Le 14 juillet 1953 : massacre d’Algériens à la place de la Nation à Paris

Nat manifestants algériens
Ici, six Algériens furent tués par la police française le 14 juillet 1953. D. R.

Une contribution d’Ali-Farid Belkadi – «On ne peut descendre deux fois dans le même fleuve» (Héraclite, VIe siècle av. J.-C). Autrement dit, tout s’enfuit et s’écoule «comme l’eau d’un fleuve». Les corps des cinq manifestants algériens martyrisés pour leur idéal politique le 14 juillet 1953 à la place de la Nation, à Paris, furent transférés par les Français en Algérie où ils furent enterrés discrètement. Pour ces martyrs de la cause nationale qui précédèrent de peu de temps, les centaines de milliers de martyrs de la Guerre de libération nationale, aucun hommage officiel, nulle mémoire, aucun souvenir. Aucun bout de terre au Carré des martyrs d’El-Alia. Sauf quelques lignes relevées dans une vieille coupure de journal à demi-jaunies par le temps.

Frise chronologique

En ces temps-là, la mode en cordonnerie était aux chaussures California, en néo-daim perforé, à bout ouvert avec bride arrière et semelle inusable. 0n circulait à scooter biplace Speed à avertisseur électrique, d’un poids de 60 kg, dont la vitesse pouvait atteindre 60 km à l’heure. Son prix s’élevait 115 000 F. L’album num. 11 de PIF Le Chien venait de paraître, on pouvait l’avoir pour la modique somme de 60 anciens francs. 0n était mardi 14 juillet 1953. Il faisait un sale temps sur Paris avec des averses éparses qui tombaient de quelques nuages à grand développement vertical. Dans le lointain vers le sud, l’horizon était recouvert de nuées sombres étalées en nappes à plusieurs niveaux. Alain Mimoun et Al-Mabrouk couraient des miles et des yards à White City, en Grande-Bretagne. Avec Zatopek, Alain Mimoun fut l’un des plus prestigieux coureurs de son temps. Richard battait le record du saut à la perche en s’élevant à 4,55 m. Une très belle performance, sachant que le record dans cette discipline était de 3,30 m en 1896. Serguei Bubka qui viendra après lui atteindra les 6 mètres, préparant ainsi les voies vers d’autres records. Les cyclistes Hugo Koblet, qui finira par abandonner la course, Bartali et Hessendorrfer, suivis de cyclomoteurs Poulain 50 c3 à trois vitesses et de voitures Hotchkiss 13 chevaux roulaient à vive allure dans le tour de France lorsqu’ils furent doublés par Le Rono, l’avant-dernier coureur du classement général qui leur enleva la 10e étape. Mais c’est Louison Bobet qui remportera le Tour cette année-là, de même qu’en 1954 et en 1955. La Coupe de France de football fut remportée par Lille contre Nancy par 2 buts à 1.

Ibrir, Soukane, Lardjane, Makhloufi, Oualiken

Le Marocain Larbi Benbarek faisait les beaux jours du Stade-Français. Les Algériens Ibrir, Soukane, Lardjane, Mekhloufi ou encore Oualiken étaient reconnus au même titre que les français René Vignal, Raymond Kopaszewski dit Kopa, Joseph Ujlaki ou les Brésiliens Djalma Santos, Waldir Pereira surnommé Didi, Manoel Garrincha ainsi que Vava alias Nello Evaldo Izidio qui se déchaînait chaque dimanche sur les stades de l’Amérique latine. Cette année-là, aux Championnats internationaux de tennis à Roland Garros , Rosewall sera opposé à Seixas. En simples juniors, Belkhodja disputera les deux finales de 1955 et de 1956. La Comédie Caumartin jouait Huis clos de Jean-Paul Sartre, «Jean sol Partre» comme l’appelait Vernon Sullivan, alias Boris Vian, qui écrivit et mit en musique un de ses meilleurs poèmes Le Déserteur, qui exhortait les jeunes appelés à ne pas s’enrôler sous les drapeaux au cours des guerres inutiles. Boris Vian, qui était également musicien dans un club de Saint Germain-des-Prés, soufflait dans sa trompinette une espèce de musique de jazz rustique en essayant d’imiter tant bien que mal les cornettistes Oliver Joe ‘King’ ou encore Celestin Papa, et l’incontournable Tommy Ladnier.

Fats Navarro, Dizzy Gillespie, Miles Davis, Bill Coleman

A l’époque, Fats Navarro, Dizzy Gillespie, Miles Davis et Bill Coleman faisaient de grandes prouesses avec les trois pistons de leur trompette. Le guitariste Django Reinhardt disparaissait après avoir récupéré l’usage de sa main estropiée dans l’incendie de sa roulotte. Le chateur kabyle Mouloudji allait passer quelques jours de vacances au village de ses grands-parents à El-Flaye, une localité voisine de Sidi Aïch, dans la vallée de la Soummam. Cette année-là, il venait d’obtenir le prix Charles-Cros de la chanson.

La colline oubliée selon Mostefa Lacheraf

L’écrivain Mouloud Mammeri publia un an auparavant un roman controversé La Colline oubliée. Mostefa Lacheraf, dans la revue Le Jeune Musulman, écrivait à propos de ce livre, le 13 février 1953 : «Il n’y a pas que l’amour de la petite patrie (la Kabylie, NDLR) qui anime ce livre, il y a aussi la façon presqu’agressive, injuste avec laquelle on retranche la communauté régionale du reste du pays (…) M. Mammeri a des personnages qui lui sont chers parce qu’ils ont sa formation intellectuelle. Il s’agit de ce groupe d’étudiants en rupture de banc, si j’ose dire, tous plus ou moins riches et menant une vie oisive et désaxée. 0n les aurait imaginés dans une ville universitaire. La montagne kabyle, ce, nous semble, produit des gens moins frelatés, des hommes du peuple sains et directs.»  Dans le même journal, un mois auparavant, M. C. Salhi écrivit : «Il nous importe peu qu’un Algérien écrivant en français se taille une place dans la littérature française par les qualités formelles de son œuvre.

La théorie de l’art pour l’art est particulièrement odieuse dans ces moments historiques où les peuples engagent Ieur existence dans les durs combats de la libération. Une œuvre signée d’un Algérien ne peut donc nous intéresser que d’un seul point de vue : Quelle cause sert-elle ? Quelle est sa position dans la lutte qui oppose le mouvement national au colonialisme ?» Alain Robbe-Grillet, dont les personnages se souciaient également fort peu de la cause des peuples écrivait Les Gommes. Le Français d’origine russe Lev Tarassov, alias Henri Troyat, et la Russe naturalisée française Nathalia Tcherniac, alias Nathalie Sarraute, pondaient leurs œufs littéraires pour la France assaillie de toutes parts par les pensées débridées d’ingénieux métèques.

Sourd-muet : je demande la parole !

L’Anglais Winston Churchill (1874-1965) qui avait une influence considérable sur la politique internationale, obtenait le prix Nobel de littérature pour son livre insipide Mémoires de guerre (1948-1954), ceci avec l’appui et les recommandations de la plupart des hommes politiques de l’époque. Alors que les auteurs africains bourrés de talent ne manquaient pas. Parmi eux, le Gabonais Ndong Ndoutoune Tsira, les Maliens Ba Amadou Hampaté, Dembélé Sidiki, Ouane Ibrahima, le Guinéen Laye Camara, les Ivoiriens Loba Aké, Dem Tidiane, les Camerounais Bebey Francis, Oyono Ferdinand. Les Béninois Bhely Quenun Olympe, Prudencio Eustache ou Pliya Jean. Les Sénégalais Cheikh Ndao, Socé Ousmane, Ly Sangaré, l’auteur de Sourd-muet je demande la parole. Les Zaïrois Bolomba Lokole ou Mudinbé Vunvi Yoka, les Togolais Felix Conchoro ou Aladji Victor, le Tchadien Palou Bebnone. Le Somalien William Syad. Les Algériens Kateb Yacine, Mohamed Dib. Sans oublier l’enfant d’Agadir, le Marocain Mohamed Khaireddine. Et bien d’autres encore. Le savant suédois Alfred Bernhard Nobel qui institua le prix pluridisciplinaire à usage exclusivement européen – à quelques petites miettes près – est l’inventeur de la dynamite. Son usine de nitroglycérine sauta en 1864 en faisant plusieurs morts, dont son propre frère. Jean-Paul Sartre refusa le prix Nobel en 1964, de même que le poète Boris Pasternak en 1958. Comme Descartes, La Rochefoucauld ou le philosophe Pascal et l’encyclopédiste Diderot refusèrent le fauteuil de l’Académie française. Jean-Jacques Rousseau n’y sera pas admis, il était suisse. Gérard de Nerval considéré comme malade mental fut également refusé. Georges Sand n’eut pas plus de chance parce que c’était une femme. Emile Zola, qui brûlait d’envie de devenir académicien, essuiera vingt-quatre échecs. La candidature de Léon Gozlan ne fut pas retenue, il était juif.

Albert Camus, le petit Blanc d’Alger

Samuel Becket publiait En attendant Godot avec ses personnages pitoyables qui rodent constamment autour des poubelles, ce qui n’était pas son cas naturellement. La mode littéraire à l’époque qui nous occupe était aux personnages de roman calamiteux et misérables, auxquels viendront se greffer plus tard tous les tarés, les psychopathes et les pervers qui grouillent comme des vers dans les mœurs décomposées de ce siècle.

Albert Camus, le petit Blanc d’Alger, fignolait son image de futur prix Nobel quelque part dans son appartement situé dans le périmètre pataouète du quartier populaire de Belcourt. Dans son livre L’Etranger qui est paru en 1942, son personnage Meursault est condamné à mort pour le meurtre d’un Algérien. Alors que, dans la réalité, aucun tribunal français n’a jamais condamné à mort un Français pour le meurtre d’un Algérien.

Dans la vraie vie, huit postes du corps expéditionnaire français étaient enlevés dans la région de Hytho, près de Saigon, par l’armée populaire vietnamienne Viêt-Cong, dans la nuit du 11 au 12 juillet 1953.

Le mouvement national algérien

L’Emir Khaled, le petit-fils de l’Emir Abdelkader, est conseiller municipal et conseiller général d’Alger, puis délégué financier. Il émerge aux élections locales de 1919 et 1920 en écrasant ses adversaires, devenant ainsi le leader légal et incontesté du mouvement d’opposition algérienne à la colonisation française. L’Administration française soutenue par la presse coloniale en Algérie, qui dénonce le «péril indigène», l’accuse d’être un fanatique musulman. Il doit se résoudre à quitter l’Algérie pour l’Egypte en 1923, en échange d’une forte pension que lui versera la France. Un peu comme son grand-père. Après la victoire de l’Union de la gauche en France, l’année suivante, il revient sur la scène politique pour se présenter au Conseil général d’Alger avec une étiquette communiste cette fois pour rassurer ceux qui le traitaient de fanatique musulman. Il mettra fin définitivement à sa carrière politique à la suite de son échec à cette dernière élection.

Ahmed Mesli, alias Messali Hadj

C’est l’Emir Khaled qui influencera Ahmed Mesli, plus connu sous le nom de Messali. Ce dernier, kouloughli né à Tlemcen en 1898, mourra à Paris en 1974. Très peu instruit mais ne manquant pas d’intelligence, Ahmed Messali, également appelé Messali Hadj suite à son pèlerinage aux Lieux saints de l’islam, commencera par militer au Parti communiste français par admiration pour le bolchevisme, courant politique révolutionnaire marxiste, né en Russie en 1903, et dont Lénine (1870-24) fut le principal artisan, avant de s’engager politiquement au sein de l’Etoile nord-africaine, un parti nationaliste pan-maghrébin, qui fut créé à Paris en 1926 avec le soutien du Parti communiste français. L’ENA sera définitivement dissoute en janvier 1937, après avoir été reconstituée tant bien que mal au mois de juin 1933. Le 11 mars 1937, le PPA (Parti populaire algérien) qui voit le jour à Alger agit en toute légalité pour «une Algérie émancipée, jouissant des libertés démocratiques (…) ayant ainsi une autonomie administrative, politique, économique à l’intérieur». En outre, dit le texte fondateur : «L’Algérie s’intégrera librement dans le système de sécurité collective français en Méditerranée.» Mais le PPA est obligé de s’occulter suite à la répression qui atteint ses membres. Il réapparaîtra sous l’étiquette du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) dès le 23 octobre 1946 pour briguer cinq sièges aux élections législatives du 10 novembre 1946. Parmi eux, le député Mohammed Khider, le beau-frère de Hocine Aït Ahmed, qui trouvera refuge au Zaïre en 1950 pour fuir la police française qui le recherchait pour ses activités révolutionnaires clandestines. Messali Hadj, qui gardera toute sa vie le jargon caractéristique des marxistes paternalistes, ombrageux de leur stalinisme, fut le cuistre chef d’un parti qui changera plusieurs fois de couleur politique. Toute sa vie n’aura été qu’une succession de congrès entrecoupés de séjours en prisons et en déportations dorées.

Messali Hadj qui se voulait incontournable politiquement aura beaucoup parlé mais très peu agi. «Ma vie militante dans la région parisienne pendant 15 ans, mon long séjour en France, mes expériences de 35 ans de lutte et mes habitudes des choses politiques françaises et parisiennes auraient dû inciter la bureaucratie à me consulter et peut-être à me demander conseil», écrit-il dans un mémoire consacré à l’histoire de la Fédération de France du MTLD. Ailleurs, il rajoute : «Personnellement, je peux dire qu’à partir du 27 août 1937, jusqu’à août 1946, j’ai été totalement écarté de la scène politique par mes emprisonnements et mes nombreuses déportations.» En effet, Messali est d’abord emprisonné à El-Harrach (ex-Maison Carrée) puis mis en résidence surveillée à Chellala jusqu’au mois d’avril 1945. Il est ensuite déporté à Madagascar jusqu’au 1er août 1946, date à laquelle libéré, il est de retour à Paris. C’est Zoubir, alias M’hamed Yazid, qui présidait à la destinée de la Fédération de France du MTLD au moment de l’attentat contre les Algériens le 14 juillet 1953, comme nous allons le voir.

Quatre cent mille (400 000) Algériens vivaient alors en France et la majorité d’entre eux était en rapport constant avec le mouvement ouvrier français. Le degré de politisation des membres de la communauté algérienne immigrée fut mal exploité par les nationalistes algériens de facture messaliste. Cette politisation de type prolétaire français remonte aux bagnards algériens déportés en Nouvelle Calédonie où ils rencontrèrent les insurgés de la Commune, dont Louise Michel, dans les années 1870.

Palabres et parlottes messalistes

Pour résumer Messali Hadj, disons qu’il fut le factotum de la faillite d’une certaine forme de nationalisme «attentiste» enlisé dans les activités bureaucratiques et les palabres stériles et cantonné dans les étroites limites d’une légalité imposée par l’administration coloniale. Quelques mois avant le déclenchement de l’insurrection de novembre 1954, en Algérie, Messali Hadj confirmera en prose sa distanciation vis-à-vis des jeunes et irréductibles militants qui prônaient la lutte armée pour libérer l’Algérie du joug colonial. A ce moment-là, Messali dira : «Pour nous, la ville de Paris est un balcon largement ouvert sur l’intérieur et l’extérieur et, du haut de ce balcon, nous avons avec un grand soin fait retentir la voix du peuple algérien que l’impérialisme français étouffait dans le pays. Aussi ce balcon ouvert sur le monde a-t-il été pour nous, de tout temps, le souci dominant notre activité intérieure et extérieure.» Le 15 février 1947, l’OS (Organisation secrète paramilitaire) est mise sur pied pour la préparation de la Guerre de libération. Elle sera démantelée en 1950 par la police française avant d’être dissoute par le MTLD. Au mois de décembre 1953 a lieu une crise ouverte au sein du MTLD, suivie de la scission de ce parti durant le Congrès messaliste à Hornu, du 14 au 17 juin 1954.

Un autre congrès qui ne reconnaissait pas les décisions politiques prises par la réunion de Hornu se déroulera à Alger dans le quartier de Belcourt, du 13 au 16 aout 1954. La lutte est désormais ouverte entre les deux tendances. La tendance messaliste et la tendance Comité central dite «centraliste». Cette dernière regroupant la plupart des militants qui jetteront les bases de l’insurrection du 1er Novembre 1954. Ils commenceront par fonder le CRUA (Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action), un organisme politique clandestin qui ne durera que le temps de donner vie et forme au Front de libération nationale.

La dissolution du MTLD

Quelques jours après le déclenchement de l’insurrection du 1er Novembre 1954, le MTLD est dissous. Messali Hadj de plus en plus dépassé par les événements révolutionnaires qui lui échappent créera le Mouvement nationaliste algérien pour contrer la conflagration libératrice menée par le FLN et son aile militaire l’ALN. La plateforme établie pendant le Congrès de la Soummam le 20 août 1956 résume on ne peut mieux la faillite des anciennes formations politiques algériennes : «Les groupements divers ont été disloqués. Les militants de base ont rejoint le FLN (…) le Comité central du MTLD a complètement disparu en tant que regroupement d’ex-dirigeants et en tant que tendance politique. Le MNA, en dépit de la démagogie et de la surenchère, n’a pas réussi à surmonter la crise mortelle du MTLD.

Il conservait une assise organique seulement en France du fait de la présence de Messali en exil, de l’ignorance totale des émigrés de la réalité algérienne (…) C’est de là que partaient les mots d’ordre, les fonds et les hommes en vue de la création en Algérie de groupes armés ou de maquis dissidents, destinés non à la participation de la lutte contre l’ennemi exécré, le régime colonialiste, son armée et sa police, mais à créer des opérations de provocation et à saboter par le défaitisme, le désordre et l’assassinat, la Révolution algérienne et ses dirigeants militaires et politiques (…) la psychologie de Messali s’apparente à la conviction insensée du coq de la fable qui ne se contente pas de constater l’aurore, mais proclame qu’il fait lever le soleil». C’est dans cette atmosphère de fin de règne messaliste qu’a lieu la Manifestation des immigrés algériens à Paris, lors du défilé du 14 juillet 1953. Les programmes de la radio en France annonçaient un reportage sur le défilé du 14 Juillet à Paris. Celui-ci devait avoir lieu de la Bastille à Nation.

Les bals, le buffet-bar, la barbe à papa

Des bals se préparaient un peu partout avec orchestres de danse, tombolas, buffet-bars et attractions diverses. Les marchands de barbe à papa, de guimauve et de casse-croûtes s’apprêtaient à faire de très bonnes affaires. A deux pas de la Place de la Nation, au Café Le Bougnat, qui avait fermé ses portes pour la circonstance, un groupe de musiciens répétait pour la énième fois La Valse des as et Le P’tit Bal du samedi soir. Quelques javas bien enveloppées ainsi que des mambos et des rumbas figuraient dans le répertoire. Après une pause, on passait aux airs de danse argentins. Puis on faisait un charleston à la manière de Sydney Bechet, à ce moment-là Dédé le saxophoniste troquait son saxo-alto de marque Martin contre un saxo-soprano Selmer, tout neuf, qui n’avait encore jamais servi. Ne souffrant pas d’emphysème, il n’avait pas de problèmes avec la colonne d’air qu’il maîtrisait parfaitement. Il s’était même essayé au saxophone baryton mais ce dernier était trop lourd. En outre, le son rauque de l’instrument, comme enroué, lui déplaisait fortement. Il avait passé toute la matinée à contrôler les tampons et les ressorts de son instrument et à tailler une série d’anches qu’il essaya une par une en mordillant le bec du saxophone.

Puis l’orchestre enchaînait avec un Black-bottom. Venaient ensuite quelques biguines, ainsi que des airs hispaniques dont quelques paso-doble et Adios Seville avec, pour ce dernier, une discrète digression vers Manuel de Falla et Enrique Granados Campina. Au dernier moment, on y rajouterait La Petite fleur de Sydney Bechet. Voire même Royal Garden Blues en Fa dièse ou Wild Cat Rag en Si bémol majeur en insistant bien sur le break de quatre mesures de la dernière partie du thème. Par contre, le pianiste ne valait rien, surtout sa main gauche lorsqu’il tentait un Boogie-woogie lancé sur les chapeaux de roue. Trop faible, il ne travaillait pas suffisamment ses arpèges ; par conséquent, il ne fallait pas trop compter sur lui.

La batterie était tenue par un Kabyle du nom de Mohand alias Momo, un diminutif passe-partout qui pouvait également évoquer le prénom Maurice. Il était venu enfant à Paris dans le sillage de son père qui était ouvrier chez Citroën. Son père s’était remarié avec Simone qui apprit à rouler le couscous juste pour lui faire plaisir. Le père avait tout oublié de ses racines, il n’en restait pratiquement rien. C’est tout juste s’il se rappelait qu’il avait une tête d’Arabe. A chaque fois qu’ils se rencontraient, ils disaient le «Pipiya Li parti di zalgériyen libres». On lui parla même des massacres de Sétif en 1945. Rien n’y fit, ça ne l’intéressait pas de militer ni au pipiya, ni ailleurs. D’ailleurs, il ne parlait plus la langue de son père. Il s’empiffrait de porc en plein mois de Ramadhan. Buvait du vin dans des carafes à la table familiale. Il en servait même de temps à autre à son vieux père qui ne voulait plus en abuser parce que cela lui donnait des aigreurs. Son oncle Rezki était une espèce de béni oui-oui élu au premier tour conseiller municipal dans une petite ville perdue quelque part au bled, élu par des électeurs du deuxième collège, c’est ainsi qu’on désignait les Algériens. Le premier collège était celui des pieds-noirs et des juifs.

Ce système de premier et deuxième collège permettait à 1 million de Français de maîtriser 10 000 000 d’Algériens, en élisant les 2/3 des conseillers municipaux. Le reste était formé d’Algériens de service, passifs et résignés. Mohand fut appelé à faire son service au printemps de l’année 1950. On l’affecta au 145e Régiment d’infanterie alpine qui était cantonné à la caserne Saint-Charles à Marseille. C’est là qu’il apprit à taper du tambour, avant de se mettre plus tard à la batterie et devenir musicien professionnel. Désormais, il était totalement intégré, c’est-à-dire complètement francisé, de la tête aux pieds. Il n’était jamais retourné en Algérie.

Le 14 Juillet était jour de fête et il fallait rendre les gens heureux au bal de La Nation. Ce soir, Marcel allait faire chauffer. Le gouvernement avait voulu faire de cette journée du 14 Juillet une exaltation de l’impérialisme et du colonialisme. Les organisateurs de la revue militaire avaient tenu à faire défiler les bataillons de choc et les parachutistes. Le peuple de Paris avait pu obtenir l’autorisation de faire son propre défilé, en marge du défilé officiel, qui devait se dérouler en présence du président Vincent Auriol de l’autre côté de la ville.

L’Abbé Pierre

Il est un peu plus de 15 heures rue du Faubourg Saint-Antoine. Le comité d’organisation ouvre le défilé précédé par un panneau sur lequel était inscrit «Union pour la défense des libertés républicaines».

Parmi les organisateurs qui prennent place à la tribune érigée à La Nation, on note la présence de l’Abbé Pierre. Il y a Emmanuel d’Astier. Leon Feix. Valdeck Rochet. Marcel Cachin, beaucoup de communistes qui étaient alors favorables à l’assimilation passive des Algériens, selon les règles établies par la France.

Vient d’abord le cortège des anciens combattants qui est suivi de celui des étudiants. Puis défilent les artistes avec, à leur tête, le musicien Joseph Kosma. D’immenses portraits d’Ethel et de Julius Rosenberg sont brandis par des manifestants juifs. On peut y lire «Gloire à Ethel et Julius Rosenberg, nous devons à leurs enfants de réhabiliter leur mémoire». La foule crie «Eisenhower assassin». Une autre pancarte dit : «Jeanne Berger est condamnée à 20 ans de travaux forcés pour avoir lutté contre la guerre du Vietnam. Obtenons sa libération !» Des milliers d’hommes et de femmes défilent en ordre compact, avec pour chaque cortège ses slogans.

Un portrait d’enfant sur fond bleu représentant le ciel clame : «Pour eux agissons unis pour l’augmentation des salaires et des allocations familiales, contre les taxes de vie chères, pour que les milliards consacrés à la guerre servent à construire des logements et des écoles.»

L’imposant groupe des Algériens

Les délégations d’Asnières, de Gennevilliers, de Cachan, de Boulogne Billancourt et celles de Montreuil, de Bagnolet et de Bobigny avancent en ordre impeccable. Sur toute la largeur du Faubourg Saint-Antoine, loin derrière les manifestants français et à perte de vue, s’avance l’imposant groupe des Algériens. Ils crient «Nous voulons l’indépendance», «Liberté», «Libération des détenus politiques algériens». On les distingue de plus en plus nettement à partir de la tribune du comité d’organisation. Coco Chanel, invitée, s’en fiche, elle vient de rouvrir sa maison de couture. D’autres banderoles sont brandies : «Paix en Indochine» ou «les démocrates britanniques saluent le peuple de France». Une autre banderole est inspirée de l’Article 1-3 de la Constitution française. Elle dit : «Nul ne peut être inquiété en raison de ses origines, de ses opinions et croyances en matière religieuse, philosophique ou politique» ou encore : «Les hommes naissent libres et égaux en droit (article 1er de la Constitution).» «Nul ne peut être lésé dans son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions on de ses croyances (article 26 de la Constitution).» «Les mots d’ordre concernant la défense et la liberté d’expression et d’opinion exigeaient la libération des emprisonnés pour délit d’opinion ainsi que l’arrêt des poursuites en cours pour délit d’opinion.»

Mercenaires de la guerre de Corée racistes

Dès le début de la manifestation, des provocateurs tentent de perturber le défilé, parmi eux des mercenaires de la guerre de Corée. Ils sont particulièrement virulents envers les Algériens qui réagissent ponctuellement, aussitôt calmés par le service d’ordre. Les policiers et les CRS sont de connivence avec les agresseurs. Des motocyclistes de la police tentent d’empêcher le cortège des Algériens de se former, en leur tournant autour inlassablement. Les délégations de têtes brûlées et basanées sont déjà loin dans la foule bigarrée. Parmi eux, il y a des travailleurs tunisiens et marocains. Tous demandent le châtiment pour les assassins du syndicaliste tunisien Farhat Hached, mort le 6 décembre 1952 dans des circonstances demeurées mystérieuses. Il faisait de l’ombre à Habib Bourguiba ainsi qu’à la plupart des notables politiques locaux. A l’annonce de sa mort, il y eut des manifestations un peu partout au Maghreb. Six Européens out été lynchés à Casablanca, aussitôt vengés par la police française. Certaines sources avancent le chiffre de 1 000 morts du côté marocain.

La présence française en Afrique est de plus en plus contestée. Les Nord-Africains avancent toujours aux cris de «Nous voulons l’indépendance» et de «Echec à la répression colonialiste» par l’Union des démocrates français et des patriotes nord-africains. Voilà qu’il pleut à nouveau des hallebardes et des cordes. Il reste encore quelques centaines de mètres à parcourir pour les manifestants avant que le défilé ne soit clôturé par un char sur lequel une banderole largement étalée exige le respect de la Constitution, «le peuple abattra les nouvelles bastilles». La manifestation de ce 14 juillet 1953 est placée sous le signe de la légalité républicaine. Le sang français a coulé une seule fois dans le passé, au cours d’un défilé du 14 Juillet. C’était pendant la guerre contre les Allemands en 1944, lorsqu’un Breton, Yves Coudic, avait été tué par la police française après avoir voulu manifester pour la liberté. Il n’y avait aucune raison pour que cela se reproduise.

Policiers assassins et fascistes

C’est à 17h45, au moment où une pluie subite et abondante s’était mise à tomber, que l’attentat eut lieu. Le groupe compact et discipliné des Algériens, après avoir dépassé la tribune des organisateurs, se dirigeait vers la Foire du Trône à la place de la Nation pour plier les banderoles et se disperser. Soudain, des ruelles adjacentes, surgissent des policiers en formations serrées qui se précipitent sur les Algériens en les frappant à coups de matraque et en s’acharnant sur les portraits de Messali Hadj, le leader algérien du moment. Les Algériens refluent vers la place de La Nation où leurs camarades continuaient d’avancer. Une bagarre provoquée par la police a lieu, des coups de feu claquent. D’abord isolés. Puis des salves nourries d’armes à feu retentissent. La fumée des coups de feu s’élève au-dessus de la foule. La pluie continue de tomber et le sang se met à couler.

L’Abbé Pierre avec les Algériens

Les policiers et les CRS continuent de tirer. On crie «assassins», «fascistes». Des Français se joignent aux Algériens en chantant La Marseillaise qui est reprise par le comité d’organisation du défilé, avec l’Abbé Pierre en tête. Les policiers embarquent les manifestants dans les cars sous les volées des coups de matraques. Les manifestants s’organisent et les blessés algériens sont amenés dans les cafés de la place de La Nation avant d’être transportés dans tous les hôpitaux de Paris.

Ils sont atteints à la tête ou à la poitrine, plus particulièrement, le noir dessein de tuer est on ne peut plus clair. Un Algérien blessé dans la région du cœur expire au milieu des manifestants qui lui récitent la chahada, accroupis sur lui, sur les pavés de la place. Les policiers continuent de frapper et de tirer pour tuer. On dénombre déjà plusieurs morts.

Un car de police est renversé par les Algériens qui y mettent le feu. D’autres voitures de police ont les vitres brisées, leurs toitures sont défoncées. Un car de police flambe. Les CRS entrent dans les cafés à la poursuite de manifestants basanés. Des femmes et des enfants sont sauvagement frappés. Recroquevillée dans un coin, une femme française pleure en silence, son visage est ensanglanté. Elle est l’épouse d’un Algérien qui a été emmené par des policiers.

Un groupe d’Algériens portent sur leurs épaules un de leurs camarades sans vie, en répétant le témoignage de foi islamique «La ilâha illâ Allâh, Mohamed Rassûl Allah». Ils se dirigent vers la tribune des officiels et crient : «Voyez ce que fait la police de votre pays !»

Il tire sur les Algériens depuis la tribune officielle

Un commissaire divisionnaire vise calmement les Algériens avec son pistolet sous les yeux horrifiés des personnalités officielles, dont le président Vicent Auriol. Il fait feu à plusieurs reprises. Des cars de police se fraient à grande vitesse un chemin à travers la foule, des Algériens sont grièvement blessés. On n’est pas à quelques bras ou jambes disloqués prés. L’agent de police portant le matricule 18570, ce 14 juillet 1953 vers 17h30 commencera par assommer une femme à l’aide de la crosse de son pistolet avant de se précipiter à la poursuite de quelques manifestants désarmés qui parviennent à se faufiler dans un immeuble du quartier de La Nation. Il leur tire dessus à plusieurs reprises. C’est la fuite éperdue des Algériens dans les escaliers, des Français les accueillent dans leur appartement. Un témoin affirmera plus tard qu’un policier était calmement agenouillé derrière un kiosque d’affichage et qu’il tirait en direction des Algériens, comme dans un stand de tir de la foire du trône qui se trouve à deux pas. Une balle est entrée dans la gorge d’un manifestant qui a été aussitôt embarqué dans un taxi en direction d’un hôpital parisien. La police tire plus facilement dès qu’elle a affaire à des Arabes, dira un manifestant.

L’Abbé Pierre apporte son témoignage dans une déclaration : «Malgré la pluie tombant par moments en trombe et le vent tournoyant en bourrasques, le défilé en hommage au 14 Juillet, axé tout autour des mots d’ordre suivants : «Paix, justice, liberté, unité et action comme en 1936 (…) brutalement je fus remis les pieds sur la terre, j’étais à la tribune. J’entendis les coups de feu, les sifflets de police. Ce soir, j’apprends qu’il y a eu plusieurs morts et des dizaines de blessés. Oui, ils ont vraiment peur de ce mouvement d’unité pour la justice et pour la paix (…) Ils n’ont rien à opposer à notre raison, à notre cœur, à notre foi. Alors ils donnent la force et la force bestiale ! Honte à eux.» On relèvera 7 victimes, toutes tuées par balles de 7,65, qui ont atteint des parties vitales, la poitrine et la tête. 3 balles prélevées sur les cadavres par des médecins-légistes ont été saisies et placées sous scellés. Les familles avaient porté plainte et s’étaient constituées partie civile. Zoubir, alias M’hamed Yazid, le responsable de la Fédération du MTLD qui était toléré à l’époque, avait rédigé un communiqué qui disait : «Les corps des martyrs de la liberté doivent être remis à leurs familles pour qu’une sépulture conforme à leurs croyances leur soit assurée dans leur pays.» Quatre jours plus tard, des incidents sporadiques étaient toujours signalés à Paris. Un policier tirait sur un Algérien qui distribuait des tracts du MTLD à la sortie du métro Château de Vincennes. Le revolver tranquillement posé sur son bras gauche replié, il faisait feu dans le dos de l’Algérien qui s’enfuyait.

Fort heureusement, le policier était mauvais tireur, aucune balle n’avait atteint le fugitif. Le policier finit par ranger son arme dans son étui avec beaucoup de flegme, devant la population indignée, avant de rejoindre le commissariat. Salle Floquet à l’hôpital Saint-Louis, des Algériens rate et vessie perforées, les artères sectionnées, geignent sur leur lit. Cependant que les policiers demandaient aux blesses français :

– Vous êtes sûrs que ce ne sont pas les Algériens qui vous ont tiré dessus ? Un blessé français répond :

– La balle je l’ai reçue par devant, j’ai vu qui tirait, c’était un policier. A ses côtés un Algérien d’âge mur qui a une balle dans l’épaule et une autre dans la jambe lui dit :

– En Algérie, nous n’avons pas de droits ; ici, la police vous fait entrer cette vérité de trois coups de plomb dans le corps. Un Algérien a le regard dur et il dit :

– Nous n’avions que des bouts de bois, que des portraits déchiquetés et des pancartes, eux ils avaient des armes à feu. Puis il rajoute :

– Vivre comme nous vivons dans des hangars dans des caves nous relayant dans le même lit aux draps changés une fois par mois, exploités par les hôteliers, payés en dessous de notre catégorie par les patrons, méprisés par les uns et par les autres. Vivre comme nous vivons, ce n’est pas vivre. J’aime mieux lutter pour une autre vie et tant pis si je meurs. Un autre dira :

– Après ma blessure, je n’y voyais plus clair, c’est un couple de Français qui m’a ramassé et amené là. Je n’oublierai pas.

Gaston Dickman, un jeune apprenti à peine âgé de 15 ans, a pris deux balles dans le bas-ventre. Il se trouvait par hasard dans le groupe des Nord-Africains lorsque la police a tiré. Des lecteurs du journal L’Humanité témoignent de la violence de la répression contre les Algériens.

Une femme qui se trouvait place de La Nation écrit dans sa lettre : «Vers 17 heures un gradé qui commandait un groupe d’une quarantaine de policiers dit à ses hommes : c’est le moment allons-y. Tout le groupe s’est ensuite dirigé vers le haut de l’avenue du Trône, et la bagarre commença.» D’autres témoignages encore : «Je ne suis d’aucun parti, mais je tiens à vous faire connaître le dégoût profond que j’ai éprouvé le 14 juillet quand cet individu en uniforme d’agent, blême de colère, a arraché avec une brutalité sauvage les fleurs qui avaient été attachées à un arbre au pied duquel était tombé mortellement frappé un homme.» «Un groupe d’environ 120 agents avec des grades, tous revolver au poing, tiraient sur des Nord-Africains qui leur lançaient des bouts de bois.»

Bals annulés en signe de deuil

Les bals du 14 Juillet furent annulés dans certains quartiers de Paris en signe de deuil et de protestation contre le massacre des Algériens. A la Butte aux Cailles, 2 000 personnes décident d’arrêter le bal. De même qu’à la place Jeanne-d’Arc, dans le XIIIe arrondissement. Le bal du métro Marx-Dormoy est également annulé. A l’ile Saint-Louis, par contre, on observe une minute de silence, puis on recommence à se trémousser le derrière.

Le mardi 22 juillet, des milliers de travailleurs et de démocrates français ont défilé à la Mosquée de Paris devant les cercueils des Algériens assassinés, drapés du drapeau et vert blanc à croissant et étoile rouges :

Amar Tabjadi, né en 1928 dans le département d’Alger.

Abdallah Bacha, né en 1928 dans le département d’Alger.

Larbi Daoui, né en 1926 dans le département d’Oran.

Tahar Hadjeb, né en 1927 dans le département de Constantine.

Abdelkader Drahis, né en 1922 dans le département d’Oran.

Mouhoub Illoul, domicilié 83, rue Jean-Jaurès, à Maisons-Alfort (Seine, Val-de-Marne), ouvrier du bâtiment au centre de formation de Saint-Priest (Rhône), participa avec le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) à Paris. Il ne s’agit pas d’Isidore Illoul, comme des sites l’ont écrit. Cette information est fausse.

Ces meurtres s’ajoutaient au compte macabre de la «victoire de la civilisation sur la barbarie», comme disait Victor Hugo.

Des bribes du racisme ordinaire, banal et quotidien en France : le 23 mai 1952, 3 Algériens furent tués à Montbéliard, à Charleville et au Havre. Le 28 mai 1952, un militant algérien du MTLD, Belaid Hocine, est tué à Paris par la police. Le 1er mai 1953, il y eut 100 blessés et 200 arrestations parmi les travailleurs algériens qui manifestaient à l’occasion de la Fête du travail à Valenciennes. Le 1er mai 1951, à Paris, il y eut également de nombreux blessés algériens, dont certains gravement traumatisés par les coups de matraque reçus sur le crâne. Les corps des 5 manifestants algériens martyrisés au nom de la liberté le 14 juillet 1953 à la place de la Nation, à Paris, furent transférés en Algérie où ils furent discrètement enterrés.

Martyrs oubliés

Pour ces martyrs de la cause nationale qui précédèrent de peu de temps les centaines de milliers de martyrs de la guerre de Novembre, aucun souvenir. Aucun bout de terre au Carré des Martyrs d’El-Alia. Nulle mémoire. Sauf quelques lignes brèves, relevées sur la vieille coupure d’un poussiéreux journal, à demi-jauni par le temps. Pourtant, les cercueils de ces cinq martyrs algériens étaient drapés du même drapeau vert blanc à croissant et étoile rouges, qui resplendit de nos jours partout, dans l’Algérie libérée du joug colonial.

A.-F. B.

Histoire, anthropologie

Comment (9)

    Anonyme
    17 juillet 2023 - 1 h 34 min

    La liste est longue, interminable des crimes commis par la France en Algérie, en 132 ans de déni des Algériens. Il faut du courage pour reconnaître ces crimes. Cela me rappelle la ministre Colonna qui fustigeait l’hymne national Qassaman : l’heure des palabres est révolue. La preuve est dans ce beau et original texte, les manifestants algériens demandaient l’indépendance en manifestant paisiblement. La police française les a tirés comme des lapins. La France doit reconnaître ses crimes.

    SPECTO-TAHAR
    15 juillet 2023 - 14 h 04 min

    Salam, Azul, Bonjour, Good Morning, Buenos Dias, Buon giorno, Zaozhuang Hao, Do Broye utro,
    shubh prabhaat etc…. etc…..etc.
    Ceci pour saluer tous les Algériens sur toute la planète et me permettre de leur poser cette question qui me taraude l’esprit: Comment se fait-il que moi qui suis né en Algérie, grandi en Algérie, étudié en Algérie, détenteur de quatre diplômes dont deux universitaires (années 70), je ne savais pas que 5 de mes frères se sont faits massacrés le 14 juillet 1953 dans un pays qui s’est toujours dit pays de justice et des droits de l’homme et ce jusqu’au 13 juillet 2023 c’est à dire 73 ans après leur assassina.???
    La réponse mûrement réfléchie que j’ai élaborée et échafaudée, donne froid au dos pour ne pas dire autre chose.
    Je lance un appel au président Tebboune pour faire la lumière sur toute notre histoire de 1832 au 22 février 2019. Le peuple Algérien sera derrière vous, Monsieur le président.

    Anonyme
    15 juillet 2023 - 11 h 38 min

    Assassiner des Algériens a toujours été une activité favorite des autorités françaises.

    C’est pourquoi il faut rompre une bonne fois pour toute avec ce pays de criminels désaxés.

    ZZ
    14 juillet 2023 - 19 h 40 min

    @KALASH POURQUOI NE PAS DEVELOPER TON COMMENTAIRE,,?

    Nour
    14 juillet 2023 - 13 h 12 min

    Merci pour ce récit historique de cette période !

    Anonyme
    14 juillet 2023 - 12 h 34 min

    Bravo à l’auteur pour ce long article. On comprend tout, quand les Français s’en fichaient de ce qui pouvait arriver aux Algériens. Soudain le 1 novembre leur est tombé sur la tête. La ministre française et patriote corse Colonna devrait lire l’article pour savoir que les palabres de l’hymne Qassaman étaient définitivement clos. En 2023 la police tue toujours les Algériens pour d’autres prétextes.

    Anonyme
    14 juillet 2023 - 10 h 44 min

    Touktell Touktell franca…. C’est la seule image que ma mère a gardée de ce pays raciste, et c’est ce qu’elle me disait pour que je puisse tout comprendre

    kalash
    14 juillet 2023 - 5 h 35 min

    14 juillet 1953 , 5 juillet 1962, tous les peuples ont du sang d’innocents sur leurs mains

      Anonyme
      17 juillet 2023 - 1 h 25 min

      C’est qui lui ?

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