Elle a été reçue en héroïne : les Egyptiens idolâtrent Djamila Bouhired

moudjahida Bouhired
La moudjahida Djamila Bouhired. D. R.

Par R. Mahmoudi – Accueillie en héroïne depuis son arrivée en Egypte, il y a quelques jours, pour assister à un festival culturel à Assouan, Djamila Bouhired ne doutait pas de sa célébrité au pays des Pharaons mais jamais elle aurait imaginé une telle célébration. En quelques jours, elle a reçu des centaines de gens venus lui exprimer leur admiration. Le dernier à l’avoir couverte d’éloges est le ministre des Affaires étrangères, Samih Choukry, qui l’a reçue ce dimanche.

Si tout le monde sait que Djamila Bouhired est devenue l’égérie de la lutte algérienne dans le monde, la place qu’elle occupe dans le cœur ou l’imaginaire des Egyptiens est sans commune mesure. Il faut chercher l’explication dans l’image iconique et romantique forgée par le film culte de Youssef Chahine, Gamila, tourné en 1958, qui dépeint presque en temps réel la Bataille d’Alger et dont l’héroïne fut cette jeune fida’iya.

Le film a été diffusé en pleine ascension du nassérisme et du panarabisme, dans lequel Youssef Chahine va ensuite verser, notamment avec sa superproduction Salahuddine (1963) qui retrace l’équipée du chef musulman ayyubide qui avait sa capitale en Egypte, pour reconquérir El-Qods.

En même temps, pour les Egyptiens, la sortie du film Gamila fut comme une révélation et une illustration par l’image d’une profonde sensibilité pour la Révolution algérienne et du rôle galvanisateur sans nul pareil joué par la mythique Sawt Al-Arab, émission radiophonique relatant chaque semaine les exploits des révolutions arabes et qui restera gravée dans la mémoire collective des Algériens et de tous les Arabes. Les artistes égyptiens de différentes disciplines rivalisaient pour exprimer leur amour de l’Algérie et de sa Révolution. On connaît Mohammed Fawzi, qui a composé l’éternel hymne national Qassaman, suite à un concours organisé par la Radio nationale égyptienne. On sait aussi que, par amour pour l’Algérie combattante, comme il l’avouera lui-même, il a cédé tous ses droits d’auteur.

Le film de Youssef Chahine a, alors, donné à la fois un visage et une voix à cette révélation. Pourtant, les critiques de cinéma diront que Gamila est loin d’être le meilleur film de ce réalisateur prolifique. Non seulement Chahine n’a pas réussi, en termes de décor, de scénario et de dialogues, à reconstituer fidèlement l’ambiance de la Bataille d’Alger mais le choix des acteurs est, aujourd’hui, très critiqué. Joué par Magda, une star de l’époque, le rôle principal est presque réduit à des scènes mélodramatiques à l’égyptienne, sans nuances, couvertes de pudeur et expurgées de toute violence. Le contraire du film de Gillo Pontecorvo qui sortira huit ans plus tard et dans lequel le visage de Djamila Bouhired apparaîtra confondu avec ceux des autres Djamila, Bouazza, Boupacha et de toutes les belles d’Algérie.

R. M.

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