L’Europe à l’arrêt
Par Mrizek Sahraoui – Rien ne va plus sur le vieux continent. Socialement, économiquement, politiquement et sur la scène internationale, l’Europe est à la traîne et peine à faire entendre sa voix. C’est la dernière région du monde à profiter de la reprise économique, contrairement aux Etats-Unis et surtout aux pays émergents, le Brésil, l’Inde, et la Chine. Cette dernière, grand investisseur en Afrique notamment, affiche une croissance – 6,8% au dernier trimestre 2017 – à faire pâlir la France par exemple qui sue à aller au-delà d’un petit 2%. Alors qu’aux Etats-Unis le chômage est réduit à 4,1%, en Europe, le nombre d’inscrits au chômage ne cesse de croître, atteignant 7,3%, presque le double pour la même période, lorsque le chiffre atteint 8,6% en France.
A l’international, l’Europe n’a pas de quoi pavoiser. Sa voix diplomatique, si elle n’est pas rare, elle est inaudible et souvent discordante entre les pays membres en fonction des intérêts propres à chaque pays de l’Union.
L’exemple de la crise syrienne est révélateur des désaccords profonds qui minent la diplomatie européenne. Faut-il rappeler que seule la France a participé aux côtés des Américains et des Britanniques aux frappes contre la Syrie. La quasi-totalité des membres de l’Union européenne ont observé un silence qui n’est pas forcément un signe de consentement. Dans les pays où les partis populistes et d’extrême droite sont très implantés, l’action en solitaire de la France, sans concertation préalable des 27 pays membres, a été largement critiquée, accusant Emmanuel Macron de violer le droit international, et remettant en cause la légitimité des frappes sans mandat des Nations unies.
Sur le plan politique, la construction européenne est complètement à l’arrêt. Pis, l’Europe se déconstruit au fil des élections. Qui peut en effet raisonnablement affirmer que l’Union européenne continue de se construire comme l’auraient souhaité ses pères fondateurs. La situation politique en Europe, marquée par la montée de l’extrême droite et du populisme, est aux antipodes de la volonté de pacification et de réconciliation entre les différentes nations européennes, voulues, au sortir de la guerre, par Robert Schuman, Jean Monnet, Konrad Adenauer et Alcide de Gasperi.
Ce n’est pas une simple tendance ni un phénomène temporaire, mais une montée forte, durable, même irréversible de l’extrême droite et du populisme, à travers l’Europe, d’ouest en est, du nord au sud, gagnant, élection après élection, des pans entiers des populations.
D’où une représentativité qui, tôt ou tard, si ce n’est bientôt, aura pour conséquence de voir naître, comme s’accordent à le souligner nombre d’observateurs, un grand parti transnational européen, dont le programme commun à tous les pays portera sur le rejet de l’islam, la suppression de l’immigration – et/ou des migrants – par le recours à la remigration. La condition qui permet, selon les nationalistes-souvrainistes, de faire échouer « le Grand remplacement.» Les résultats d’une enquête de la Fondation Jean Jaurès sont sans appel. Celle-ci a indiqué que «72% des Français sont « tout à fait d’accord » avec l’idée que « l’immigration est un processus inquiétant, qui cause des problèmes de coexistence entre des cultures très différentes et menace à terme (leur) mode de vie.»
Ces deux thématiques, à elles seules, ont permis également, en 2017, à Marine Le Pen de capitaliser onze millions d’électeurs ; aux partis allemands d’extrême droite de jouer un rôle prépondérant dans la formation du gouvernement, mettant ainsi en difficulté la chancelière Angela Merkel ; au mouvement populiste Cinq Etoiles et à la Ligue du Nord, pour l’heure en négociations pour former le gouvernement italien, de littéralement pulvériser les partis démocrates et républicains italiens, et, plus récent encore, à Viktor Orbán de sortir vainqueur sans conteste des élections législatives du 8 avril en Hongrie, le grand mouton noir de l’Union européenne qui remet en cause 70 ans de construction européenne.
M. S.
Comment (8)