Le piège invisible
Par Abdelkader S. – Les citoyens qui se battent pour que le régime en place disparaisse à tout jamais et que l’Algérie entre enfin dans une ère démocratique se focalisent sur les méthodes visibles du pouvoir pour les empêcher de concrétiser leur noble objectif. Les symboles du système Bouteflika qui tiennent encore les manettes détournent l’attention du Mouvement populaire en recourant à la répression, en imposant un simulacre électoral, en jouant vainement sur les divisions, en infestant les réseaux sociaux de moucherons-mercenaires pour couvrir leurs forfaitures, en actionnant la justice aux ordres pour rendre des verdicts dictés, en transformant les services de sécurité en machine à arrestations illégales et en recourant à mille et une autres diableries.
Mais le piège invisible et autrement plus nocif pour la Révolution du 22 Février réside dans l’absence d’un leader charismatique qui doit émerger du Mouvement de contestation populaire et qui doit le conduire à bon port jusqu’à la réalisation de ses revendications. Cette absence de dirigeant rend le Hirak infructueux, quand bien même il devra se poursuivre pour empêcher le complot que les tenants du pouvoir ourdissent contre le peuple pour sauvegarder les intérêts du clan qu’ils feignent de combattre mais dont ils sont partie intégrante.
Continuer à manifester sans un mot d’ordre unifié sous la férule d’un dirigeant consensuel ne ferait que renforcer le régime que les manifestations estudiantines les mardis et citoyennes les vendredis n’arrivent pas à ébranler, lesquelles, au contraire, le rendent chaque jour un peu plus arrogant et absolutiste. Les arrestations opérées par les barbouzes de Gaïd-Salah, si elles visent effectivement à écarter les figures de proue du Hirak, servent cependant de trompe-l’œil pour faire oublier l’essentiel : le pouvoir profite de ce que la Révolution est orpheline d’un «père» qui portera la voix du peuple si haut et si fort qu’il fera s’écrouler la forteresse jusque-là inexpugnable que le chef de l’armée a érigée autour de lui et dans laquelle il se caparaçonne contre le tsunami populaire qui l’emportera plus vite que lui et sa clique le pensent.
La glorieuse Révolution de Novembre n’aurait pas triomphé si des hommes n’avaient pas émergé pour lui donner vie et la guider jusqu’à l’Indépendance. N’est-ce pas, justement, une nouvelle Indépendance que le peuple réclame ?
A. S.
Comment (20)