Le gaz algérien et les tiraillements entre dirigeants politiques en Italie
De Rome, Mourad Rouighi – Dans un contexte mondial en pleine mutation, nombre de pays s’interrogent et tentent de se positionner face à de nouveaux phénomènes de plus en plus hors de contrôle, l’explosion démographique et la conséquente raréfaction des ressources énergétiques, les guerres dites humanitaires, la déferlante des migrants et les choix stratégiques en matière d’alliances et partenariats.
L’Italie, face à ce tableau aux contours préoccupants, est loin de faire exception et essaie de relever un à un des défis qui risquent, à terme, de remettre en question son rôle sur la scène internationale.
En effet, partisane depuis un demi-siècle d’une approche soft et multilatérale dans ses relations avec le monde, Rome a, en réalité, subi la récente guerre en Libye – un allié hautement stratégique – et n’a pu s’y extraire, en raison de ses obligations au sein de l’Otan et de sa position géographique. L’opinion publique, qui a vécu cela comme un camouflet, s’est, depuis, sensiblement raidie en choisissant des courants politiques dits souverainistes : le Mouvement des 5 étoiles et la Ligue du Nord ; à noter que ces deux partis étaient précisément les seuls à s’opposer aux bombardements de la Libye et se retrouvent ensemble aujourd’hui à la tête du gouvernement du pays.
Or, si ces deux formations politiques partagent une approche commune quant au positionnement du pays au centre de la Méditerranée, leurs visions divergent quant à l’orientation à donner au choix des alliances pour l’avenir ; d’un côté le Mouvement des 5 étoiles et son adhésion à des paramètres de coopération multilatérale, reposant sur le socle européen ; de l’autre, la Ligue du Nord, plus en phase avec Donald Trump, Orban, Bolsonaro et autre Netanyahou.
Cette dualité au sein du gouvernement italien, on la retrouve également sur nombre de thèmes d’actualité, dont la principale est la politique de voies préférentielles et les choix stratégiques en matière d’approvisionnement énergétique.
Sur cette question des plus sensibles, les deux alliés se divisent : l’un, le Mouvement des 5 étoiles, est fidèle à la ligne du père de l’Eni, Enrico Mattei, et des partenariats stratégiques (dont celui avec Sonatrach) ; l’autre, la Ligue du Nord, résolument ouverte au projet américain, en soutien d’Eastmed, le projet israélo-chypriote et proche du Groupe des 12 (Autriche, Bulgarie, Croatie, République tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et Slovénie) et des 3 mers, (Baltique, Adriatique et Noire) qui ambitionnent de contrecarrer les desseins russes en Méditerranée.
Cette situation des plus paradoxales a obligé maintes fois le président du Conseil, Giuseppe Conte, de préciser que le dossier de l’approvisionnement énergétique de l’Italie est entre de bonnes mains et que les experts italiens sauront ménager l’avenir, tout en préservant les acquis du passé…
Mais nombre de voix, et non des moindres, s’inquiètent du flou ambiant, d’autant que la région est en ce moment une floraison de projets, d’alliances aux visions multiples, dont est étrangement exclue l’Italie !
A cela s’ajoute le tsunami Donald Trump, qui, sur le gaz et sur d’autres dossiers, semble avoir tranché et sur l’Europe applique son mot d’ordre : Etats-Unis dedans, Russie dehors et l’Allemagne aux ordres.
D’où la nécessité pour Rome, estiment des experts au fait du dossier, de parler d’une seule voix, de renforcer son ancrage avec le voisinage immédiat et de renouer avec son rôle de pôle de médiation et de synthèse entre les grandes puissances du monde, dans un contexte régional des plus turbulents et à un moment crucial, où se décident partenariats et alliances.
M. R.
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