L’Occident doit être attentif aux stratégies antiterroristes des pays du Maghreb

Les Etats-Unis et l'Europe via la France mettent en relief le rôle stratégique de l'Algérie comme facteur de stabilisation de la région méditerranéenne et africaine. Les relations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent l'Europe qui doit être attentive aux stratégies des pays du Maghreb en direction de leur sud et sur les relations de toutes natures entre le Maghreb et l'Afrique subsaharienne. En effet, depuis des siècles, le Maghreb est lié avec l'Europe beaucoup plus étroitement qu'avec ses voisins du sud. Comment ne pas rappeler l'ancienneté du système caravanier transsaharien, l'unité culturelle forgée autour de l'islam et l'existence d'un «complexe de sécurité» dans la bande sahélienne et les dangers de la pénétration de l'islamisme radical à ne pas confondre avec l'Islam religion de tolérance à l'instar du judaïsme ou du christianisme avec des menaces réelles tant au Maghreb, qu'en Europe. Et sans oublier qu'existent des influences religieuses autour de la conception de l'islam qui influence largement les dirigeants politiques au niveau du Sahel. Entre les Frères musulmans qui encouragent le maraboutisme (zaouïas) dominant d'ailleurs au Maghreb, et les djihadistes qui y voient une dérive de la religion. Du point de vue géographique et politique, l'Afrique du Nord comme nous le soulignons dans deux ouvrages réalisés sous ma direction et celle du docteur Camille Sari, sur le Maghreb face aux enjeux géostratégiques (édition L’Harmattan, Paris 2015) était et reste toujours une sorte de barrière sur la voie des réfugiés illégaux des pays d'Afrique subsaharienne en Europe. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi, le Sahel est l'un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers. Kadhafi disparu, ce pays n'ayant jamais eu d'Etat au sens proprement dit, des centaines de milliers, dont 15 000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de l'armée libyenne, puis ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée dont une partie a été accaparée par différents groupes qui opèrent au Sahel, puis par d'autres groupes terroristes venus d'autres régions. Pour Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, «il faut dire et répéter que le facteur déclenchant tout cela est l'intervention occidentale en Libye». Ce qui ne disculpe pas l'ancien régime fondé non pas sur des institutions, mais sur des relations personnalisées qui explique l'effondrement actuel de l'Etat libyen et dont bon nombre d'Etats devraient tirer les leçons par la mise en place d'un processus démocratique. Pour le directeur du FBI, James Comey, qui a affirmé le 14 novembre 2013 devant le Congrès «qu'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) constituait une forte menace aux intérêts américains et occidentaux dans la région de l'Afrique du Nord et du Sahel». Il a cité l'opération terroriste perpétrée contre l'installation pétrolière de Tiguentourine en Algérie (Illizi) ainsi que celles commises contre le consulat américain à Benghazi et la mine d'uranium exploitée par une société française à Arlit (Niger). Pour le directeur du Centre américain du contre-terrorisme, Matthew Olsen, dont les services dépendent du directeur du renseignement national des Etats-Unis (DNI), devant la commission sénatoriale que si l'intervention militaire conduite par la France au Mali a permis de chasser Aqmi et ses alliés des villes qu'ils contrôlaient auparavant, ces groupes arrivent, cependant, à trouver refuge dans les zones les moins peuplées du nord du Mali et continuent à commettre des attaques de représailles. La plupart des dirigeants du Maghreb, de l'Afrique, de l'Europe et des Etats-Unis d'Amérique s'accordent dorénavant sur la nécessité de coopérer davantage face à la menace de l'insécurité et du crime organisé, insistant sur une coopération étroite des pays du Maghreb et du Sahel. C'est dans cet objectif que se sont établis des dialogues stratégiques, notamment entre les Etats-Unis-Algérie et Europe-Algérie. Cela a été formalisé lors de la première réunion qui s'était tenue en octobre 2012 à Washington, après la 5e session du dialogue militaire conjoint algéro-américain. Les Etats-Unis considèrent ce dialogue stratégique comme «le fondement» sur lequel les Etats-Unis et les pays du Maghreb dont l'Algérie doivent jouer un rôle essentiel afin de renforcer leurs relations futures dans les domaines politique, économique, culturel, scientifique et sécuritaire, notamment de lutter contre le terrorisme international.
Il s'agit donc de lever les contraintes du fait que la corruptibilité générale des institutions pèse lourdement sur les systèmes chargés de l'application des lois et la justice pénale en général qui ont des difficultés à s'adapter aux nouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé. La collaboration interjuridictionnelle est ralentie par l'hétérogénéité des systèmes juridiques notamment en Afrique du Nord et en Afrique noire. De plus, la porosité des frontières aussi bien que la coordination entre un grand nombre d'agences chargées de la sécurité aux frontières posent de grands problèmes. A terme, la stratégie vise à attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau formel et ainsi isoler les éléments criminels. Cependant à la lumière des derniers attentats en Europe, il y a lieu d'éviter des déclarations hâtives de verser dans la xénophobie qui alimente le discours des extrêmes, car l'islam autant que toutes les grandes régions monothéistes le judaïsme, le christianisme sont des religions qui prêchent la paix et la tolérance. Ce qui se passe actuellement ne saurait en aucune manière refléter les idéaux de l'islam. Les organisations terroristes ne sauraient donc référer les idéaux de l'islam, profilant tant d'une crise tant morale au niveau de certains dirigeants que de l'accroissement de la misère tant en Occident qu'en Orient. C'est que la résolution de ce mal implique de s'attaquer à l'essence (un co-développement) et non aux apparences comme le montre une étude du Forum économique mondial – WEF – du 14 novembre 2013 qui révèle que fortement secoués depuis deux ans par des crises politiques à répétition, les pays d'Afrique du Nord sont à l'aube d'une crise majeure et sont une source d'inquiétude, ces pays traversant une crise morale du fait du manque de valeurs au niveau du leadership. Le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus grand et tandis que l'écart de revenus renforce les inégalités en matière de richesse, l'éducation, la santé et la mobilité sociale sont toutes menacées. Le rapport considère «qu'il y a maintenant un consensus croissant selon lequel la région (Mena, Proche-Orient et Afrique du Nord) est à l'orée d'une période d'incertitude croissance, aux racines ancrées dans la polarisation de la société.
Abderrahmane Mebtoul
 

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