Ministres déphasés

chômeurs économie de marché
Sit-in de jeunes chômeurs en 2011. Archives/New Press

Par Abderrahmane Mebtoul – L’Algérie est dans une interminable transition. Elle n’est ni une économie étatisée ni une véritable économie de marché concurrentielle, ce qui explique le peu d’efficacité tant de la régulation politique, sociale qu’économique. Si le processus inflationniste continue à ce rythme, cela aura des incidences sur le taux d’intérêt des banques qui devraient le relever au moins de deux à trois points par rapport aux taux d’inflation réel, si elles veulent éviter la faillite ou, alors, l’Etat devra recourir à nouveau à leur assainissement tant qu’il a la rente des hydrocarbures. Cela freinerait à terme le taux d’investissement utile, la plupart des opérateurs économiques préférant se réfugier dans les activités spéculatives à court terme actuellement dominantes.

Ce processus inflationniste aura pour conséquence l’accélération du divorce entre l’Etat et le citoyen, accentué par l’effritement du système de communication gouvernementale où nous assistons à un dialogue de sourds. Dès lors, comment ne pas se rappeler certains discours de ministres et parfois de Premiers ministres totalement déconnectés de la réalité sociale. Selon les propos du président de la République lui-même, bon nombre de décisions prises en Conseil des ministres ne sont pas palpables sur le terrain. Rappelons-nous les déclarations entre 1986 et 2021 de certains responsables qui oublient souvent leurs propres paroles, formatés à l’ancienne culture bureaucratique rentière, alors que nous sommes avec les nouvelles technologies dans une maison de verre.

Ainsi, il y a de cela environ quinze ans, deux ministre, l’un des Affaires religieuses et l’autre de la Solidarité, déclaraient officiellement qu’en Algérie il n’y a pas de pauvres mais des nécessiteux ; des ministres du Commerce épaulés par certaines associations gravitant au niveau des sphères du pouvoir, qu’il y a une maîtrise des prix et que c’est la faute des consommateurs qui gaspillent alors que la majorité des citoyens arrivent difficilement à joindre les deux bouts.

Comment ne pas rappeler cette image de la Télévision algérienne des années 2000 où, à une question sur le taux de chômage, un ministre du Travail affirmait que les enquêtes fixaient ce taux à moins de 8% et lorsqu’un journaliste lui répliqua par un «êtes-vous sûr de vos données ?» sceptique, le membre du gouvernement avait répondu par l’affirmative. Ce à quoi le journaliste rétorqué sous l’œil amusé de la présentatrice, non convaincue d’ailleurs, qu’il irait faire un tour dans les quartiers et qu’il dirait aux millions de sans-emploi qu’ils ne s’appelaient plus des chômeurs mais des travailleurs.

Et, après la grande pénurie qu’avait connue le pays après la crise de 1986, à la Télévision publique toujours, un ministre du Commerce avançait avec assurance que le marché était saturé, selon les données en sa possession. La présentatrice lui demanda alors s’il était arrivé de faire le marché en lui précisant que les citoyens ne se nourrissent pas de chiffres. Récemment, un ministre de l’Industrie déclarait que la voiture n’était pas une nécessité pour la majorité des Algériens, oubliant la léthargie du système de transport collectif et l’entretien de sa voiture – ou de ses voitures qui lui sont allouées à lui et sa famille – est supporté par le budget de l’Etat.

A. M.

Comment (9)

    lhadi
    18 septembre 2022 - 7 h 44 min

    Concrètement à quoi servent des ministres au quotidien quand ceux-ci n’ont aucun projet à porter pour remédier à l’abysse dans lequel hiberne l’Algérie adamantine, ni même aucune impulsion à l’action du fait que les grandes lignes conduisant la politique gouvernementale sont aux abonnés absents.

    Au jour d’aujourd’hui, le constat répond avec simplicité et sans détours : l’Algérie est malade des maux inhérents au sous développement parce que les hautes autorités du pays considèrent l’intelligence comme une menace et la compétence comme un danger ; l’Algérie est malade de la stagflation (croissance productive nulle accompagnée d’une forte inflation et d’un taux de chômage élevé) parce que le système d’un autre temps obère toute politique qui allie la conscience révolutionnaire à l’efficacité des sociétés dites avancées.

    Ces problèmes, doivent être examinés lucidement, sans avoir peur ni des mots ni des faits. Telle est en tout cas la détermination d’une gouvernance, qui aura choisi de considérer les citoyens comme des adultes et qui est convaincue que, seule la vérité permet d’obtenir une adhésion raisonnée aux objectifs nationaux, et de mobiliser les efforts de tous pour les atteindre.

    La conquête d’un avenir qui en vaille la peine, un avenir meilleur pour tous, justifie à elle seule tous les efforts, tous les changements pour construire effectivement une Algérie nouvelle: celle dont nous rêvons, qui au lieu de brider les imaginatifs leur offre des possibilités concrètes de s’exercer et de se déployer.

    Cette Algérie nouvelle, libérée du fonctionnement tentaculaire souvent défectueux de l’Etat, de l’archaïsme et du conservatisme qui sont autant d’obstacles au développement qui nous est nécessaire, aura le visage des forces vives de la nation qui veulent vivre leur temps, bâtir leur avenir tout en bâtissant l’avenir du pays.

    Au jour d’aujourd’hui, il importe aux gouvernants et aux gouvernés de s’engager à fond dans la voie du changement. Si nous ne le faisions pas, nous nous exposerions à un avenir qui ne serait guère souriant.

    Fraternellement lhadi
    ([email protected])

    Abou Stroff
    16 septembre 2022 - 7 h 33 min

    « Ministres déphasés » titre A. M..
    je pense qu’il n’y a aucun déphasage dans le comportement de nos ministres, à partir du moment où nous acceptons la réalisté telle qu’elle est et non telle que nous voudrions qu’elle soit.

    en effet, si nous observons qu’en algérie, le capitaliste n’a, en général, de capitaliste que le nom, l’ouvrier, en général, n’a d’ouvrier que le nom, que le démocrate n’a, en général de démocrate que le nom, que l’islamiste, n’a, en général d’islamiste que le nom, que l’universitaire n’a ,en général d’universitaire que le nom, que le député n’a, en général, de député que le nom, que le ministre n’a, en général, de ministre que le nom, etc. (etc., pour éviter de tomber sous l’accusation d’injure au premier magistrat du pays), il nous faut conclure que, dans l’état actuel des choses et des phénomènes, l’« Algérie » peut se premettre d’être en transition perpétuelle étant donné que les ounboubs pétroliers et gaziers permettent de dissimuler toutes les « malfaçons » sur lesquelles sont bâties toutes les « grandioses réalisations pilotées par la marabunta qui nous gouverne.
    Ceci étant dit, reconnaissons que le système basé sur la distribution de la rente et sur la prédation n’a besoin ni d’une « économie étatisée », ni d’une « économie de marché concurentielle ». ce système a, essentiellement, besoin d’une structure singulière qui favorise l’enrichissement des rentiers du système (ceux qui gravitent au plus près de la mangeoire) d’une part et d’acheter, d’autre part, la paix sociale en saupoudrant une partie de la rente sur la populace dont les membres sont réduits (et se réduisent eux mêmes) à des tubes digestifs ambulants attendant tout d’autrui, doublés de zombies décérébrés se préparant à mourir avant d’avoir vécu.

    Souk-Ahras
    15 septembre 2022 - 18 h 55 min

    L’imagination créatrice fertile de nos gouvernants, directement proportionnelle au cash flow généré par la vente d’hydrocarbures bruts, devient soudainement prolifique dès qu’il s’agit d’investir lourdement dans les importations de bouffe et de bazar. Pour le reste, on est priés de patienter, le changement prévu, Algérie nouvelle ou Nouvelle algérie, a perdu trois roues sur quatre, et la première station service se trouve loin au bout d’une piste rocailleuse et poussiéreuse.
    Changement dans la continuité ?
    Je dirais plutôt continuité dans le changement ! Tant il est vrai que dans un immeuble locatif, seuls les « locataires » sont appelés à changer. Pas l’immeuble !

    Belveder
    15 septembre 2022 - 16 h 54 min

    on a fermé les galeries et quelques Souk el fellah et on a dit a la population c est ca l economie de marché
    on a introduit internet et les resaux mobiles en disant a la population c est ca le numérique
    on crée des journeaux et des Tv artificielles en disant c est ca la libérté de la presse
    ON peut continuer a l ifini

      Anonyme
      17 septembre 2022 - 15 h 13 min

      Pas mal Belveder Lol je vous rejoins mais c’est aussi ça l Algérie !

    Anonyme
    15 septembre 2022 - 15 h 23 min

    C’est dur d’être ministre par les temps qui courent, voyez Rezig depuis le temps et le poulet n’arrête pas de courir . Bravo M le ministre résultats des courses des prix tjrs en course de vitesse.

      Belveder
      16 septembre 2022 - 9 h 49 min

      Qu est ce que le ministre a avoir avec les prix???

    Anonyme
    15 septembre 2022 - 14 h 26 min

    M. Mebtoul,

    Vous dites : « des ministres du Commerce épaulés par certaines associations gravitant au niveau des sphères du pouvoir …. »

    Il est temps de crier cette vérité, pas bonne a dire, mais les jeunes doivent savoir. Il ne s’agit pas seulement d’associations mais d’une mentalité néfaste qui a pris corps au lendemain de l’indépendance, je préciserais même une conséquence, due quelque peu a l’ère antérieure.

    Au plaisir de vous lire.

    anonyme
    15 septembre 2022 - 14 h 07 min

    Je suis fatigué de ces articles qui traitent de la macroéconomie, quand l’Algérien de la rue peine à survivre. M. Mebtoul, prenez un secteur de l’économie et analysez-le, chiffres vérifiés à l’appui, pour que nous voyions où notre gouvernement pêche … Ce sera plus productif qu’un simple constat de son échec !

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