Le bourbier sahélien
Par Mrizek Sahraoui – La France peut-elle venir à bout des djihadistes au Sahel ? Rien n’est moins sûr. Et la question mérite d’être posée au regard de l’évolution de la situation marquée par la recrudescence des attaques sanglantes visant les intérêts de la France dans la région sahélo-saharienne, une zone dans laquelle sont stationnés 4 000 soldats français de l’opération Barkhane et où, manifestement, la France peine à juguler la menace djihadiste.
Intervenue au lendemain de la rencontre du G5 Sahel tenue à Bruxelles, le 23 février dernier, l’attaque de ce vendredi 2 mars, et non des moindres, à Ouagadougou, compte tenu des symboles visés – l’ambassade de France, l’Institut français et l’état-major des forces armées burkinabè – et le nombre de victimes témoignent de la capacité des terroristes à frapper quand et où ils le veulent.
Ces attentats meurtriers qui ont fait 30 victimes, selon le dernier bilan, sont loin d’être le fait d’un hasard. Ils interviennent au moment où une réunion importante de l’armée burkinabè relative au G5 Sahel se déroulait au siège de l’état-major général des armées en présence de hauts gradés, rapportent les médias français. Ce qui laisse à penser que les terroristes sont au courant des faits et gestes du G5 et de leurs forces militaires respectives.
La «lutte implacable contre les réseaux djihadistes» sévissant au Sahel promise par Emmanuel Macron ne semble, pour le moment en tout cas, nullement porter ses fruits. Pire, les observateurs parlent d’une «aggravation de la situation qui risque de déboucher sur un véritable chaos», un enlisement qui mettrait en doute la capacité de la France à se sortir du bourbier sahélien.
Cette attaque, après notamment celles de janvier 2016 et d’août 2017 qui avaient fait respectivement 30 et 18 personnes tuées, perpétrée au Burkina Faso, le maillon faible du G5 au regard de la situation politique interne, a délié les langues. Timidement mais avec insistance, les analystes évoquent, dès après les attentats, la nécessité d’associer dans cette guerre interminable l’Algérie, un partenaire incontournable vu les capacités de ses forces militaires aguerries par les expériences passées et de leur connaissance du théâtre des opérations.
Même si le G5 Sahel est à présent doté d’une enveloppe financière de près de 430 millions d’euros, rassemblés lors de la rencontre du 23 février, et est aidé par 4 000 soldats français déployés depuis 2014 dans le cadre de l’opération Barkhane, auxquels s’ajoute la Mission de l’ONU Minusma, ce groupe, composé du Mali, du Niger, de la Mauritanie, du Burkina Faso et du Tchad, éprouve toutes les difficultés à sécuriser la région du Sahel et semble incapable de mettre hors d’état de nuire les groupes djihadistes.
D’où l’impérieuse nécessité de revoir toute la stratégie de cette guerre sans fin qui doit intégrer dans le processus d’analyse, de décision et d’action d’autres acteurs capables d’apporter leur expérience de plusieurs années en matière de lutte contre les mouvements terroristes, l’Algérie en l’occurrence par opposition au Maroc qui fait dans la diplomatie du mégaphone, comme disait, à juste titre, l’ancien ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra.
M. S.
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