Poutine à Hollande : «Rendez-nous l’argent des navires que nous vous avions commandés»

Sur l’affaire des porte-hélicoptères Mistral que la France a refusé de livrer à la Russie, alors qu’ils sont déjà payés, ce qui intéresse le président russe Vladimir Poutine, c’est le remboursement. «Il faut simplement que notre argent et les échéances de retard nous soient rendus». Il l’a dit au cours de la traditionnelle «ligne directe de Vladimir Poutine avec les Russes», une opportunité offerte aux citoyens de ce pays de poser des questions à leur président par téléphone ou via Internet. Poutine est confiant : «Le gouvernement français est honnête», il rendra l’argent, «s’il le faut, sans problème et sans pénalités exorbitantes», précise-t-il avec mansuétude à l’égard de la France, tout en ajoutant une pointe de fermeté : «Nous voulons que tous nos coûts soient couverts». Les sommes déjà versées par la Russie se montent à quelque 800 millions d’euros, selon les sources au fait du dossier. Les frais de pénalité représentent dans l’ensemble 20% du contrat, donc autour de 250 millions d’euros selon les mêmes sources. Au total, c’est plus d’un milliard d'euros que la France devra verser à la Russie, si elle ne livre pas les deux navires. Dans cette transaction qu’elle a unilatéralement dénoncée, la France ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Il s’agit de contrats que la Russie a conclus «principalement pour soutenir nos partenaires et donner du travail à leur chantier naval», a souligné Poutine. Autrement dit, une bonne affaire pour la France. De nombreux hommes politiques français ont rejoint le point de vue du président russe et ont jugé «absurde» la décision prise par Hollande. Qui, de sérieux, s’interrogent-ils, va maintenant commander un seul bateau à la France ? Comme l’a fait remarquer Poutine, Hollande a tourné le dos aux intérêts de son pays. Non seulement il n’a montré aucun sens des affaires dans la transaction sur les Mistral, mais aucun sens surtout de la souveraineté nationale, chère au général de Gaulle qui, on s’en souvient, n’avait pas hésité à envoyer balader l’Otan quand l’intérêt de la France lui avait dicté de le faire. Hollande, au contraire, se soumet à une décision prise en dehors de la volonté française et dictée par les Etats-Unis qui, dans le même temps, ne se privent pas de l’espionner. Poutine estime que la fiabilité de la France, en tant que partenaire commercial, se trouve affaiblie par cette affaire ; elle devient même douteuse. Un eurodéputé français a estimé que «le président François Hollande a pris une décision catastrophique de ne pas livrer les Mistral à la Russie», soulignant le manquement à la parole donnée vis-à-vis d’un client. Quant aux relations commerciales et la collaboration de la Russie avec l’Otan, elles s’en ressentiront, mais «ce n'est pas grave, on survivra», a lancé Poutine, ironique, en réponse à Dmitry Abzalov, président du Centre russe pour les communications stratégiques, qui se montrait tourmenté par cette affaire. Poutine a tenu à le rassurer en minimisant l’impact de la décision de François Hollande : «Pour parler franchement, c'est sans conséquence pour nous ou pour notre capacité de défense», a-t-il affirmé. On sait que, aligné par suivisme derrière la position des Etats-Unis et de l’Otan sur la crise en Ukraine, François Hollande a décidé que la France n’honorerait pas la commande des porte-hélicoptères Mistral passée par la Russie. En fait, c’est par totale subordination aux Etats-Unis que Hollande a agi de la sorte. «Un chef d’Etat digne de ce nom livrerait les navires Mistral à la Russie : d’abord pour honorer sa parole, puis pour garantir nos intérêts stratégiques et soutenir notre industrie aéronavale», estime un dirigeant politique français. Un avis partagé par l’ancien ministre des Affaires étrangères Roland Dumas, qui a appelé Paris à s’affranchir de la tutelle américaine et à changer sa politique vis-à-vis de la Russie.
Houari Achouri

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