Dieu vous aveuglera et vous vous en irez (III)
Par Ali Farid Belkadi – Le grand muphti d’Alger est remplacé le 15 novembre 1830.
Jacob Bacri, «chef de la nation hébraïque»
Le grand muphti d’Alger est remplacé le 15 novembre 1830. Le lendemain, Clauzel nomme Jacob Bacri «chef de la nation hébraïque». Une impasse porta son nom dans la Basse-Casbah, dans la rue Socgemah (Souq Al-Djoumou’a, «le marché du vendredi»), dans le quartier juif. La maison des Bacri était nommée Dar-Ben-Zakheut, de Zakheut : le sobriquet de Bacri.
La peine de mort est instituée pour les «Arabes» pour toute tentative d’assassinat d’un Français. Des interrogatoires musclés sont menés contre des «Arabes» ayant transporté des armes.
Le 2 décembre 1830, Clauzel nomme le mamelouk Yusuf capitaine dans une compagnie formée par des Turcs et des Arabes.
La France décide de conserver ses possessions d’Alger et la fondation d’une importante colonie est projetée. Diverses lettres rédigées par le caïd Ibrahim, commandant du fortin de Mostaganem, indiquent qu’il s’est fait proclamer bey pour empêcher que les Arabes ne se soumettent à Mohiédine, le père du futur émir Abdelkader.
La nomination de Bacri en tant que chef de la nation hébraïque est assez curieuse. Car c’est l’affaire Bacri qui a provoqué la brouille en 1827 entre les Algériens-Turcs et les Français. Est-ce une promotion de la part des Français ?
La France ne pouvait pas faire grief au dey d’avoir laissé incendier le comptoir français de La Calle, car la Compagnie d’Afrique qui gérait cet établissement avait évacué les lieux normalement, dès le début du litige avec les Algériens. Aucun grief de bon sens ni aucun fait nouveau ne pouvaient légitimer l’envoi du corps expéditionnaire à Alger. Les Turcs qui étaient de bonne foi avaient quelque temps auparavant protégé contre des tribus kabyles les officiers d’un bateau français jeté par la tempête sur la côte à l’est d’Alger.
Le fil d’Ariane emmêlé autour de cette affaire Bacri reste à dénouer.
Au cours du mois de mai, les troupes marocaines évacuent Tlemcen. La résistance, qui s’est pourvue en vivres, en chevaux et en armements, y est fermement implantée.
Clauzel institue la peine de mort pour toute tentative d’assassinat d’un Français ; le 22 octobre, des Arabes sont suppliciés, ils transportaient des armes achetées en contrebande en dehors d’Alger ; à la suite de cette découverte fortuite de détention d’armes par des Algériens, l’interdiction de sortir de la ville avec des armes est établie le 24 octobre.
Le 2 novembre 1830, des maures d’Alger et des Turcs demandent la naturalisation française, Clauzel oppose son véto à cette demande jugée inconvenante.
Le 6 novembre, le consul d’Angleterre est prévenu de l’intention de la France de s’établir à Alger. Un poste militaire est créé dans la propriété du dey, dans la Mitidja.
A l’origine, seule la prise d’Alger importait aux Français, suivie du renversement du dey et la confiscation du trésor de la Régence d’Alger.
Le 15 novembre 1830, Clauzel destitue le Grand Mufti d’Alger. Les espions turcs engagés par les Français leur rapportent le contenu de sermons religieux antifrançais.
Le 15 décembre, alors que les Français ne peuvent pas quitter Alger sans s’exposer aux attaques de partisans algériens, Clauzel proclame par arrêté la déchéance du bey de Constantine, avec l’appui de la régence de Tunis qui veut s’agrandir sur des territoires de l’est du pays.
Un prince tunisien nommé bey de Constantine
Le 16 décembre 1830, Clauzel signe un arrêté désignant Sidi Mustapha Bey, prince de Tunis, nouveau bey de Constantine. Clauzel rencontre Lesseps et le bey de Tunis pour soumettre la province de Constantine en y installant un prince-lige tunisien.
Le bey du Titteri se rend aux soldats français le 25 décembre, il est envoyé en France trois jours plus tard.
Quelques années plus tard, opposé à la signature du traité de paix entre Abdelkader et Desmichels, Clauzel ne pouvait pas admettre qu’un Arabe quel qu’il soit ait l’arrogance de parlementer d’égal à égal avec un officier supérieur français.
10 000 soldats français à Alger
Le 25 novembre 1830, le roi de France fixe à 10 000 hommes le nombre de soldats devant occuper Alger ; de nouvelles armes sont dépêchées au corps des zouaves.
Le 3 décembre, à la suite de graves événements qui ont eu lieu en Belgique, le roi décide que les troupes et le matériel non nécessaires à Alger doivent rentrer en France. Une demande de fixer des détachements à Médéa est rejetée par le roi qui juge que la ville n’est pas sûre, de même que les côtes du littoral d’Alger où s’opèrent des trafics d’armes destinés à la résistance algérienne. Les tribus sont en effervescence, ordre est donné au commandement de l’armée d’Afrique afin que toutes les troupes soient rassemblées à Alger.
Le 20 décembre, le roi prend la décision d’ajourner le projet de colonisation, l’effervescence algérienne est vive dans l’Algérois. Le roi approuve la création du corps des zouaves, le 31 décembre.
Le mot zouave est la transcription latine de l’ethnique zwawa, qui désignait à l’origine l’ensemble des tribus kabyles du Djurdjura. Ce corps de zouaves était composé d’aventuriers kabyles, d’escrocs divers et d’impécunieux plus ou moins familiarisés avec l’emploi des armes. Ils sont pris en charge par les Français et formés au maniement d’armes obsolètes, à la manière des harkis de la guerre d’indépendance auxquels on remettait de simples fusils de chasse.
En 1830, l’Algérie, qui n’avait pas déclaré la guerre à la France, a été envahie par les troupes du corps expéditionnaire français.
Ali Farid Belkadi
Historien, anthropologue
(Suivra)
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