La charogne

Par M. Aït Amara – Rien n’a filtré sur l’entretien téléphonique qu’a eu ce mardi le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, avec son homologue français, Jean-Yves Le Drian, sinon qu’il s’est agi d’un échange sur les «questions d’intérêt commun», formule vaseuse qui cache l’essentiel.
«Pour ce qui est de la Libye, les deux ministres ont abordé les récents développements et les efforts liés à la sortie de crise. Ils ont, à cet égard, réaffirmé leur entière disponibilité à ne ménager aucun effort pour contribuer au parachèvement du processus onusien et au suivi des engagements pris par les parties libyennes lors de la Conférence de Paris», a souligné le communiqué du ministère des Affaires étrangères.
Un déchiffrage rapide du communiqué codé permet de relever que la France est en train de perdre ses «territoires conquis» en Libye. Par «récents développements», il faut comprendre le retour en force de l’Italie, plus que jamais décidée à corriger l’erreur de Silvio Berlusconi, resté inactif pendant que la France de Sarkozy et la Grande-Bretagne de Cameron se partageaient la charogne de son ancienne colonie. Doit-on comprendre, avec le recul, que l’attitude «amorphe» de Rome dans le dossier libyen était une stratégie qui visait à laisser les deux pays européens détruire la Libye pour s’imposer, par la suite, comme acteur incontournable dans l’opération de reconstruction de ce pays ravagé par sept ans de guerre civile ?
L’Italie abat ses cartes et affiche ouvertement son opposition au calendrier concocté par la France. Elle s’appuie sur les Etats-Unis qui viennent d’imposer une adjointe, Stéphanie Williams, à Ghassan Salame. Une conférence internationale sur la Libye est prévue à Rome dans les jours à venir, alors que la France croyait qu’elle avait définitivement placé ses pions pour les élections législatives et présidentielle fixées au 10 décembre prochain. Mais rien ne se passe comme l’avait prévu Le Drian. Son château de cartes s’écroule sous ses yeux et tout indique que le plan Paris est en train de tomber à l’eau.
C’est dans ce contexte très défavorable à la diplomatie française que Jean-Yves Le Drian a pris langue avec Abdelkader Messahel. Mais il y a peu de chances que l’Algérie, qui se tient à équidistance de toutes les initiatives extra-libyennes et qui a ses propres intérêts à défendre, aille dans le sens voulu par la France dans cette action de répartition du gâteau libyen.
M. A.-A.
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