Et l’organisation de l’«élite» ?

manif élite
Pas de solution au Mouvement populaire sans organisation. PPAgency

Par Kaddour Naïmi – Dans la contribution précédente, concernant l’auto-organisation du Mouvement populaire comme agent social opératoire, un lecteur inséra ce commentaire : «C’est plutôt à l’élite intellectuelle et politique qu’il revient de se structurer, s’organiser et montrer concrètement, sur le terrain de la lutte, une combativité franche et soutenue en faisant bon usage de la force d’appui considérable que le Hirak met à son service. Mais pour l’instant, il est regrettable de constater que cette élite brille par son absence sur le terrain de la lutte. (…) En attendant que cette élite endosse honorablement sa tenue de combat, le Hirak est toujours là, debout, et il déblaie pour la postérité.» (1)

Tentatives vaines

A l’exemple de ce lecteur, qui donc, parmi les membres de cette «élite», a posé ce problème réel ? Voici l’objection prévisible : «Et toi, qu’as-tu fait ?» Bien que parler de soi n’est pour le moins pas appréciable, il faut bien répondre à cette légitime interpellation ; elle a, en outre, l’avantage de valider cet exposé par un témoignage personnel. Pour ma part, voici ce que j’ai proposé.

En janvier 2018, j’ai publié un «Appel pour un mouvement d’autogestion sociale» (2). Résultat : silence total !

Durant le printemps de la même année, j’ai commencé par proposer à deux intellectuels universitaires  – se distinguant par leurs écrits comme soucieux du peuple algérien –, dont l’un renommé en Algérie, j’ai donc proposé la création d’une revue culturelle. Elle regrouperait toutes les bonnes volontés et compétences afin de contribuer ensemble, chacun et chacune à sa manière, à l’indispensable production culturelle qui manque dramatiquement en Algérie, et qui serait susceptible de contribuer à la naissance d’un mouvement social en mesure de changer positivement la situation dans le pays. L’un des deux sollicités a fini par me calomnier dans la presse, l’autre a simplement décliné la proposition. Il m’a semblé inutile d’aller plus loin.

Retournons au passé lointain.

Juste après l’indépendance, le regretté et ami Yahia Alwahrani, de son vrai nom Jean Sénac, voulut faire de l’Union des écrivains algériens un noyau contribuant à cette culture indispensable à un surgissement d’une conscience sociale émancipatrice. On se moqua de l’initiative de Jean Sénac. On serait très étonné d’apprendre qui fut l’un de ces moqueurs qui préféra faire cavalier seul, avec son petit groupe d’amis.

Personnellement, en créant la troupe du Théâtre de la Mer à fin 1968, je déclarai vouloir en faire un exemple incitant à créer un maximum de troupes du genre sur le territoire national, afin de contribuer à la naissance d’un mouvement culturel émancipateur. Un seul critique le comprit (3), sans être entendu.

 

Cas exemplaires

La conscience de la nécessité d’une auto-organisation des intellectuels en Algérie, cette nécessité provenait d’une connaissance personnelle d’exemples historiques.

Des nations ont connu une union d’intellectuels ayant su produire les idées que leurs peuples ont, par la suite, employées comme moyens d’émancipation politique et sociale. Exemples significatifs mais non exhaustifs : les membres du Siècle des Lumières en France, réunis autour de L’Encyclopédie, dirigée par Denis Diderot ; le mouvement intellectuel russe d’avant 1917, réuni autour de la revue La Cloche, dirigée par Alexandre Herzen ; le mouvement intellectuel chinois qui porta à l’élimination du régime féodal en 1919, puis au développement du mouvement populaire émancipateur.

Il y eut également – il faut le noter – des «élites» réactionnaires qui, en s’auto-organisant, eurent une certaine influence sur leurs peuples. Exemples significatifs et non exhaustifs : les intellectuels allemands nazis, les intellectuels arabes qui ont créé l’organisation Frères Musulmans (4).

Certes, dans tous les cas, il s’agissait d’une minorité d’intellectuels mais leurs capacités en matière de culture émancipatrice (ou réactionnaire) était assez forte. Leurs productions eurent un rôle important dans le réveil de la conscience sociale, suivie par l’action populaire. Ces productions constituèrent une base pour l’établissement d’un programme, d’une «feuille de route» qui permirent de concrétiser les changements sociaux émancipateurs (ou réactionnaires).

Bilan

En Algérie, si l’islamisme politique armé a été vaincu, par contre, l’islamisme politique et idéologique demeure vivace et influent, quoiqu’en disent certains intellectuels qui prennent leur désir pour réalité. Cet islamisme dispose de ce qui donne la force sociale : une auto-organisation, un programme d’action commun et des représentants pour le concrétiser. Ces trois éléments manquent aux intellectuels se réclamant de la démocratie, quelle que soit sa nature, capitaliste ou socialisante. Même durant l’hécatombe d’intellectuels qui eut lieu durant la «décennie noire», à ma connaissance, il n’y eut pas d’auto-organisation effective des intellectuels.

Retournons au passé d’après l’indépendance. Il y eut des tentatives d’organisation des élites algériennes. Principalement par deux partis politiques d’opposition. L’un fut radical et sans concessions avec l’oligarchie alors dominante : le PRS (Parti de la révolution socialiste), dirigé par le regretté Mohamed Boudiaf. Malheureusement, ce Parti fut trop faible, principalement à cause de l’impitoyable répression exercée contre lui par l’oligarchie dominante. L’autre parti, le PAGS (Parti de l’avant-garde socialiste) pratiqua, hélas, le «soutien critique» avec l’oligarchie. Il en résulta une élite intellectuelle opportuniste (certes, suite à une répression impitoyable de la part de l’oligarchie) et «caporaliste». Opportuniste, elle bénéficia des strapontins administratifs concédés par l’oligarchie régnante, tout en s’efforçant de créer des «espaces de liberté». Il en résulta  une désorientation qui a neutralisé, quand pas corrompu financièrement, des membres de cette élite intellectuelle, isolant et neutralisant la minorité d’entre eux, réellement au service du peuple. Quant au «caporalisme», il se manifesta par une action où l’asservissement à l’idéologie et à la politique du Parti («l’Avant-Garde» !) primait sur la valeur qualitative de la production intellectuelle. Mécanisme typique jdanoviste stalinien. Comme en Russie, où le bolchevisme au pouvoir annihila l’émancipatrice production intellectuelle, en Algérie le pagsisme eut un résultat identique : la médiocrité servile érigée en «culture». Le cas le plus flagrant fut le théâtre caporalisé de l’époque. J’en ai payé les frais (5).

Encore aujourd’hui, quoique ce Parti est depuis longtemps dissous suite à ses contradictions internes, sa mentalité reste majoritaire parmi les intellectuels algériens : opportuniste et caporaliste. Opportunisme, parce que préférant les strapontins offrant de confortables sinécures dans l’administration, tout en se proclamant «progressiste» et «démocratique». Et «caporalisme», car tout intellectuel n’adhérant pas à cette position est automatiquement occulté, écarté de toute possibilité de travail dans les domaines où ces intellectuels «progressistes» ont des responsabilités étatiques. Là, aussi, j’en ai payé les frais (6).

Notons un aspect fondamental. Le point commun entre les gérants de l’Etat et les membres de l’élite d’opposition est la mentalité autoritaire hiérarchique : seuls les membres des élites conçoivent et ordonnent, le peuple se contentant d’applaudir et d’exécuter. On comprend, alors, que le concept d’autogestion sociale soit totalement tabou. Certes, la formule «Par et pour le peuple» est évoquée tout le temps (sauf par les intégristes islamistes)  mais, dans les faits, il s’agit uniquement d’une proclamation démagogique. Pour ces élites, le but n’est pas de partager le pouvoir entre tous les citoyens mais de prendre le pouvoir pour, ensuite, édifier un système social où ces élites demeurent dominantes.

Le pays a, certes, une minorité – à ma connaissance toute petite minorité – d’intellectuels professionnellement compétents et éthiquement au service de l’émancipation sociale réelle. Mais, en règle générale, – tout au moins selon mes constatations personnelles, basées sur les actes et non sur les déclarations d’intentions, le souci premier des intellectuels se proclamant soucieux du peuple est ailleurs : d’abord, s’assurer une carrière professionnelle qui leur fournit une certaine réputation médiatique et les bénéfices matériels qui l’accompagnent. Pour ces intellectuels, la conscience de la nécessité de s’unir sur la base d’un programme d’action commun, cette conscience est absente, sinon hésitante. Depuis l’indépendance, à part Jean Sénac, qui et combien sont les intellectuels qui se sont unis dans une structure commune, non caporalisée – précisons-le – autonome, pour contribuer à la production d’une culture servant à l’émancipation sociale du peuple ?

Voici un cas flagrant où les intellectuels algériens, francophones comme arabophones, ont failli totalement à leur devoir : la promotion de la langue populaire arabophone, dite «darija». Alors que dans le monde, un groupe d’intellectuels a contrecarré la langue élitaire dominante dans son pays, pour promouvoir la langue populaire (par exemple, le français était, au temps de Ronsard, une simple «darija» dominée par le latin, mais qui devint langue à part entière grâce au groupe d’intellectuels réunis dans la «Pléiade»), en Algérie on se contenta du français et de l’arabe classique, au mépris de la langue populaire arabophone. Pis encore : on évoqua des arguments de fanfarons (tare habituelle de l’aliénation de colonisé) pour justifier ces choix. Seuls les intellectuels amazighs eurent le courage et l’honneur de combattre pour valoriser leur langue populaire. Et quand, pour introduire le débat, j’ai publié mon essai Défense des langues populaires : le cas algérien (7), silence total. En Algérie, ce n’est pas l’argument qui compte, mais le statut médiatique de l’auteur. Ce statut est concédé par des élites oligarchiques de l’ex-métropole coloniale ou par celles moyen-orientales. Frantz Fanon, reviens ! pour constater combien d’intellectuels algériens, au pays ou dans la diaspora, sont encore colonisés ou néocolonisés, tout en se proclamant libres penseurs au service du peuple.

Au cours de l’actuel Mouvement populaire algérien, l’enthousiasme me porta, avec un ami informaticien, à élaborer un projet de revue culturelle, où interviendraient toutes celles et ceux qui estimeraient indispensable de créer un mouvement culturel d’émancipation sociale. Mais voici la question : combien de personnes collaboreraient de manière bénévole et régulière ?

La majorité dominante des membres de l’élite politique, syndicale et intellectuelle, y compris «progressiste» et «démocrate», se caractérise par le «zaïmisme», le leadership : «Moi, le meilleur ! Qui n’y consent pas est un envieux !» Ces intellectuels adorent être érigés en icône (voir leur manière de poser devant l’appareil photographique, tels de vulgaires acteurs de Hollywood), qualifier de «Monument», de «Géant», de «Mythe»… Ils le sont par la petite-bourgeoisie superficiellement cultivée, psychiquement demeurée enfantine parce que besogneuse de «Père Sauveur».

Au contraire, s’unir dans une structure, c’est mettre au second plan la personnalité individuelle au bénéfice de l’organisation collective. La majorité des intellectuels font cavalier seul. Cette posture leur permet de bénéficier du beurre et de l’argent du beurre : argent et privilèges d’une part (jamais révélés publiquement) concédés par les gérants du pouvoir (étatique ou privé) et, d’autre part, une image (ostentatoire) d’ami et défenseur du peuple. Cependant, la critique des autorités (étatiques ou privées) est soigneusement calibrée : elle pointe le secondaire et occulte l’essentiel, par exemple, dénoncer la «bureaucratie» et non l’oligarchie dominante, cause de la bureaucratie ; ou encore dénoncer des problèmes sociaux stigmatisés comme «tares», en occultant les premiers responsables de ces «tares».

Prêtons finalement attention uniquement à la minorité d’intellectuels réellement soucieux de l’émancipation du peuple. Avant ou pendant qu’ils parlent ou écrivent pour demander au peuple de s’auto-organiser, ne devraient-ils pas, d’abord, commencer par donner l’exemple eux-mêmes ?

  1. N.

[email protected]

(1) «Un Hirak qui ne s’organise pas échouera», https://www.algeriepatriotique.com/2020/02/10/contribution-de-kaddour-naimi-un-hirak-qui-ne-sorganise-pas-est-voue-a-lechec/

(2) Voir «Vers l’intifadha populaire en Algérie 2019», disponible ici https://www.editionselectronslibres-edizionielettroniliberi-maddah.com/ell-francais-sociologie-oeuvres-vers-intifadha-algerie-2019.html

(3) ««Le Théâtre de la Mer doit exister à des milliers d’exemplaires (…)», article non signé, revue Echabab», 7 février 1971.

(4) Pour plus d’informations concernant la Chine, l’Allemagne et les pays arabes, voir https://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/1076

(5) Voir «Ethique et esthétique au théâtre et alentours», Livre 2 : «Ecriture de l’histoire avec la gomme ou le prix du silence», disponible ici : https://www.editionselectronslibres-edizionielettroniliberi-maddah.com/ell-francais-theatre-oeuvres-ecrits%20sur%20theatre_ethique_esthetique_theatre_alentours.html

(6) Voir «Ethique…», o. c., Livre 4 : Retour en zone de tempêtes.

(7) Librement accessible ici :https://www.editionselectronslibres-edizionielettroniliberi-maddah.com/ell-francais-sociologie-oeuvres-defense_langues_populaires.html

Ndlr : Les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.

 

Comment (13)

    Zaatar
    19 février 2020 - 5 h 31 min

    Cherche elite pour hirak désespérément. Tu es un intellectuel ? Tu as acquis du savoir? Tu t’associes au hirak? Non? Alors tu n’es pas une élite.

    Anonyme
    17 février 2020 - 20 h 53 min

    Vous prenez les vessies pour des lanternes. Un tas de monde ne fait pas un peuple, sinon les supermarchés seraient une convention révolutionnaire, type 6 ème internationale…

    Karamazov
    17 février 2020 - 10 h 54 min

    Abou, issar il y a élite et « élite » . L’élite politique a tout foiré mais l’élite intellectuelle , elle, n’a pas encore essayé. Il lui faut fissa et bessif rejoindre le Hirak et se mettre à son service pour s’anoblir sinon …

    Parce que n’est ne que ça le sujet finalement. C’est une volonté de mise sous tutelle qui ne veut pas dire son nom. On revient aux vielles rengaines qui voudraient que l’intellectuel soit au service de sa patrie dhalima oula madhlouma. L’intellectuel digne de ce nom doit être comme Untel qui tresse des lauriers aux glorioles du Hirak pour ne pas être banni comme l’Autre.

    Et si cette élite ne veut pas se mettre au service de la populace ou bosse chacun pour son propre compte elle ne mériterait pas son nom. Et pourtant c’est cette vérité qui est vraie, dirait La Palice, si non c’est y quoi une élite ?

    On nous gave de ce que ne devrait pas être une élite s’offusquant de ce qu’elle est réellement. Les clercs ont trahi, il a dit lui.

    Dizouli , mais le problème c’est le Hirak , ce n’est pas l’élite. Si le Hirak tourne en rond et en vain , ce n’est pas parce que l’élite lui a manqué. Et puis, franchement c’est vraiment lui faire un mauvais procès à cette élite car elle n’a pas fait défaut au Hirak, en vérité.

    Tout ce que nous avons d’élite à travers le piyi ou à travers la diaspora a apporté sa contribution. Et si vous faites peu de cas des Addi , YB , KN , Lalmas, de ceux qui de la Nasa , de Londres , de Paris, de tous les coins de la planète y ont contribué , c’est que vous n’êtes que de fieffés ingrats.

    Iben , non le Hirak n’a rien échoué , il n’a rien réussi. Il suffit d’admettre qu’il n’a rien de révolutionnaire pour changer quoi que ce soit.

    On vous l’a dit et répété : le Hirak est un mouvement messianique incantatoire, un troupeau de tubes digestifs qui déambule tous les vendredis après la prière du T’hor qui croit qu’à force d’exorcisme et d’invocations sa misérable destinée changera.

    Ferid Racim Chikhi
    16 février 2020 - 19 h 06 min

    De quelle élite-s parle t-on ?

    J’ai tenté un petit exercice de compilation des écrits des auteurs, écrivains, sociologues, psychologues, anthropologues, ethnologues … sur le Hirak, le résultat se lit en deux mots : pas beaucoup.

    J’ai essayé d’en résumer quelques idées essentielles … Ma conclusion en seul mot : indigence !

    Les journalistes des années  »90 », écrivaient sur les coins de tables des rédactions, dans les cafés et brasseries et restaurants … sans microordinateur et sans les conforts à peine feutrés de leurs domiciles … Et pourtant, ils ont produit de belles pages pour soutenir la démocratie, les libertés de penser et d’expression, les droits fondamentaux … avec en permanence  »la menace d’être tirés » …

    Aujourd’hui, chacun tire la couverture à lui et personne ne sort du lot ou montre son engagement envers le Hirak – pour ou contre – ce qui montre que les séquelles de la pensée unique sont quelque chose comme pérenne.

      Zaatar
      17 février 2020 - 5 h 34 min

      Pas que, la distribution de la rente et la religion ont formaté à leur façon toute une société individu par individu. Et on peut résumer le résultat ou la conséquence du processus par le fait que la distribution de la rente a accrue l’égoïsme de chacun et la religion lui servant d’outil de camouflage et d’ustensile pour berner et truander son prochain.

    Souk-Ahras
    16 février 2020 - 18 h 18 min

    Ami contributeur Kaddour Naïmi, merci de m’avoir cité.

    Il y a une distinction à faire entre l’élite intellectuelle et l’élite politique, elles n’ont pas le même poids spécifique : La première pense, libre de tout lien, et communique le fruit de sa pensée. La deuxième agit dans le cadre qui est le sien fixé par la constitution pour faire aboutir un choix partisan. La politique échappant à l’exigence de vérité, chapitre hautement complexe et encombrant, je ne donnerai ici qu’un avis sur l’ordre intellectuel et sa vocation première.

    1// Il ne doit ni fermer les yeux devant la réalité, ni s’enfermer pour produire des concepts et des idées. Il se doit de rechercher et dire la vérité même s’il n’en a reçu mandat. Il doit lever tous les obstacles à l’émancipation sociale, s’impliquer et prendre parti sans être d’aucun parti. Tel se définit, à mes yeux, l’intellectuel.

    2// Pour faire entendre sa parole et se positionner dans la société, l’individu doit posséder et diffuser un savoir. Toutefois, ce savoir ne peut avoir de sens que s’il se transforme en culture et ceci quelle que soit sa cohérence et sa rationalité.
    L’université n’est pas forcément l’espace exclusif de l’intellectuel. Les professionnels du savoir, qu’ils soient ingénieurs, avocats, médecins, enseignants, littérateurs, etc, ne peuvent prétendre à l’intellectualité car cette dernière est un ensemble d’idées produites, transmises et validées par la société en tant que valeurs sociales. Or, qu’elles sont, dans les faits, ces valeurs sociétales imposées en Algérie depuis l’indépendance, qui ont étouffé ou forcé à l’exil la production intellectuelle préexistante, et obéré la naissance d’une nouvelle ? Populisme, nationalisme et Islam ! Leur apprentissage commençant à l’école primaire et s’étendent aux foyers familiaux en passant par les médias dédiés à cet usage.

    3// Il est entendu que la fragmentation du travail intellectuel conforte l’autoritarisme de l’État.
    Mise en place au lendemain de l’indépendance par des gouvernants peu soucieux des libertés premières constitutionnelles, la déprofessionnalisation de l’intellectuel, sa segmentarisation, les déficits matériels (revues et livres), les déficits en communication, l’absence de débats et d’échanges avec le peuple ont fini par avoir raison de l’engagement intellectuel et politique par l’élite.
    L’intellectuel engagé, militant, qui s’inscrit dans la politique de l’immédiat, est la seule dimension juste de son apport. Au niveau mondial, la tendance à l’intrusion de l’intellectuel dans les espaces politiques renvoie à l’émergence, la montée, du combat pour la démocratie, comme valeur universelle. En Algérie, le nationalisme et le populisme ont phagocyté, d’un certain point de vue, toutes les velléités intellectuelles qui pouvaient se cristalliser et apparaître comme des pôles d’idées, et cette identification au populisme a crée un vide abyssal au niveau de la pensée militante engagée.

    4// Mis à part quelques « pensées libres » militantes et engagées (dont la vôtre), où sont donc nos élites et que font-elles, dans le sillage du Hirak, pour l’édification de la nouvelle Algérie ?
    À bien observer les faits et gestes des unes et des autres, il semble que nous assistions là à un remake de l’« armée des frontières » et sa cohorte des nouveaux « moujahidines » du 19 mars 1959. Le négociateur engagé pour la nouvelle indépendance de l’Algérie étant le Hirak pensent-elles !

    Belveder
    16 février 2020 - 15 h 33 min

    IL faut arréter de se prendre pour le Nombril du Monde ..auqune élite n a reussi en 60ans a se démarqué en Algerie et a pesé dans le débat Public….Les Soumis ont droit de cité et parole avec le titre de «  »DOUKTOURR » » versus FLN..les autres s exlipssent ou s exilent……Ca me Rapel nos BRAVES ARTISTES dont certains d ailleurs sont devenus HIRAKISTES qui ont accomplis HADJ ET OMRA offert par qui d apres vous?????

    Zaatar
    16 février 2020 - 14 h 00 min

    La nature humaine, la nature humaine…elle inclut autant l’élite que son complémentaire dans la société qui elle meme est archaïque. Voyez tous les prétendants sans aucune honte à vouloir emprunter le chemin qui mène vers la rente…quitte à se prostituer au pouvoir. Voyez tous les centres qui se veulent « central », il n y a qu’eux qui peuvent faire émerger le pays de la mélasse dans il se trouve. Et vous pensez qu’avec tout ce beau monde on va changer de société et notre façon d’être….Dezz enakhla Dezz wallahi matendezz hata iji moulaha….

    Karamazov
    16 février 2020 - 13 h 17 min

    Et voila que KN change de Bœuf! Ma parole il va tous les traire ,waqila .

    Iben moua je pense que cette question est aussi farfelue et inutile que celle qui concerne l’organisation du Hirak qui lui au moins est une masse activable dans sa globalité. L’effet de masse .

    S’agissant de ce qu’on appelle l’élite l’affaire est tout simplement compliquée , il suffit de voir le résultat sur le terrain et la polarisation du champ politique.

    La question eut été plus pertinente si elle était posée autrement: pourquoi le champ politique est-il fragmenté? Car il y a une organisation des élites , mais en zaouias parcellaires.

    Et pourquoi le seul semblant d’organisation obtenu est sous cette forme fragmentée? La réponse est simple , elle tient au niveau de développement de notre société. Nous sommes une société archaïque qui se shoote à la rente et à la religion et tout gravite autour de cela : ce qui est rédhibitoire à toute possibilité d’organisation.

    Et c’est là que le bât déchire le chwari. Ces élites constituées en castes ne peuvent pas s’entendre pour un projet commun qui leur ôterait toute possibilité de légitimation que leur confèrent leurs statuts de castes, de tribus, d’ayant -droit, d’héritiers.
    Il faudrait donc à la rigueur plus parler de projet de société. Mais là encore , ce serait une lubie, car ceux qui sont déjà organisés pour siphonner la rente ne se laisseraient pas effacer pour un idéal sociale utopique.

    Moralité, tant que note société carbure à la rente et à la religion, il n’y aucune possibilité d’émergence d’un autre projet de société. Les élites sont aussi le produit de leur société et ceux qui s’individualisent, ou qui le tentent seulement, sont bannis .L’exemple de celui dont je ne dois plus dire le nom est encore frais dans nos mémoires.

    Et pour tout vous dire ,mieux vaut que cette élite ne soit pas organisée. Ontoulika , tout ce que je peux faire pour qu’elle ne le soit pas je le ferai.

    Le précurseur Naimi Kadour !
    16 février 2020 - 13 h 11 min

    Bravo Monsieur Kadour Naimi ! En plus de la problématique de la position de certains « intellectuels » envers le hirak que vous soulevez ici, vous étiez parmi les premiers à dévoiler le jeu trouble de Rachad, des islamistes, de Larbi Zitout, de Addi Lahouari, et leurs tentatives de récupérer les dividendes du hirak ! Pour eux, il faut laisser seulement le hirak continuer de s’éreinter dans les marches dans l’espoir de voir le pouvoir céder et afin d’en récolter au final les fruits à leur profit. Cette catégorie d’individus sont les premiers à critiquer toute tentative d’auto organisation du hirak dans le but d’arriver a ériger une vraie force d’opposition progressiste unie face au pouvoir et une vraie force de proposition ! On se souvent de ce Addi Lahouari qui a critiqué vivement l’initiative du PAD (…entre autre..) et ce, avant même d’attendre les conclusions de ses assises ! C’est pour vous dire la haine de ces individus contre une vraie démocratie, un vrai Etat de droit , un vrai Etat Civil, avec une séparation du politique et du religieux et avec la consécrations de toutes les libertés individuelles et collectives au sens noble des termes !

    Dr Abdelkader Saadallah
    16 février 2020 - 12 h 17 min

    UN AN ! Il a éclaté le 16/02/2019 de Kherrata, ce Tsunami humain par un pas de géant il secoua Batna pour sauter sur Alger le 22 Février 2019 et s’étendre dans tout le pays prenant le nom de HIRAK du 22 Février 2019. Il vient d’être symbolisé par une statue « Place de la Liberté 16 Février 2019 » à Kherrata, en s’enracinant dans les luttes du siècle dernier du peuple. Ma mère Talia bent Benkrich aurait dit « Tag ehna, tag elhih, et tag cheg el bhar ! (boum ici, boum là-bas et boum au-delà de la mer) » Et oui l’écho a survolé le blocage médiatique ridicule du Système obsolète juste bon pour la poubelle, pour gagner le monde, il est devenu GLOBAL !
    C’est une mer de femmes, enfants, hommes, de tous les âges, toutes les couches et courants politiques profonds du peuple qui marchent depuis chaque mardi, chaque vendredi dans toutes les villes pour dire NON PLUS JAMAIS CE SYSTEME EN PLACE DEPUIS 1962. Ils continuent inlassablement à marcher, malgré les répressions sous formes de matraquages sur le terrain, les kidnappings, les emprisonnements, toutes les formes arbitraires pour bâillonner le peuple. Echec du système pendant UN AN !
    Le Hirak a résisté à toutes les formes de calomnies pour le casser par une propagande ridicule le déclarant comme une provocation des services secrets, une dernière tentative du clan de Bouteflika pour faire passer le 5ème mandat, pour couvrir l’installation d’un nouveau clan, une mainmise de je ne sais qui. Mêmes de rares intellectuels respectés ont ralliés la contestation anti Hirak, dévoilant leur vrais visages : Ils écrivent pour que leurs articles soient acceptés dans des officines étrangères et non pas pour reproduire les aspirations du peuple !
    Les arguments de ces sceptiques ou d’autres poussés par des intentions d’intérêts qu’ils n’arrivent pas à cacher sont « évidents », disent-ils « rien n’a changé ! »
    Il n’y a d’aveugle que celui qui ne veut pas voir, car les changements sont EVIDENTS, ils crèvent les yeux, mêmes de ceux qui ne veulent pas voir. Au point que le tout le monde, même ceux qui étaient les DIRIGEANTS de la mafia à la tête du SYSTEME s’inspirent et déclarent « … Je l’avais dit AVANT le HIRAK ! » réclament-ils haut et fort, pour rejoindre cette NOUVELLE FORCE qui porte le nom de PEUPLE PROFOND ALGERIEN !
    On oublie de dire que lorsque les « gueux et les va-nu-pieds » de Paris ont incendiés la Bastille en 1789, il a fallu presque un siècle pour mettre un place un système pour pouvait prendre en charge l’aspiration du peuple « Liberté Egalité Fraternité », d’une façon si fragile que même de nos jours elle revient de nouveau au-devant des luttes quotidiennes du peuple français !
    Et en Russie, à St Pétersbourg, croyez-vous que le système a changé au 9ème jour après « Les 8 jours qui ébranlèrent le monde » en Octobre 1917 !
    Et croyez-vous qu’en Amérique l’esclavage a été supprimé à la fin de la guerre de sécession entre les nordistes et les sudistes !
    Et pourtant dans ces pays, à d’autres temps passés et dépassés, le peuple n’avait pas marché UN AN ! Exerçant une pression énorme en CONTINU sur les hommes du Système pour les rendre impuissants à utiliser les armes contre le peuple, malgré les répressions, les manipulations et autres saloperies que seuls les services dits secrets sont capables.
    Et encore d’autres qui viennent encore nous rabâcher que le Hirak DOIT désigner ses responsables, négocier, et patati et patata et bla bla. Ils n’ont rien compris du Hirak, et ils veulent lui appliquer les règles anciennes, dépassées, obsolètes de la structuration en ZAIM à la tête, et pourquoi pas un ROI, SULTAN, EMIR dans un carrosse, sur un cheval !
    Le Hirak a créé une DYNAMIQUE que nul parti, ni courant politique, ni tous à la fois n’ont pu même pas imaginée. Cette dynamique est en train d’isoler les CORROMPUS et les VOYOUS du système, ils se cachent, ils ne sont plus en sécurité, ils cherchent à quitter le pays ! C’est cela la plus grande réussite du Hirak, et je n’abuserai pas plus de votre temps en énumérant les autres succès, pour moi ils sont secondaires. Essah c’est cette dynamique, qu’il faut entretenir comme une flamme !
    Ceux qui croient et sont avec le peuple algérien, marchent chaque vendredi et chaque mardi clamant haut et fort leurs revendications, c’est la PRESSION CONTINUE SUR LE POUVOIR ! Ma3 3adek youin tazghoud (tu n’as aucune autre possibilité de maneuvre)
    Dr Abdelkader Saadallah 16 février 2020, l’AN 2 DU HIRAK !

    Anonyme
    16 février 2020 - 12 h 04 min

    Le peuple n´étant pas en possession des clés de la caisse pour rémunérer ses intellectuels,
    ces derniers se mettent nécessairement au service des vrais détenteurs du pouvoir.
    Ceci en attendant que le peuple s´approprie lui-meme des clés de ses caisses.
    Les Algériens ont un mot à eux pour désigner ces intellectuels, à savoir khobzistes.

    Zombretto
    16 février 2020 - 11 h 43 min

    « Cet islamisme dispose de ce qui donne la force sociale : une auto-organisation, un programme d’action commun et des représentants pour le concrétiser. » Ce qui fait la force de l’islamisme. ce qui lui permet de de realiser cette organisation justement, est qu’il fait appel à l’instinct au lieu de l’intellect : instinct de survie, instinct grégaire, instinct de défense. Dans une situation sociale telle que celle de l’Algérie – et autres pays dits arabes ou arabo-musulmans – des années 90, la lutte entre l’islamisme et toute autre forme d’organisation basée sur la rationalité est une lutte immensément inégale. C’est comme la différence entre descendre une pente raide et la gravir. Descendre est facile, gravir est difficile. L’islamisme demande aux foules de le suivre sur la pente. Facile ! Même pieds nus, n’importe qui, homme, femme ou enfant est capable de suivre une descente à pied. Plus la pente est raide et plus il est facile de marcher. On peut presque se laisser glisser ou rouler jusqu’en bas de la pente. Ça ne demande pas grand effort. Par contre, remonter la pente demande beaucoup d’efforts. Ça vous oblige à réfléchir, surtout si vous n’êtes même pas sûr de ce qu’il y a au sommet là haut. Vous savez que remonter la pente vous prendra beaucoup plus de temps et que vous serez totalement épuisé, assoifé et affamé avant d’arriver au sommet. Rien que regarder cette pente raide et longue vous déprime, vous dégonle, vous épuise avant même que vous ayez fait le premier pas. Seuls quelques uns parmi les plus hardis et les plus intelligents vous suivront.

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