Militarisation de l’information : médias français au service des puissants (I)

France TV information
L'armée de France Télévision. D. R.

Une contribution de Khider Mesloub – «Si la presse n’existait pas, il faudrait surtout ne pas l’inventer !» (Honoré de Balzac.) Selon plusieurs récentes études consacrées aux médias français, la majorité des Français déclare ne plus faire confiance aux professionnels de l’information, tous supports médiatiques confondus (TV, presse papier et en-ligne). Cette défiance, quoi qu’ancienne, s’exprime, de nos jours, de manière particulièrement virulente, voire violente, comme on l’avait relevé notamment lors du mouvement des Gilets jaunes, des mobilisations contre le pass sanitaire. Et depuis le début des manifestations contre la réforme de la retraite.

C’est l’occasion, pour nous, d’analyser le rôle des médias occidentaux, en général, français en particulier. Du point de vue du capital, en France comme dans les pays capitalistes développés, les médias «produisent» et commercialisent une marchandise singulière : l’information. Celle-ci doit rapporter revenus et profits aux multinationales des communications, mais également bénéfices idéologiques par la diffusion de la pensée dominante.

La corporation des médias œuvre dans cette superstructure et sa fonction consiste à réguler le fonctionnement de ce système d’endoctrinement idéologique. Il s’agit, pour ces scribes de l’information, de formater l’opinion publique citoyenne afin d’assurer sa soumission pour tenter de désamorcer les récriminations politiques et annihiler les velléités subversives populaires.

S’il faut faire la démonstration de la dévotion servile des grands médias français témoignée aux puissants et à l’Etat, le traitement informationnel du Mouvement des Gilets jaunes de France aura été la parfaite illustration (1).

De même, depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, bien que la France ne soit ni le pays agressé ni liée par un quelque traité de défense mutuel avec le régime ukrainien, les médias se sont transformés en véritables agents propagandistes du narratif militariste atlantiste. En France, on assiste à la militarisation de l’information. La «raison d’Etat» a repris ses droits sur l’information, désormais caporalisée, enrégimentée, mobilisée au service de la guerre interétatique (et sociale, que le gouvernement Macron livre à son peuple, précipité dans la paupérisation).

En toute logique, la déontologie et l’éthique oblige tout journaliste à s’abstenir de toute apologie ou rhétorique favorable aux guerres, de toute incitation au réarmement, de toute haine et discrimination, de toute stigmatisation et racisme. Or, à la faveur de la guerre en Ukraine, ces principes de neutralité sont honteusement piétinés par l’ensemble des journalistes français, enrôlés au service des forces atlantistes pour manipuler l’opinion publique pour propager un discours de haine antirusse et attiser le conflit militaire.

Certaines chaînes d’information en continu, en particulier LCI, sont devenues ouvertement le QG de l’OTAN, relayant la rhétorique belliciste antirusse sur des plateaux télé où officient désormais, en permanence, des généraux aux côtés de journaleux va-t-guerre hystériques. D’aucuns, sur LCI, versant dans la criminalisation des dirigeants russes, ont même évoqué la possibilité d’éliminer physiquement le président Poutine, sans avoir soulevé la moindre indignation de la corporation journalistique française, d’ordinaire prompte à dénoncer la moindre entorse à la déontologie, ni encouru la moindre poursuite judiciaire de la part des autorités pour incitation au meurtre.

«Le journalisme, écrivait Honoré de Balzac, est un enfer, un abîme d’iniquités, de mensonges, de trahison.» Dans le cas des journalistes français, ils n’ont rien trahi. Ils ont juste dévoilé leur véritable figure hideuse vérolée de mensonges, leur morale vénale purulente. Cette institution journalistique mafieuse clochardisée (elle ne doit sa survie qu’aux subventions allouées généreusement par son parrain : l’Etat impérialiste français) ne constitue pas un quatrième pouvoir, mais la cinquième colonne du capital, de l’impérialisme occidental.

De manière générale, cette posture obséquieuse des médias officiels français révèle l’asservissement total des appareils idéologiques au capital. Depuis l’école, en passant par le cinéma et la littérature, jusqu’aux médias audiovisuels, Internet et les médias sociaux numériques, tous ces instruments conceptuels de façonnement des esprits sont totalement monopolisés par le capital (ou l’Etat) pour lui servir d’instruments de propagande.

En France, la majorité des médias est la propriété d’un petit nombre de grands groupes financiers, comme dans la majorité des pays occidentaux. La corporation médiatique française, sectatrice dévote de l’idéologie de la liberté d’information, a tendance à expliquer le dévoiement et la soumission des plumitifs journalistiques par la concentration des entreprises médiatiques : «Dix milliardaires ont pris le contrôle d’une grande partie des médias français. Ces oligarques, venus du BTP, de l’armement, de l’industrie du luxe et de la téléphonie, ont accaparé les grands quotidiens nationaux, les chaînes de télévision et les radios pour assoir leur influence. Avec, à la clé, conflits d’intérêts, censures, pressions, licenciements, ingérence malsaine […] Cette concentration des moyens de production de l’information entre les mains de quelques-uns met en péril l’indépendance de la presse dans notre pays. Et porte ainsi atteinte au fonctionnement démocratique. Comment garantir la liberté de l’information et le pluralisme de la presse ?» s’indignait un scribouilleur effarouché officiant au sein d’un organe de propagande français, ayant pignon sur rue et du pognon plein les banques.

Or, comme on va le démontrer, ce n’est pas la monopolisation des médias par quelques groupes capitalistes qui expliquerait l’aplaventrisme légendaire des obséquieux journaleux des médias officiels français, jamais à court d’idées complaisantes pour se vendre au plus offrant, ni en défaut de flexibilité professionnelle courtisanesque pour se plier devant les puissants, ni en déficit d’ignominie pour se livrer régulièrement à des campagnes de dénigrement contre l’Algérie.

De fait, les médias français opèrent ouvertement comme des organes du pouvoir financier et de l’Etat. Pour preuve : au cours de la révolte des Gilets jaunes, les médias français avaient ignoré délibérément la violence structurelle sociale imposée par les difficultés économiques, la violence entrepreneuriale des patrons, la violence des forces de l’ordre nazifiées perpétrée lors des manifestations, la violence de «terrorisme social» infligée à l’ensemble des travailleurs par le gouvernement capitaliste totalitaire macronien. Pour ces médias officiels aux ordres, cette violence n’existe pas. Les plumitifs du capital sont conditionnés à ne voir que la violence circonstancielle et résiduelle matérialisée par la destruction de quelques vitrines de restaurants, de magasins ou de banques, les incendies de voitures, les tags sur les murs. Cette focalisation médiatique sur cette violence contingente, qui plus est réactionnelle et dérisoire, a pour dessein d’escamoter les violences structurelles et permanentes étatiques, politiques, économiques, sociales et carcérales. Et corrélativement d’inverser les responsabilités et les culpabilités.

Par une forme d’inversion accusatoire (processus de défense consistant à imputer la cause finale d’un délit non pas au coupable mais à sa victime), pour ces médias stipendiés, la présomption de culpabilité s’applique, systématiquement, sans autre forme de procès aux manifestants, contestataires, protestataires, grévistes. En revanche, aussi bien le gouvernement Macron, pourtant toujours le premier protagoniste à ouvrir les hostilités contre le peuple par ses interminables mesures antisociales ou lois liberticides, que les policiers, dépositaires de la violence légitime assénée fréquemment sans discernement et de manière disproportionnée, auteurs de «bavures» et d’«éborgnements» des manifestants, ils ne sont jamais responsables, jamais coupables.

Il faut relever que ce comportement des serviles officiants médiatiques français n’est pas télécommandé d’en haut, depuis le propriétaire milliardaire ou employeur gouvernemental jusqu’au banal chef de service journalistique. En effet, en France, il est l’œuvre de clercs totalement acquis à la défense de l’ordre existant dominant. Pour décrocher un emploi dans ces grandes entreprises de fabrication de la marchandise informationnelle maquignonnée et falsifiée, ne serait-ce que comme pigiste, il faut avoir le profil de l’emploi : posséder la foi démocratique capitaliste chevillée au corps (prosterné), croire aux mascarades électorales, partager les valeurs bourgeoises libérales, être pétri de la fibre nationaliste belliqueuse ; autrement dit, la foi inébranlable en la politique impérialiste de son Etat, et porté aux nues le sionisme matérialisé par l’inféodation servile à Israël. En résumé, avoir une personnalité servile et une âme vile, à l’instar du corps putride journalistique français qui regorge de milliers de cette engeance plumitive ou voix de leur maître polluant les rédactions ou les plateaux télé.

Aussi, assuré de recruter des agents formatés selon ces valeurs dominantes libérales bourgeoises, quel besoin le milliardaire (ou l’Etat français) propriétaire de médias aurait-il de manœuvrer ses valets journalistiques ? Ils lui sont instinctivement dévoués. Souvent, avec un zèle fanatique et une ardeur courtisanesque inégalée.

Qui plus est, il est de peu d’intérêt de constater que dix milliardaires contrôlent 80% des moyens d’information-propagande-aliénation en France (comme dans les autres pays occidentaux). Seraient-ils cinquante, le résultat serait le même. Et rien ne changerait en termes d’autocensure que s’imposent ces journalistes et directeurs de rédaction pour conserver leur emploi, servir obséquieusement leurs maîtres. Ce qui importe d’observer, c’est dans quel secteur économique ces milliardaires ont investi leur capital. Ce sont des marchands d’armes, des magnats de la construction, des marchands de produits de luxe et de la grande distribution.

Quoi qu’il en soit, avec la révolte des Gilets jaunes, comme au cours de la période de la pandémie de Covid-19 politiquement instrumentalisée par les médias français enrégimentés par les Big Pharma et, à plus forte raison, actuellement à la faveur de la réforme de la retraite massivement contestée par la population, où des rédacteurs en chef ne se cachent plus pour se rendre à l’Elysée recevoir des ordres informationnels de leur maquereau (Macron) afin de relayer le narratif gouvernemental, les dernières illusions sur la prétendue liberté de la presse ont volé en éclats. Et les journalistes, définitivement éclaboussés. Les Français ne croient plus ces menteurs professionnels stipendiés. Les médias eux-mêmes ont pris conscience de cette discréditation, disqualification, cette débâcle éthique et déontologique.

A cet égard, il est utile de souligner qu’en France la défiance envers les médias est ancienne. Le malaise ne date pas d’aujourd’hui. Dès sa fondation, la presse fut en proie aux critiques, aux anathèmes. En 1688, La Bruyère jugeait déjà que Le Mercure galant, l’un des premiers périodiques français fondé en 1672, était «immédiatement au-dessous de rien», en termes contemporains, un média de caniveau. A la fin du XIXe siècle, à l’époque de sa forte croissance, la presse française était fustigée pour son rôle d’abêtissement du peuple et d’encouragement des déviances (de nos jours, elle continue à jouer ce rôle de conditionnement mental par ses discours apologétiques sur la théorie du genre et autres modes narcissiques sociétales petites bourgeoises, érigées en modèles identificatoires pour les enfants). Au XXe, elle était fréquemment accusée de servir le pouvoir, d’être contrôlée par les puissants, de distiller une rhétorique idéologique élitiste. D’être, en résumé, le Chien de garde du capital.

A notre époque, cette crise de confiance s’explique, selon la majorité des Français, par le manque d’indépendance des journalistes vis-à-vis du pouvoir politique et économique. En dépit de la proclamation de foi des journalistes français affirmant exercer leur profession en toute liberté et, surtout, selon leurs risibles allégations, en toute indépendance, environ deux tiers de l’opinion publique jugent que les journalistes ne sont pas indépendants, ni du pouvoir politique ni du pouvoir économique.

«La confiance dans les médias à son plus bas historique en France», avait titré la chaîne de propagande BFMTV. Le journal Le Monde, l’organe officieux de l’Etat impérialiste et antisocial français, avait écrit au moment de la révolte des «Gilets jaunes» : «Selon les trois quarts des sondés, les journalistes sont jugés trop dépendants du pouvoir politique. Une critique entendue fréquemment au sein du mouvement, qui préfèrent les lives sur Facebook pour contrôler leurs propos et se méfient des porte-parole, comme de toute médiation.» Aujourd’hui encore, cette critique demeure invariablement dominante parmi la population française, toujours méfiante à l’égard de l’ensemble des médias.

Y compris l’audimat de la télévision est en chute libre. Média longtemps préféré des Français pour s’informer, la télévision recueille un niveau de confiance très bas. La presse écrite s’effondre. Pareillement, les réseaux sociaux subissent la même érosion en matière de confiance. En effet, on pouvait penser que les activistes feraient confiance à Internet, à Facebook, Google, aux médias du Net. Or, la même suspicion de collusion avec les puissances d’argent s’exprime à l’égard des organes dominants de la Toile.

K. M.

(Suivra)

1- Voir notre livre Autopsie du Mouvement des Gilets jaunes, éditions L’Harmattan, 2019.

Comment (7)

    Houria
    16 février 2023 - 9 h 52 min

    L’appétit de l’argent et l’indifférence aux choses de la grandeur avaient opéré en même temps pour donner à la France une presse qui, à de rares exceptions près, n’avait d’autres buts que de grandir la puissance de quelques-uns et d’autre effet que d’avilir la moralité de tous. Il n’a donc pas été difficile à cette presse de devenir ce qu’elle a été de 1940 à 1944, c’est-à-dire la honte du pays.

    Albert Camus in « Combat » du 31 août 1944

    Anonyme
    15 février 2023 - 20 h 43 min

    « ……Or, la même suspicion de collusion avec les puissances d’argent s’exprime à l’égard des organes dominants de la Toile…. »
    Personnellement je nuancerai quand la Cible de cette «  suspicion » . De plus en plus , les Élites Libres européennes et mème américaines , certes minoritaires , Srutent de plus en plus Ouvertement la véritable source de cette déviation du métier de Journaliste , à savoir le Nazisionisme dont les succursales à travers la Planète travaillent H24 , depuis les années 60 , à l asservissement mental des masses . Ils sont en train de découvrir le véritable Objectif de la Secte et réalisent que L argent n est qu un instrument de Corruption , le plus convainquant certes mais pas du tout une fin en soi pour les Psychopathes Congénitaux .

    Anonyme
    15 février 2023 - 19 h 08 min

    Pour paraphraser Honoré de Balzac, je dirais : « Si les réseaux sociaux n’existaitent pas, il faudrait surtout ne pas les inventer !»
    Les médias classiques n’ont plus l’importance qu’ils avaient zutrefois. Ils sont peu suivis par la jeunesse et ont tendance à disparaitre, remplacés par Facebook, Youtube , et autres Instagram !
    Prenons Youtube. À peine une vidéo est publiée sur l’Algérie pour qu’aussitôt une horde de lécheurs de babouches alaouites l’investissent pour dénigrer et insulter l’Algérie et les Algériens et diffuser des contre-vérités. Et même que depus un certain temps ils font preuve d’un discours très belliqueux comme s’ils se préparaient à la guerre.
    Et nous de notre côté, qu’est-ce qu’on fait ? Rien ! La division a eu raison de nous ! À méditer !

    Algerien Averti
    15 février 2023 - 17 h 28 min

    Merci pour cet article.
    ……………..
    Ahmed Bensaada expert des questions géopolitiques
    ——–
    https://twitter.com/PatriotsDZ/status/1625841512184520704

    Anonyme
    15 février 2023 - 17 h 15 min

    Il faut citer le celebre jurnaliste allemand Udo Ulfkotte, essayiste et romancier allemand,conseille du gouvernement du chancelier Helmuth Kohl, né le 20 janvier 1960 et mort suspecte le 13 janvier 2017. Entre 1986 et 1998, Ulfkotte a vécu en Iraq, en Iran, en Afghanistan, en Arabie saoudite, en Oman, aux Émirats arabes unis, en Égypte et en Jordani.Udo Ulfkotte est membre du German Marshall Fund et a fait partie de la Fondation Konrad Adenauer de 1999 à 2003. Il a gagné le prix civique de la Fondation Annette Barthelt en 2003..En 2014, il affirme sur Russia Today qu’il travaillait à la fois pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung et pour la CIA, faisant de la propagande pour les États-Unis et l’Union Européenne.Dans son livre  » La guerre de l’ombre, la vraie puissance des services secrets »(Der Krieg im Dunkeln: Die Wahremacht der Geheimdienst ), il donne les détails des opérations de deux unités du Mossad israélien : le Metsada, spécialisé dans le sabotage, incluant attaques terroristes et assassinats commis sous de « fausses bannières », et le LAP (Lohamah Psichlogit) qui œuvrerait dans la guerre psychologique. Il y soutient que l’empreinte du renseignement israélien serait retrouvée dans certains événements, parmi lesquels les émeutes de 2005 dans les banlieues françaises, y voyant un lien avec la candidature de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle française de 2007 et une possible manipulation de l’opinion publique durant la campagne présidentielle française de 2007.Dans son livre  » Journalistes achetes. ».(Gekaufte Journalisten: Wie Politiker, Geheimdienste und Hochfinanz Deutschlands Massenmedien lenken ),comment des hommes politiques ,des services secrets,et la haute financepaient des journalistes pour manipuler l opinion publique…Ulfkotte a enregistre plusieurs videos sur youtube et fourni plusieurs interviews ou il a tout deballe a l opinion publique europeenne….il a meme annonce qu il sera un jour elimine par des services secrets…et le 13 janvier 2017 il a ete retrouve mort dans son appartement…
    Suivez cette interview de Udo Ulfkotte..avec sous titre en francais:
    https://www.profession-gendarme.com/le-dr-udo-ulfkotte-journaliste-allemand-parle-de-la-presse-occidentale-achetee-et-infiltree-par-la-cia/
    voir aussi sur youtube….

    Anonyme
    15 février 2023 - 16 h 13 min

    BRAVO et merci .

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