Comment les pays francophones pétroliers résistent
Dans une tribune publiée dans le quotidien économique français Les Echos, Ilyes Zouari, économiste et secrétaire général adjoint de la revue Population & Avenir, relève, avec des chiffres à l’appui, la résistance des pays francophones pétroliers à l’effondrement des cours du baril. La diversification et une meilleure gouvernance expliquent, selon lui, en bonne partie cette singularité francophone. S’appuyant sur le dernier rapport trimestriel du FMI, publié en octobre dernier, il constate que les pays francophones gros producteurs de matières premières seront pratiquement les seuls de leur catégorie, sur le continent africain, à connaître une croissance significative en 2016. Citant quelques exemples, dont celui de l’Algérie, avec un taux de croissance de 3,6 (meilleure performance du Maghreb), l’auteur arrive à cette conclusion selon laquelle les pays subsahariens francophones est bien meilleure que celle des pays anglophones.
L’analyse attribue cette progression notamment à d’«ambitieux programmes» dans un certain nombre de pays, lesquels ont permis, pour des pays comme le Gabon et le Cameroun, d’afficher un taux de croissance hors hydrocarbures compris entre 4% et 5% en 2015, ou encore l’Algérie, «première économie francophone du contient», qui a affiché une croissance hors hydrocarbures de 5,5% en 2015, principalement tirée par l’agriculture et les industries légères, «secteurs longtemps sacrifiés», remarque l’auteur qui note également des avancées en matière de transparence.
Dans la même optique, Ilyes Zouari met en exergue le peu d’engouement des pays africains pour l’aide des institutions financières internationales, comme le FMI, grâce à la «solidité» de leurs économies, qui est, selon l’analyste, renforcée par un endettement «globalement maîtrisé», à l’inverse de certains pays anglophones tels que l’Angola ou le Mozambique.
Quelles leçons faut-il tirer de cet essor économique des pays francophones d’Afrique ? L’économiste suggère à la France de s’intéresser davantage à ce «relais de croissance» qu’est l’Afrique francophone (370 millions d’habitants sur un territoire vaste comme 3,1 fois l’UE). «Cet ensemble, écrit-il, n’a représenté que 3,7% de son commerce extérieur en 2014 dont 1,1% pour la partie subsaharienne. Ceci est d’autant plus justifié que le lien linguistique constitue un avantage comparatif qui permet à lui seul d’accroître considérablement les échanges (jusqu’à + 65%, selon le rapport Attali sur la francophonie).
Pour l’auteur, la France «se doit aussi de s’opposer à tout ce qui pourrait entraver la pérennisation de la croissance africaine, comme l’instauration fort prématurée de zones de libre-échange entre l’UE et l’Afrique francophone (Cedeao et Cemac)». Il cite l’Accord économique et commercial global entre l’UE et le Canada comme un exemple de ces sources d’inquiétude qui peuvent nuire à l’industrialisation des pays africains, qui sont bien moins développés.
Dans le même sillage, l’auteur reproche à l’Union européenne les faibles aides qui sont promises, par exemple, à la Cedeao (6 milliards d’euros sur 20 ans), lesquelles ne représentent qu’un euro par habitant et par an, au moment où des dizaines de milliards d’euros sont annuellement injectés dans les pays d’Europe de l’Est et en Grèce, «moins peuplés, plus développés et qui se tournent d’abord vers l’Allemagne et l’Autriche», conclut-il.
R. Mahmoudi
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