Corruption : comment l’Algérie a décliné de la 88e à la 117e place en dix-huit ans
Par Mohamed K. – L’Algérie a dégringolé de la 88e place à 117e durant le long règne d’Abdelaziz Bouteflika, dans les rapports de Transparency International entre 2003 et 2021. «Les auteurs de l’indice de perception de corruption (IPC) considèrent qu’une note inférieure à 3 signifie l’existence d’un haut niveau de corruption», explique l’ancien magistrat à la Cour des comptes Abderrahmane Mebtoul, selon lequel il y a lieu de «différencier l’acte de gestion des pratiques normales de la corruption». Pour l’économiste, l’Etat doit établir la connexion entre ceux qui opèrent dans le commerce extérieur, légalement ou à travers les surfacturations et les montants provenant essentiellement d’agents possédant des sommes en dinars au niveau local légalement ou illégalement, non connectés aux réseaux internationaux.
«Il s’agit, explique-t-il, de détecter le montant de la corruption, de distinguer les surfacturations en dinars pour des projets ne nécessitant pas ou peu de devises, des surfacturations en devises.» «Il existe deux sphères d’agents, ceux reliés uniquement au marché interne et ceux opérant dans le commerce extérieur», poursuit le professeur qui ajoute que «ce processus se fait en complicité avec les étrangers». Pour lutter contre les malversations, il faut éviter de créer des organes de contrôle dépendant de l’exécutif, car ce dernier devient ainsi «juge et partie», fait remarquer Abderrahmane Mebtoul qui appelle au rattachement de la Cour des comptes directement au président de la République.
«Le contrôle de la qualité de gestion doit avoir pour finalité l’appréciation des conditions d’utilisation et de gestion des fonds gérés par les services de l’Etat», souligne-t-il, en estimant que «les établissements et organismes publics doivent mettre fin à l’absence de maîtrise dans la gestion des projets qui font l’objet de surcoûts et de réévaluations permanentes». «Toutefois, précise-t-il, les organismes techniques ne sont pas une condition suffisante pour avoir un contrôle efficace.» «Le véritable contrôle, selon lui, passe par des contrepoids politiques et sociaux avec l’implication de la société civile, par la démocratisation de la société. Car ce n’est pas une question de lois ou de textes juridiques, mais d’une volonté politique de lutter contre la corruption et la mauvaise gestion.»
«Les textes existent mais il y a comme un divorce d’avec le fonctionnement réel de la société», relève l’ancien ministre délégué chargé des Privatisations. «Si on veut lutter contre les surfacturations, les transferts illégaux de capitaux, rendre le contrôle plus efficient, il y a urgence de revoir le système d’information qui s’est totalement écroulé, posant ainsi la problématique de la transparence des comptes, y compris dans une grande société comme Sonatrach et dans la majorité des administrations centrales et locales», affirme-t-il, en regrettant que les principes élémentaires de la rationalisation des choix budgétaires soient «ignorés». «Sans une information interne fiable, tout contrôle externe devient difficile et, dans ce cas, il est forcément biaisé.»
«Force est de reconnaître qu’en ce mois de janvier 2022 Sonatrach c’est l’Algérie, et l’Algérie c’est Sonatrach», déplore le professeur qui exhorte les décideurs algériens à «éviter les utopies» et à «cesser de vivre avec l’illusion passée». Deux choix se présentent à l’Algérie, selon lui : «De profondes réformes structurelles, plus de libertés, de transparence dans les décisions économiques et politiques, ou la régression dans le cas où l’Etat opterait pour le statu quo.»
M. K.
Comment (17)