Vive réaction du général Khaled Nezzar : «La condamnation du général Hassan est criminelle»

Je ne connais pas personnellement le général Hassan, chargé de la cellule de renseignement et de l’antiterrorisme au niveau du DRS. J’ai été le premier, à la télévision, à parler de certaines excroissances de nos services. Mais à l’énoncé du verdict prononcé par le tribunal militaire d’Oran, je suis surpris par la sévérité de ce jugement qui efface d’un trait toute une carrière d’un homme qui a voué sa vie pour le service de la nation. C’est une condamnation criminelle et infamante qui jette l’opprobre sur le général Abdelkader Aït Ouarabi (dit Hassan) et sa famille.
Tout au long de la phase d’instruction, d’incarcération et de jugement, je me suis volontairement abstenu de la moindre démarche et de toute déclaration publique afin de ne pas perturber le libre déroulement du procès.
L’énoncé de ce verdict d’une telle sévérité n’a pas manqué de m’interpeller en ma qualité de militaire et, d’autre part, en tant qu’ancien ministre de la Défense nationale. C’est cette qualité et celle aussi d’ancien chef d’état-major de l’ANP qui me désignent beaucoup plus qu’une autre, pour me prononcer sur les fâcheuses conséquences que pourrait avoir la décision du tribunal militaire d’Oran. Les délits, qualifiés d’«infraction aux consignes générales de l’armée», n’auraient jamais dû relever du domaine pénal ; ils devaient se limiter à l'aspect disciplinaire. L’infraction aux consignes générales de l’armée, portée dans le code de justice militaire, a été âprement discutée et contestée au sein de la commission ad hoc qui a eu à l’élaborer, en raison de son imprécision. Certains n’ont pas hésité à considérer cet article comme un chef d’accusation «fourre-tout», susceptible d’être opposé à quiconque.
Il est curieux d’exiger d’un chef des services de renseignement de respecter des consignes générales, alors que ses missions imposent que l’on s’affranchisse parfois de la contrainte imposée par les règles et la transparence. D’où le huis clos demandé par le tribunal.
La mission est la signification même de l’accomplissement des tâches au sein des forces armées, notamment lorsqu’il s’agit de missions spéciales et, de surcroît, lorsqu’elles sont secrètes. Il n’y a pas, de par le monde, un pays qui ne dispose pas de services secrets, car le bon fonctionnement des Etats et de l’exercice de la souveraineté l’exigent.
En matière de renseignement et d’opérations secrètes, la règle pour les responsables qui y activent est de ne jamais dévoiler leurs sources ni les membres des réseaux qui les assistent. La destruction de documents qui se rapportent à ces aspects peut se comprendre. L’impératif de cloisonnement pour la sécurité et l’anonymat des collaborateurs le commande.
J’ai personnellement eu à traiter de la coordination entre les services dans un article paru dans Algeriepatriotique.Je disais, alors, que seuls une meilleure définition des attributions et l’établissement de relations fonctionnelles claires sont en mesure d’y remédier. En clair, il s’agit de préciser tout simplement qui dépend de qui, qui fait quoi et comment. Pareil jugement énoncé au tribunal militaire d’Oran peut faire jurisprudence et, dans ce cas-là, les conséquences seraient fâcheuses, surtout eu égard à la confiance que doivent nourrir les soldats, sous-officiers et officiers vis-à-vis de leur hiérarchie. C’est pourquoi je considère, en mon âme et conscience, que le verdict doit donner lieu à un recours devant la Cour suprême.
Tout artisan qui a participé à l’édification de notre Armée nationale populaire est soucieux de la pertinence des règles de son fonctionnement et du déroulement des carrières. J’ai eu l’honneur de commander cette institution à un moment particulier de son histoire. Je ne peux, donc, oublier le sacrifice de milliers de militaires parmi lesquels plus d’un tiers sont des officiers. Comment ne pas réagir, alors que l’on voue aux gémonies un corps qui a consacré sa vie à la sauvegarde des institutions de la République et, plus particulièrement, celle de l’institution présidentielle et à sa tête le président de la République, pendant plus de 50 ans ? Dieu m’est témoin ! Si l’ANP dans son ensemble a pu préserver la stabilité des institutions, les services de sécurité y ont participé intensément.
Le départ d’un officier, quel qu’il soit, à la retraite, est tout à fait normal et chaque officier doit savoir à quel moment il aspire à cette récompense qu’est la retraite. C’est ainsi que va la vie. Dans l’armée, et c’est une habitude, cela obéit à un tableau d’avancement et de dégagement des cadres. Mais dégager un officier parce qu’il ne «convient» pas ou parce que ses conseils francs et directs dérangent est inadéquat. Surtout lorsqu’il s’agit d’un haut cadre, qui plus est, a été aux commandes d’une institution très sensible. Le faire au mauvais moment et de la manière la plus dédaigneuse ne sied pas au respect dû à la fonction.
Il est curieux que ce procès intervienne à ce moment précis où des turbulences sont constatées au plus haut sommet de l’Etat – la maladie du Président, la course effrénée pour le pouvoir, la lutte des clans et j’en passe. Les déclarations et les postures des uns et des autres sont la preuve irréfragable que quelque chose va mal dans la «maison Algérie» et qu’il est nécessaire que le plus haut magistrat du pays y mette un terme pour le bien de tous et la stabilité de la nation.
Je me pose la question, en cette période d’incertitudes, de savoir si le général Hassan n’a pas servi d’alibi aux «commandeurs» de cette mascarade. Traitée dans un climat serein, ce que l’on peut qualifier aujourd’hui «d’affaire Hassan» n’aurait jamais eu un tel retentissement. Le général Hassan méritait, tout au plus, une sanction militaire de quelques jours de forteresse. Le général de corps d’armée Mohamed Mediene, alors qu’il était encore en service, avait, à travers une correspondance adressée au président de la République, expliqué les tenants et les aboutissants de cette affaire. Il avait souligné qu’en tant que chef hiérarchique direct du général Hassan, il était responsable de tout ce qui pouvait être reproché à ce dernier et qu’en conséquence, il en assumait l’entière responsabilité. Il n’y a pas eu de réponse ce jour…
Le général à la retraite Khaled Nezzar

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