Palestine : rien ne peut se décider sans la résistance

Palestine résistance
La résistance palestinienne est désormais entendue et écoutée. D. R.

Une contribution d’Ali Akika – La guerre est une chose sérieuse pour être confiée à un vrai politicard déguisé en faux «chef de guerre» ! Ce dernier n’est autre que Netanyahou qui a «privatisé» la guerre pour son propre compte. L’histoire retiendra, une fois encore, qu’on ne gagne pas une guerre en la faisant aux civils. L’orgie des massacres ordonnée par Netanyahou a signé sa propre mort politique et la défaite de l’Etat qu’il dirige. En m’appuyant sur les déclarations de deux Premiers ministres israéliens (1) et du général Brik, retraité, il est clair qu’Israël a déjà perdu la guerre actuelle après cinq mois de bombardements sauvages et de combats sans merci.

Le deuxième enseignement de cette guerre, c’est la fissure qui s’est créée entre les Etats-Unis et Israël, deux alliés indéfectibles qui n’échappent cependant pas aux contradictions propres à leur société et aux rapports de force dépendant de la fureur et des tempêtes de l’histoire. Ces deux alliés ont le même intérêt à se «débarrasser» de la résistance palestinienne (délire et fantasme qui ne coûtent rien). Ils divergent sur les moyens et la méthode, les Américains ont leur propre horizon stratégique, garder la mainmise sur la région et défendre les régimes féodaux du Golfe, ne plus dépenser leurs dollars, quelque peu engloutis en Ukraine, pour se consacrer sur leur obsession : la Chine. Quant à Israël, Netanyahou pense résister aux pressions américaines et veut faire croire que son combat est de nature existentielle pour survivre politiquement à une défaite certaine, quelles que soient les termes choisis pour qualifier l’arrêt des combats.

En vérité, ce qui se cache derrière le duel Biden-Netanyahou, c’est une nouvelle définition du rapport qui lie «le maître et l’esclave», selon la «rhétorique hégélienne», les Américains, fidèles à leur légendaire pragmatisme, se rendant compte qu’ils ne sont plus en mesure de cautionner l’arrogance et les délires d’Israël quand leurs intérêts sont menacés. En 1956, ils ont intimé l’ordre, au sens militaire du terme, à Israël, à la France et à l’Angleterre de dégager du territoire égyptien, sous la pression de l’URSS, menaçant d’avoir recours à l’arme nucléaire. Ensuite, ce fut le président Bush qui convoqua Israël à la réunion de Madrid en 1991 qui ouvrit la voie, en 1993, aux Accords d’Oslo. Le comportement actuel des Etats-Unis au conseil de sécurité de l’ONU illustre leur tactique : calmer l’enragé Netanyahou pour éviter la famine à Gaza (2) et lui faire renoncer à de nouveaux massacres de masse à Rafah car Joe Biden tient à sa réélection et à la protection de ses «amis» féodaux dont le Qatar, qui abrite la plus grande base militaire dans le Golfe.

En clair, l’Occident en général veut qu’Israël ne brouille pas ses relations avec le Sud «global». Les pays occidentaux ne veulent plus, à regret, fermer les yeux sur les méfaits de la politique d’Israël, leurs intérêts avant tout, pensent-ils tous bas sans le dire publiquement. Car, aux yeux du monde, ce que fait Israël sur la terre de Palestine en usant et en abusant de la force, en se présentant comme le petit David de jadis contre le monstre arabe, ne fonctionne plus à Gaza aujourd’hui. La propagande reliée par les serviles médias a permis à Israël d’enterrer (par leur fantasme) la cause palestinienne. Dorénavant, on dira : «Votre fantasme ça eut fonctionné, trouvez un autre mensonge, une autre débilité.» Car le tonnerre de la résistance qui gronde en Palestine depuis le 7 octobre a fait bouger les lignes politiques sur la scène internationale.

Des complices et autres opportunistes se prononcent enfin, mais du bout des lèvres, pour l’application du droit international en Palestine. Il était temps car le peuple palestinien vit à l’heure actuelle un processus génocidaire que la Cour internationale de justice est en train d’examiner. Répétons-le, le renversement de veste de certains Etats est dû au 7 octobre qui a réveillé tout ce beau monde. Ils ont attendu soixante-quinze ans pour s’apercevoir que trop c’est trop, pour enfin se décider à mettre sur la table le plan d’un Etat sur la terre de Palestine. Ai-je besoin de signaler que les Etats agissent quand ils voient profiler à l’horizon quelque danger pour l’économie ou bien pour aller au secours de fournisseurs de matières premières ?

Dans la situation actuelle, les dangers sont multiples et gravissimes. Possible extension de la guerre dans la région avec désorganisation des échanges commerciaux, mobilisation subversive des peuples qui redoutent l’apparition d’un docteur Folamour (2) faisant joujou avec le nucléaire. Outre les effets sur l’économie, une féroce compétition entre grandes puissances se déroule déjà pour redessiner la carte de la région, un jeu classique après la chute des empires. L’empire ottoman en 1920 a été démembré et Yalta en 1945, partage de l’Europe, après que le rêve du IIIe Reich d’Hitler de 1000 ans s’est volatilisé. On est en droit d’espérer que les bouleversements qui sont en train de s’opérer au Moyen-Orient vont bousculer les pays féodaux signataires des Accords d’Abraham. Dans pareille situation, la présence des bases militaires américaines ne pourra pas résister aux pressions de l’Iran, de la Syrie, du Yémen, de l’Irak et des peuples de la région. Quant à Israël, qui clame fièrement son appartenance à l’Occident et après ses «exploits» en Palestine, il tirera un trait sur son rêve d’opportuniste de se «orientaliser» par le biais des Accords mort-nés d’Abraham.

Voilà à grands traits les enjeux qui poussent les Occidentaux à faire les gros yeux à Israël pour arrêter sa machine de guerre, de peur d’être éclaboussés par la politique menée par des messianiques aigris et des politiciens qui ont cru pouvoir culpabiliser le monde et défier l’Histoire en la réécrivant à leur profit.

Voyons l’hypothèse de deux Etats que l’Occident veut faire admettre à Israël. J’écris veut faire admettre car rien n’est acquis d’autant que Netanyahou a fait voter une loi au Parlement interdisant à tout gouvernement israélien de négocier sur la base de deux Etats. Tiens, c’est bizarre, Zelensky a fait voter une loi similaire interdisant de négocier avec le président Poutine (3).

Au sujet de l’application du projet de deux Etats, il n’est pas inutile de rappeler et de qualifier l’attitude, pour le moins ridicule, de Netanyahou qui s’enorgueillit d’avoir neutralisé les Américains et à plus forte raison le peuple palestinien. A mon humble avis, la résistance palestinienne va laisser s’agiter tout seul Israël dans son refus catégorique d’un Etat palestinien. On assistera alors, après la laideur des massacres de l’armée israélienne et l’effondrement de son mythe d’invincibilité, le monde connaîtra la nature du projet sioniste. Hier, ce projet se nourrissait du retour à Sion sur la terre biblique. Aujourd’hui, il a un appétit féroce, en voulant s’agrandir pour pouvoir accueillir des migrants après avoir forcé à la déportation les Palestiniens. Et, enfin, s’approprier les gisements en mer de gaz au Liban, tentative échouée grâce au Hezbollah, et rêve aussi du gaz de la côte de Gaza, ce qui lui permettrait de devenir une puissance exportatrice vers une Europe fermée au gaz russe. C’est pourquoi, hier comme demain, les Palestiniens continueront leur lutte pendant l’agitation d’Israël jusqu’à ce que le monde s’aperçoive qu’un conflit de nature coloniale doit se résoudre comme un problème du droit international, qui condamne toute occupation et affirme au peuple le droit de résistance inscrit noir sur blanc dans la Charte de l’ONU.

En guise de conclusion, le chemin est encore loin, et sera long, qui plus est parsemé de pièges, composés de sordides intérêts des Etats et de la lâcheté des serviles qui lorgnent toujours vers le maître de l’époque. L’idéologie dominante en Occident dit «monde libre» croit sincèrement mais naïvement que sa parole est «vérité». Installé confortablement sur son piédestal de richesse matérielle et de «sagesse» philosophique qui enfante leur vérité, ce monde dit libre n’a encore pas totalement conscience qu’il n’a plus le monopole, ni de la richesse, encore moins de la vérité. Cette cécité explique que d’aucuns soient à la recherche de tout prétexte et autres justifications frisant le racisme pour défendre non seulement l’État d’Israël mais les colons qui tuent et volent les terres des paysans palestiniens. Leurs «pauvres» colons, disent-ils, sont revenus sur les terres de leurs ancêtres et ne se voient plus vivre ailleurs. Dans leurs veules plaidoiries pour les colons, pas un mot pour les Palestiniens réfugiés aux quatre coins du monde et qui auraient le seul droit de végéter dans des camps de réfugiés.

Ce monde-là – le leur – me fait penser à la phrase de Jean-Paul Sartre  «l’enfer, c’est les autres». Pour les bonnes âmes, les autres, ce sont les Palestiniens et non les colons. Ces mêmes colons, le monde les a vus à la frontière avec Gaza, empêchant l’entrée des vivres à un peuple vivant sous les bombes et qu’on veut affamer. Affamer des réfugiés pour les pousser par la déportation afin que nos colons ne soient plus troublés dans leur sommeil avec la caution de certains rabbins qui les déculpabilisent. Effacer les réfugiés de la liste du lourd contentieux né d’une décision de la Grande-Bretagne en 1917. Généreuse, la Perfide Albion fit la promesse d’opérer un recel d’un territoire appelé Palestine au profit de juifs voulant vivre dans un foyer juif de leurs ancêtres. Mais de nos jours, ce n’est pas la Bible qu’on oppose au droit des Palestiniens. C’est le droit de la force que l’Oncle Sam assure à un Etat le droit d’emmurer tout un peuple, et de vouloir lui imposer des gestionnaires pour gérer des réserves qui rappellent l’époque du Far-West et les cowboys chassant les Amérindiens de leurs riches terres.

Non messieurs, depuis plus de cinq mois, le peuple palestinien a montré sa bravoure et, en dépit de sa résistance, vous persistez dans l’errance de vos délires. La paix reviendra quand le futur de la Palestine sera toujours défini et construit par les Palestiniens eux-mêmes. Netanyahou et ses affidés le savent et rêvent d’une «victoire totale». Je me permets, pour contrer leur rêve hors de leur portée, de paraphraser grosso modo de mémoire une phrase de Sun Tzu : «Une victoire militaire sur des cimetières engendre des catastrophes politiques.»

Selon des échos du champ de bataille et des analyses de stratèges cités plus haut, Netanyahou n’a ni succès militaire ni victoire politique à présenter à sa société, déboussolé par le 7 octobre. Les Palestiniens se sont alliés avec la patience, ils ont le temps avec eux. Ils ont franchi les murs truffés d’électroniques dans leur opération du 7 octobre, ils finiront par abattre les murs qui ceinturent leurs villes et villages.

A. A.

1) Ehud Barack, ex-Premier ministre de 1999 à 2001 et Ehud Olmert 2006-2008.

2) La famine comme arme de guerre appartient au moyen-âge. Les Américains, les champions de la démocratie, ne veulent pas ternir leur image d’être complices d’un tel acte qui révulse le monde entier.

3) Grand film de Stanley Kubrick relatant l’histoire d’un officier américain qui se jette avec sa bombe atomique sur le territoire de l’URSS.

4) La même attitude adaptée par Zelensky et Netanyahou relève d’une philosophie politique consistant à faire leur chemin comme s’ils bénéficiaient d’une protection «divine».

Comment (3)

    Ansem
    26 mars 2024 - 23 h 30 min

    La plume d’Ali AKIKA ne rate rien.
    Eternellement optimiste et zen, elle nous éclaire et nous conforte dans nos convictions.
    Merci Maître.

    laptop
    26 mars 2024 - 14 h 26 min

    Sans la persévérance de la résistance palestinienne, l’innovation, leur capacité d’assimilation de pratiques nouvelles d’un art de la guerre m’a beaucoup surpris,
    à vrai dire.
    La persévérance de tout le peuple de Palestine à combattre depuis des décennies
    contre l’injustice soutenue par une partie des plus puissants de ce monde.
    Quand la vérité tombe comme les masques aux yeux de tous, c’est le prélude
    à rendre le droit international et la justice à leur Place, la même pour tous.

    Barakallah falestini

    Ssipo
    25 mars 2024 - 14 h 13 min

    « Palestine : rien ne peut se décider sans la résistance »
    « La résistance palestinienne est désormais entendue et écoutée. D. R.
    Encore heureux, avec autant de micros de toutes les couleurs…
    Mais pas que, elle n’est pas seulement entendue et écoutée, elle est surtout vue et de son meilleur profil.
    On est loin des images des enfants, des vieux, des vielles et des femmes hagards et affamée, qu’on nous montrait jusque-là… Là on voit la résistance, on voit l’espoir en chair et en os; surtout en chair.
    Pour ceux qui, comme moi, que quand ils pensent soldats usés par des mois au front, voient des zombies en haillons, il suffit de voir les images de toutes les guerres anciennes et récentes, exp. les soldats ukrainiens même russes en ce moment même, on est juste bouche bée et admiratif devant la résistance…
    Si seulement les morts pouvaient aussi la voir, comme nous voyons , à quel point elle est audible et surtout à quel point elle est belle leur résistance, toujours bien sapée et clinquants, des tenues techniques diverses et variées, même après des mois passés sous le déluge. Rien à dire, « la résistance » a de quoi rendre fière la Oumma de Tandja à Jakarta et surtout rendre jalouses bien des armées régulieres et des meilleures.

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