Le niveau zéro
Par R. Mahmoud – Aujourd’hui, c’est les élections ! Sous d’autres cieux, un tel rendez-vous aurait mobilisé toute la nation et suscité des débats sans fin sur l’état général du pays et des perspectives d’avenir. Chez nous, l’indifférence des citoyens est telle que la fonction politique s’en trouve elle-même galvaudée. Car, au-delà de la morosité somme toute habituelle, voire entretenue, de la campagne électorale, c’est tout le débat public qui ne cesse de régresser pour atteindre cette année son niveau le plus bas.
Il n’y a qu’à voir la qualité des discours de nos responsables politiques (et même sportifs !) à tous les niveaux pour s’en convaincre. Au lieu d’exploiter la liberté de parole dont ils jouissent à bon escient, certains de nos politiques se plaisent dans leur rôle de saltimbanques qui fait d’ailleurs des émules dans la classe politique, même parmi les gens du pouvoir. Un ministre qui veut aujourd’hui s’initier en politique – car, chez nous un ministre peut ne pas être politique ! – doit apprendre à faire dans le «franc-parler», qu’il va vite confondre avec faire le pitre : meilleure façon d’apparaître cool et de gagner la sympathie des citoyens. Il semble que ça marche bien, d’autant plus que ça ne nécessite pas de passer par une formation politique, ni d’avoir tout un attirail idéologique.
La politique façon FLN de Messadia ou de M. S. Yahiaou ne fait plus recette, désormais même chez les barons de l’ex-parti unique. Mais la question qu’on pose toujours : pourquoi le «franc-parler» au FLN s’accommode-t-il si facilement, ou en tous les cas plus facilement que chez les autres partis, de la violence et de la casse ? On a vu avec Amar Saïdani comment, après avoir attiré l’opinion par son franc-parler et ses singeries, cet hurluberlu de la politique s’attela avec une violence inouïe à attaquer l’institution militaire.
Son successeur, Djamel Ould-Abbès, tente de donner une image moins belliqueuse et moins tragique de son parti, en dosant le côté comique et débridé. Le résultat est le même : ses dernières sorties médiatiques, cumulant délires et fantaisies, participent de cette tendance à la banalisation de la parole et de la chose politique en général.
R. M.
Comment (8)