défilé militaire organisé par l’armée algérienne ce 5 juillet a été reçu cinq sur cinq par les puissances étrangères, sur fond de guerre en Ukraine et de divergences profondes dans les positions des uns et des autres par rapport à ce conflit qui est en passe de chambouler l’ordre mondial imposé unilatéralement par les Etats-Unis depuis la destruction de l’ex-Union soviétique en 1989. L’armement algérien composé dans sa quasi-totalité de matériel russe d’une redoutable efficacité est un signe qui ne trompe pas sur l’intention d’Alger de maintenir ses relations stratégiques et historiques avec Moscou et d’œuvrer à les approfondir davantage, comme l’a affirmé le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, lors de sa récente visite dans notre pays.
Soixante ans après l’indépendance de l’Algérie, une certaine France officielle et nostalgique continue de rêver d’une ancienne colonie soumise, comme le voisin de l’Ouest, mais la réalité sociale en France même montre clairement que les nouvelles générations issues de l’immigration algérienne sont plus que jamais attachées à leur pays d’origine et ne se sentent pas appartenir à une France de moins en moins perçue comme un pays d’accueil. Ce divorce se traduit par la multiplication de zones entières qui échappent à tout contrôle de l’Etat français et qui étendent leurs tentacules à des régions qui semblaient jusque-là épargnées.
L’entretien téléphonique que le président Tebboune a eu en mai dernier avec son homologue français, qui venait d’être [mal] élu, intervenait au lendemain de pas moins de quatre reports d’une visite de l’ex-Premier ministre, Jean Castex, en Algérie, en raison, à chaque fois, de différends nés de propos maladroits tenus à Paris ou de décisions incongrues qui ont provoqué la colère des autorités algériennes.
Il est de coutume qu’un président français consacre son premier déplacement à l’Algérie, premier partenaire stratégique de la France hors Europe. Des observateurs avertis n’ont, d’ailleurs, pas manqué de mettre notre pays sur un pied d’égalité que l’Allemagne dans les rapports prioritaires que Paris entretient avec ses voisins, Alger et Berlin étant la locomotive respectivement du Maghreb en tant que puissance régionale et porte d’entrée au continent africain et de l’Europe dont elle [l’Allemagne] domine l’économie avec son gigantesque complexe industriel. La visite programmée d’Emmanuel Macron était donc courue d’avance.
De nombreux dossiers demeurent en suspens. Ils devaient être discutés dans le cadre de la réunion de la Commission intergouvernementale de haut niveau algéro-française. La situation urge et la guerre qui fait rage dans l’est de l’Europe, et qui risque de s’étendre à l’ensemble de la planète au vu de l’attitude belliqueuse du président américain qui souffle sur le brasier, fait que l’Algérie et la France ont des positions diamétralement opposées sur ce nouveau dossier qui s’ajoute à tous ceux sur lesquels aucun accord possible entre Alger et Paris n’est envisageable. Il en va ainsi de la question sahraouie, de la présence française dans le Sahel, du risque de reprise de la guerre civile en Libye et du vain plan de déstabilisation en Syrie, un pays que l’Algérie s’emploie à réintégrer au sein de la Ligue arabe en novembre prochain, alors que la France y poursuit son action déstabilisatrice.
A. S.
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