L’armée algérienne et l’initiative en péril

anp armée
L’inaction de l’ANP risque probablement de mener le pays vers un avenir incertain. New Press

Par Nazim Maiza – Désormais, rien ne peut justifier la prostration de l’armée algérienne face à la situation que traverse le pays. La légitimité populaire s’est nettement cristallisée. En effet, de nouveau, la rue s’est exprimée pacifiquement et de façon massive, le hirak s’appesantit sur les décideurs une fois de plus.

Le raccommodage par des initiatives surannées et les solutions incomplètement «constitutionnelles» ne suffisent plus à éteindre le feu de cette grogne persistante, un mécontentement qui gagne de plus en plus du terrain pour ne laisser, désormais, aucun espace pour une quelconque deuxième voix. En vérité, le peuple à l’unisson veut voir tout le monde dans la sphère dirigeante partir illico presto.

Comme je l’écrivais il y a quelques jours, l’armée algérienne ne peut, aujourd’hui, persister à vouloir rester dans la légalité constitutionnelle, une Constitution qui est, d’ailleurs, caduque depuis l’annulation des élections par Bouteflika.

L’hésitation de l’armée à prendre son destin en main fait sombrer le pays entier dans un blocus politique et économique. L’impossibilité de solutionner les problèmes inhérents à la situation actuelle s’installe crescendo dans le pays, alors qu’une décision, certes radicale, de mise au placard de tous ceux qui sont honnis par la foule en mouvement aurait aisément «fait l’affaire». Le peuple veut voir les responsables «narquois» payer pour leur désinvolture, ils veulent plus que tout vivre dans la modernité et refusent l’opulence exclusive à une caste composée essentiellement d’arrivistes.

Dans la soudaine prise de conscience populaire, la notion de revenir sur ses pas est complètement exclue, le peuple dans sa globalité le sait pertinemment, il sait qu’il ne peut plus faire machine arrière après des mois de marche. Les Algériens savent clairement ce qu’ils ne veulent plus ; en revanche, ils demeurent irrésolus sur ce qu’ils veulent.

La cohérence de ce raisonnement est fondée sur le fait que rétrograder la protestation populaire sous le poids du désespoir reviendrait à se retrouver dans le même système politique d’avant le 22 février, mais dans une orthodoxie bien plus «précautionneuse» quant à la colère populaire, en vérité, le système renaîtra encore plus puissant qu’il ne l’était.

Les déclarations martiales en faveur du hirak et les mutations opérées ici et là n’ont pas convaincu le peuple pour la simple raison qu’elles sont infinitésimales dans le contexte politique actuel.

Le départ de Tayeb Belaïz n’est plus suffisant. Gaïd-Salah aurait dû faire un choix plus perspicace des personnes. Peut-être que cela aurait marqué un retour partiel au calme dans une perspective de démission de Ben Salah à la tête du pays. Mais, maintenant, cela n’est plus d’actualité, hélas.

L’ambiance qu’ont suscitée les marches précédentes avec leurs lots d’humour et de slogans hilarants s’estompe petit à petit pour laisser place à un grand doute parmi les manifestants, un fort désir d’en découdre avec les apparatchiks du régime s’implémente dans l’esprit collectif.

Le général Gaïd-Salah n’arrive toujours pas à faire usage du pouvoir «hautement» constitutionnel que le peuple lui a mis entre les mains. Jamais, dans l’histoire contemporaine des nations, un chef militaire n’a eu les coudées aussi franches que le chef d’état-major algérien, une liberté qu’il peut amplement justifier par un désidérata populaire ouvertement proclamé.

La tergiversation de Gaïd-Salah de mettre en œuvre une véritable opération «mains propres» que le peuple attend risque, forcément, de se retourner contre l’ANP qui perdra son image d’entité «salvatrice» aux yeux des Algériens.

En écartant Bouteflika, l’armée, incarnée en la personne du chef d’état-major, a endossé ouvertement son rôle discrétionnaire sans aucune opposition. Un choix accepté par le peuple qui ne comprend plus la léthargie dans les prises de décision pour le «changement» tant espéré. L’inaction de l’ANP risque probablement de mener le pays vers un avenir incertain.

La plus grande erreur pour un militaire serait de perdre l’initiative ; être dans la réaction ne laisse plus de grandes marges de manœuvre pour un tacticien. Dans ce cas précis, nous entamerons la traversée d’un désert politique comme celle des années 1990 en espérant que quelqu’un viendra nous tirer de là.

N. M.

Ndlr : Les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.

Comment (9)

    lhadi
    29 avril 2019 - 18 h 28 min

    « Comme je l’écrivais il y a quelques jours, l’armée algérienne ne peut, aujourd’hui, persister à vouloir rester dans la légalité constitutionnelle, une Constitution qui est, d’ailleurs, caduque depuis l’annulation des élections par Bouteflika » – dixit l’auteur de la contribution-

    L’histoire de notre pays a prouvé que tout le malheur de l’Algérie vient des aventuriers qui ont cocufié les principes fondateurs de l’Etat algérien.

    La constitution algérienne est la règle la plus élevée de l’ordre juridique du pays. Elle est la loi suprême de l’Etat et à laquelle nous jurons loyalisme, fidélité et respect.

    Tout citoyen qui piétine la loi fondamentale de la République, que tout peuple souverain se donne, ne peut avoir l’âme d’un démocrate.

    C’est un comploteur ; un putschiste !!!

    Selon la constitution algérienne, le Président de la république est le chef des armées. Il est le garant de la constitution. Par définition, l’institution militaire est garante de la constitution.

    Bien que je sois pour la primauté du politique sur le militaire, la situation actuelle du pays exige, selon les prérogatives constitutionnelles, que le chef des armées reste droit dans ses bottes malgré l’usure des semelles des milliers de manifestants qui font partie du peuple mais qui ne sont pas tout le peuple.

    Le Louis XIV algérien a été détrôné !!!

    Aux urnes citoyens !!!

    Fraternellement lhadi
    ([email protected])

    karimdz
    29 avril 2019 - 7 h 50 min

    L ANP est devant un dilemme, un choix cornélien, elle ne veut pas s ingérer dans le politique voir de faire un coup d état, au risque de se faire critiquer et condamner, mais elle souhaite par ailleurs, répondre à la volonté du peuple.

    On voit bien à travers les commentaires dans la presse, et meme sur le site AP, les deux écoles qui s affrontent sur le rôle de l’ANP.

    Ce qu il faut savoir, on le dira jamais assez, démanteler un système de 50 ou 60 ans, c est pas évident quoi qu on en dise, si on souhaite que la révolution se passe bien. On pourra toujours reprocher une certaine retenue de l ANP, mais sans elle, rien ne se fera non plus.

    L ANP par la voix du général Gaid Salah, il est vrai prisonnier de la constitution, veille à la continuité des institutions, afin de ne pas créer un vide politique qui serait beaucoup plus fatale au peuple. On peut dire ce qu on veut, mais bensalah n a pas vocation à devenir président à vie, il est là jusque fin juin, après il quittera el mouradia, et il ne prendra aucune décision importante en tant qu intérimaire.

    De son coté le peuple est impatient, il veut le changement tout de suite, moi je dis patience, la révolution est bien en marche, et le désir du peuple d augurer une nouvelle période faite de justice, de progrés de transparence de droit etc. se réalisera.

    Il y a deux eventualités qui se présentent à l horizon, la démission avant l heure de bensalah et de son gouvernement, et cela permettrait un conseil national représentatif du peuple, encore faut il que celui ci s accorde sur ceux qui vont le représenter, ce qui n est pas encore gagné.

    Soit l autre éventualité, bensalah va jusqu’ au bout, il lance officiellement la campagne, mais l abstention atteint un tel record qu il n est pas permis, quelque soit le candidat, d avaliser l election. On se retrouverait devant une nouvel impasse.

    En etudiant les deux choix qui s offrent, force est de constater qu il vaut mieux mettre en place un conseil national car rien n est plus dangereux que de laisser la situation pourrir et laisser nos ennemis l exploitaient pour faire capoter la révolution.

    Le général Gaid Salah, qui est l homme fort aujourd’hui de l Algérie, doit effectivement, procéder à des consultations avec des représentants du peuple pour mettre en place ce fameux conseil national, qui assurera la transition mais aussi organisera la campagne electoral.

    dal G ri
    29 avril 2019 - 7 h 25 min

    je pense qu il est impératif de dissoudre le f .l .n et ses dérives dont l existence a était profondément négative pour la nation aussi bien politique économique et social depuis ce qu on appelait l indépendance en 62
    l Algérie ne sera plus Cuba ,Maroc Corée du nord ou Vénézuela ,,,ce sera l Algérie notre Algérie plus jamais la propriétée d un groupe d un clan d un parti ou d un individu ,une 2ême république saine transparente impartiale ,un état de droit et de justice
    GOULOU AMIN

    Mme CH
    29 avril 2019 - 1 h 21 min

    Je pense que c’est une évaluation perspicace du contexte que je partage entièrement….!! Plus le temps passe plus la situation devient préoccupante….!! Il faut prendre les décisions qui s’imposent pour satisfaire le peuple Algérien, plusieurs propositions ont été faites, il suffit de choisir la meilleure pour sortir le pays de ce cercle qui pourrait devenir vide…! Gaid Salah devrait profiter du soutien du peuple pour opérer de vrais changements, le bricolage et la danse avec les loups intra/extra-muros compliqueront davantage la situation…! Il faut qu’il fasse le bon choix et laisser tomber la 3issaba et l’état profond une fois pour toute……le peuple lui pardonnera peut être certains égarements …!! Le temps presse…!

      AmiAhmed
      29 avril 2019 - 6 h 36 min

      Le fait que le pouvoir campe dans ses positions comme Macron face au gilets jaunes veut dire que le pouvoir cherche à se maintenir contre la volonté du peuple, d’ailleurs l’escalade a commencé, chose que nous craignons depuis le début du Hirak et pendant ce temps les ennemis de l’Algérie se frottent les mains.

        Mme CH
        30 avril 2019 - 0 h 40 min

        Hé oui, M. AmiAhmed……. »les ennemis de l’Algérie se frottent les mains » en attendant le moment propice pour que ces loups sautent sur les agneaux……mais qui leur facilite la tâche et leur ouvre les portes de la bergerie…..????? C’est là que le bât blesse…!!!
        Le Hirak doit changer de tactique…mais toujours Silmiya…! Attendons ce que le général va nous dire ce mardi…!

    Algerien Pur Et Dur
    28 avril 2019 - 22 h 16 min

    Gaid Salah espere surement que le ramadan en finira avec la determination des algeriens. Ou peut etre espere t-il que le caractere nerveux des algeriens surtout en cette periode donneront toutes les raisons aux forces de l’ordre de s’adonner a des interventions plus musclees calmant ainsi le jeu jusqu’aux elections de juillet avec l’indesirable ben salah toujours a la barre. L’essentiel c’est de garder son calme en cette periode de faste mais le pourra t-on?

    Patriote
    28 avril 2019 - 22 h 07 min

    Très heureux de vous relire, ça aurait été une très mauvaise idée d’arrêter au moment ou on a le plus besoin de vos articles éclairés et qui défendent très bien les positions de notre pays a l’international.
    Merci

    Entièrement d'accord avec N.M. le journaliste.
    28 avril 2019 - 21 h 56 min

    Je suis entièrement d’accord avec cet article de presse.
    L’armée doit agir plus fermement dans la prises ces prises de decisions incarné par le chef d’état major Gaïd Salah concernant les demandes exprimés par le peuples.
    Il doit dégagée les trois B.
    Lancer des mandats d’arrêts comme contre ceux et celles qui ont pris la fuites.
    Arrêter tous les Harkis.
    Nettoyer le pays d’une main de d’acier tous les mafieux tous les voleurs petits et grands voleurs.
    Arrêtés les chefs de clans et mettre hors d’état de nuire tout ces réseaux.
    Et imposé une date d’élection présidentielle raisonnable approuvé par la majorité du peuple et s’y maintenir.
    Et ceux et celles qui tenteraient de s’y opposés auront à faire aux services de répressions et d’autres seront limogé.
    La récréation et l’enfantillage doit cesser pour se mettre au travail et prendre le chemin de l’ascension.
    Mon maréchal Gaïd Salah il faut être plus ferme .
    Dès l’instant que vous êtes en parfaite adéquation avec les demandes de la majorité du peuple.
    Les éternelle insatisfait et les fauteurs de Fitna il faut sortir la matraque et les menottes en appliquant la loi pour tous.
    Car si vous céder aux caprices des perturbateurs ça ne finira jamais.
    Il faut un juste équilibre un juste milieu.
    Certains parmi les zizaneur ne sont pas du tout raisonnable.
    Ils veulent et mises sur le pourrissement et le glissement vers les abysses.

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