Poème d’un artiste lors de son exil volontaire d’Algérie en 1973
Par Kaddour Naïmi – Voici un texte poétique écrit par un artiste lors de son exil volontaire d’Algérie, en 1973. Ce texte fait partie d’un livre en préparation sur le parcours artistique existentiel de l’auteur. Quoi de changé depuis lors ?
Sans parler
Sans parler
La mère et moi
Nous nous sommes embrassés
Evitant de nous regarder
Sans parler
Je suis parti
Accompagné par mon père
Sur sa vieille mobylette d’ouvrier
Sans parler
Nous entreprîmes le long voyage
Jusqu’à l’aéroport
Sans parler
Le père et moi
Nous nous sommes enlacés
Les yeux baissés
Puis je m’éloignai
Je ne me rappelle pas si je me retournai
Une dernière fois pour le saluer
Le père au cœur déchiré
Quand l’avion dans lequel je me suis fourré
A pris son envol
J’étais seul, effaré
Une boule me noua la gorge
Me voici émigré
Vaincu
Sur le chemin
Des miséreux à la recherche de pain
Et des opprimés en quête de liberté
Je conservais dans mon cœur
Le souvenir des coincés dans le malheur
Ils ne savent pas comment se libérer de la prison
Qui a l’imposture de se donner comme nom
«Démocratique et populaire»
Je conservais dans mon esprit
Les courageux
Restés sur place malgré leur dépit
Ils préfèrent lutter dans le pays
Au risque d’être assassinés
Honneur à vous, semeurs de dignité !
Honneur à vous de tenir haut levé
Le flambeau de la liberté
K. N.
(1973)
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